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07/06/2005 | FRANCE | N°02VE01152

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 juin 2005, 02VE01152


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SARL LOUVIGNY, ayant son siège 3, rue du Moulin de la Planche à Magny en Vexin (9

5420), par Me Belouis ;

Vu la requête, enregistrée le 3 avr...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SARL LOUVIGNY, ayant son siège 3, rue du Moulin de la Planche à Magny en Vexin (95420), par Me Belouis ;

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2002, au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, présentée pour la SARL LOUVIGNY ; la SARL LOUVIGNY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 972192 en date du 7 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la procédure est viciée en raison de la violation du secret professionnel applicable aux correspondances entre l'avocat et son client, protégé par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dont la violation est sanctionnée par l'article 226-15 du nouveau code pénal, dès lors que le vérificateur a emporté un document couvert par ce secret et a fondé les pénalités sur ce document ; que ce comportement constitue également une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y eu emport irrégulier de document comptable ; qu'elle était en droit de bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par l'article 44 septies du code général des impôts dès lors que l'activité de transport de marchandises est une activité industrielle par nature et relève de l'article 34 du code général des impôts ; que la note 4-A-6-80 en date du 9 avril 1980 concernant l'article 44 bis du code général des impôts et la note 4-A-8-79 concernant l'article 17 de la loi de finances pour 1978 se réfèrent pour la définition des activités industrielles à l'article 34 du code général des impôts ; que la nature de l'activité doit être appréciée sur le double fondement des caractéristiques de l'activité et de l'importance des moyens mis en oeuvre ; que les conditions de constitution d'une provision pour créance douteuse étaient remplies ; que les intérêts de retard auraient dû être limités au taux légal, la différence entre ce taux et le taux effectivement réclamé n'ayant pas été motivée et le juge disposant du pouvoir de moduler le taux ;

………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2005 :

- le rapport de M. Bresse, premier conseiller ;

- les observations de Me Pommerol pour la SARL LOUVIGNY ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure :

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux article L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. » ; que le chapitre I § 5 de la charte consacré au déroulement de la vérification précise qu'en cas de difficultés, le contribuable peut s'adresser à l'interlocuteur départemental ou régional et qu'il peut le contacter pendant la vérification ; qu'au chapitre III § 5 de la même charte consacré à « la conclusion du contrôle », il est indiqué que si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, le contribuable peut saisir l'inspecteur principal, puis l'interlocuteur départemental ;

Considérant que si la SARL LOUVIGNY fait valoir que l'inspecteur principal, qui était désigné dans l'avis de vérification comme pouvant être saisi des difficultés susceptibles de survenir au cours du contrôle ou après celui-ci, a participé à une réunion de synthèse durant la vérification et a signé la réponse aux observations du contribuable et qu'en conséquence, cette confusion de fonctions l'a privée d'une garantie prévue par la charte en faussant les conditions dans lesquelles son dossier aurait pu être réexaminé, il est constant que la requérante n'a pas, postérieurement à la réception de la réponse de l'administration à ses observations, demandé la saisine de l'inspecteur principal ou de l'interlocuteur départemental ; qu'elle n'est donc, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la procédure aurait été irrégulière ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du secret professionnel et du secret des correspondances :

Considérant, en premier lieu, que la consultation par le vérificateur d'un courrier qui lui a été remis par le contribuable lui-même ne peut constituer une violation du secret professionnel imposé aux avocats par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée en ce qui concerne les courriers échangés avec leurs clients ; qu'ainsi, la consultation par le vérificateur d'une correspondance adressée à la SARL LOUVIGNY par son conseil demeure sans effet sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la violation des articles 226-3 du code pénal relatif au secret professionnel et 432-9 du même code relatif au secret des correspondances sont, en tout état de cause, inopérants, dès lors que le courrier a été remis au vérificateur par le contribuable ;

Considérant, enfin, que la consultation par le vérificateur de ce document dans le cadre de la vérification de comptabilité ne saurait constituer, compte tenu de ce qui vient d'être dit, une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif notamment au secret des correspondances ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'existence d'un emport irrégulier de document :

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que, toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées ; qu'en outre, cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

Considérant que le ministre fait valoir, sans être contesté, que la société a conservé l'original du courrier que lui a adressé le 24 mars 1999 son conseil qui lui faisait part de ses réserves quant à l'application du régime prévu à l'article 44 septies du code général des impôts ; qu'il ressort du rapport de vérification qu'une copie de ce document a été faite en présence du comptable de la société ; qu'en conséquence, le fait que le vérificateur soit sorti de la pièce où se trouvait la comptabilité pour faire la photocopie et la circonstance que ce document n'aurait pas été mentionné sur le relevé des copies de documents remis au vérificateur ne suffisent pas, en tout état de cause, à caractériser l'existence d'un emport irrégulier d'un document comptable ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que la vérification dont elle a fait l'objet est irrégulière ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 septies du code général des impôts :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 44 septies du code général des impôts dans sa rédaction applicable en 1993 et 1994 : Les sociétés créées à compter du 1er octobre 1988 pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté qui fait l'objet d'une cession ordonnée par le tribunal en application des articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises sont exonérées d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. » ; que ne peuvent bénéficier de ces dispositions que les entreprises dont l'activité est de nature industrielle, quelle que soit leur forme juridique ;

Considérant que la SARL LOUVIGNY, créée le 1er juillet 1992, a repris les activités de transport routier de marchandises exercées par la SA TRANSPORTS LOUVIGNY ; que, quelle que soit l'importance des matériels mis en oeuvre, elle exerce une activité de prestation de services et non pas une activité industrielle ; que la circonstance que les résultats de cette société soumise à l'impôt sur les sociétés relèvent de l'article 34 du code général des impôts relatif aux bénéfices industriels et commerciaux est sans influence au regard de l'application de l'article 44 septies précité ; que la SARL LOUVIGNY ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, ni des termes de la note référencée 4-A-8-79 du 18 avril 1979, ni de ceux de la note référencée 4-A-6-80 du 9 avril 1980 qui sont relatives à d'autres dispositions législatives ; qu'ainsi, la société ne peut prétendre au bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 septies du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de l'existence d'une discrimination contraire à l'article 432-7 du nouveau code pénal, qui est inopérant, doit, en tout état de cause, être écarté ;

En ce qui concerne la réintégration d'une créance douteuse :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, ... notamment ... 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ;

Considérant que si la société LOUVIGNY allègue que la provision constituée le 31 décembre 1993 à hauteur de la valeur totale des créances détenues sur la Société Automatique de Profilage était justifiée par la connaissance qu'elle avait de la mauvaise situation financière de sa cliente, qui aurait été notoire, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe, à défaut d'éléments plus précis, du caractère douteux de ses créances, alors que sa débitrice n'a été placée en redressement judiciaire que trois ans plus tard ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 p. 100 par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de motivation des intérêts de retard doit être écarté ;

Considérant que la possibilité offerte à l'administration, par l'article L.247 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi de finances pour 2004, de procéder à des remises à titre gracieux d'intérêts de retard est sans influence sur le taux de l'intérêt légalement applicable ;

Considérant que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ... ne sont pas applicables à l'intérêt de retard dès lors que celui-ci ne présente pas le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération d'agissements mais la seule réparation d'un préjudice et ne constitue donc pas une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de cet article pour absence de modulation du taux doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant, par suite, que la SARL LOUVIGNY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions tendant au remboursement des frais exposés présentées par la SARL LOUVIGNY doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LOUVIGNY est rejetée.

02VE01152 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 02VE01152
Date de la décision : 07/06/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : BELOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-06-07;02ve01152 ?
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