Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 3 février 2003, présentée pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE ; la société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0104276 du 21 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de l'intérieur, en date du 23 juillet 2001, lui infligeant une amende de 10 000 F (1 524,49 €) pour avoir débarqué sur le territoire français en provenance de La Havane, le 10 septembre 2000, un étranger démuni de visa ;
2°) de la décharger de l'amende de 10 000 F (1 524,49 €) qui lui a été infligée le 23 juillet 2001 ;
3°) subsidiairement, de réduire cette amende à un montant symbolique ;
4°) d'enjoindre à l'Etat de lui rembourser le trop-perçu sous astreinte de 76,22 € par jour de retard à compter du 16ème jour de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 829,39 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'il résulte des dispositions de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ainsi que de la jurisprudence en la matière, que le transporteur ne doit être sanctionné qu'en cas d'erreur manifeste, décelable par un examen normalement attentif à l'oeil nu, dans l'appréciation de la validité du document présenté par le voyageur ; que le juge doit tenir compte de ce qu'elle a pris l'initiative de s'adjoindre à ses frais les services d'une société spécialisée dans le contrôle documentaire et qu'en cas de fraude décelée elle interrompt le départ du voyageur et le remet aux autorités de police, circonstances devant exclure toute sanction ; qu'elle est particulièrement attentive aux passagers pouvant être suspectés de vouloir détruire leurs documents de voyage à bord de l'avion et précise à ses agents de prendre, dans ce cas, une photocopie des documents présentés à l'embarquement ; qu'en l'espèce, en violation du 3 de l'article 4 du décret du 8 février 1993, elle n'a été avisée par le ministère que plusieurs mois après les faits et qu'elle n'a pu ainsi procéder à l'enquête nécessaire, circonstances constitutives d'une faute de procédure de nature à l'exempter de toute sanction ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 93-180 du 8 février 1993 pris pour l'application des articles 19, 20 bis et 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 92-307 DC du 25 février 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2005 :
- le rapport de M. Dacre-Wright, président ;
- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de l'amende :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I - Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 F l'entreprise de transport aérien ... qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable à raison de sa nationalité. Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par le ministre de l'intérieur. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. L'entreprise a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision du ministre, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. Le ministre ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an. II - L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'est pas infligée : 1°) lorsque l'étranger non-ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui demande l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande n'était pas manifestement infondée ; 2°) lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement ou lorsque les documents présentés ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste. ;
Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux dispositions de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de la Communauté économique européenne, devenue l'Union européenne, sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L.332-2 du code de l'aviation civile, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal dressé le 13 septembre 2000 par un officier de police judiciaire, que M. X a débarqué le même jour à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle du vol AF 3487 en provenance de La Havane alors qu'il était démuni de visa ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 du décret du 8 février 1993 susvisé : Le procès-verbal mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ... est transmis au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique. ... Il comporte ... le cas échéant, les observations de l'entreprise de transport. Copie du procès-verbal est remise à son représentant qui en accuse réception. ; que l'article 5 du même décret dispose : Le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique notifie à l'entreprise de transport, par lettre recommandée avec accusé de réception, le projet de sanction prévu au troisième alinéa du paragraphe I de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ... L'entreprise de transport est invitée à faire valoir ses observations éventuelles dans le délai d'un mois à compter de cette notification. ... ; qu'il résulte de l'instruction que le procès-verbal précité du 13 septembre 2000 a été signé le 14 septembre 2000 par un représentant de la SOCIETE AIR FRANCE ; qu'à supposer même que ce procès-verbal ne lui ait pas été remis à cette occasion, la société a eu ainsi connaissance dès le 14 septembre 2000 des faits constitutifs de l'infraction et a été mise en mesure de recueillir les éléments de nature à lui permettre de présenter ultérieurement ses observations sur le projet de sanction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision susvisée du 23 juillet 2001 du ministre de l'intérieur est intervenue au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que la matérialité des faits n'est pas discutée par la SOCIETE AIR FRANCE ; que le défaut de visa constitue une irrégularité manifeste que le transporteur a l'obligation de relever ; que si la société fait valoir, d'une façon générale, que le montant de l'amende est atténué par le juge administratif lorsqu'elle coopère avec les autorités de police en leur remettant le passager muni de documents irréguliers, il ne résulte pas de l'instruction que tel ait été le cas en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE AIR FRANCE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de la SOCIETE AIR FRANCE, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SOCIETE AIR FRANCE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les mêmes dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui ne se prévaut pas de frais exposés, obtienne la condamnation qu'il réclame ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE AIR FRANCE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
03VE00518 2