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31/03/2005 | FRANCE | N°02VE02587

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 31 mars 2005, 02VE02587


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Ludovic X, demeurant ..., par Me Quemoun ;

Vu la requête, enregistrée le 1

8 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Pari...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Ludovic X, demeurant ..., par Me Quemoun ;

Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 3574 en date du 21 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité de 23 000 euros qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la faute commise par le centre hospitalier Verdier à Bondy lors de sa naissance dans ce centre en 1979 ;

2°) de condamner le centre hospitalier Jean Verdier à Bondy à lui verser une indemnité de 231 800 euros ;

Il soutient que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas fait une évaluation suffisante de son préjudice qui doit être chiffré à 167 750 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, à 30 500 euros au titre du préjudice esthétique, à 3 050 euros au titre du pretium doloris et à 30 500 euros au titre du préjudice d'agrément ; que le préjudice ne consiste pas seulement en une perte de chance d'évolution favorable de la maladie, mais aussi en des séquelles connues, prévisibles et inéluctables ; que l'évaluation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris était supérieure à celle du Tribunal ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2005 :

-le rapport de M Blin, premier conseiller ;

-les observations de Me Quemoun pour M. X et de Me Tsouderos pour L'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE PARIS ;

-et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en première instance, dans un mémoire enregistré le 1er août 2001, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a soutenu que, faute d'avoir été chiffrée plus de dix-sept mois après son enregistrement et plus de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise, la demande

de M. X était irrecevable ; que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis de répondre à cette fin de non-recevoir ; que, dès lors, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est fondée à soutenir que le jugement attaqué en date du 21 mai 2002 est irrégulier et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris, puis devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que dans sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris le 2 mars 2000, M. X a sollicité, en tant que de besoin, la désignation d'un expert en obstétrique à l'effet de donner son avis sur les questions non résolues par le premier expert et a indiqué qu'il chiffrerait ultérieurement son préjudice ; que, dans ces conditions, dès lors que M. X a chiffré ses conclusions dans un mémoire présenté en cours d'instance avant la clôture de l'instruction, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que sa demande était irrecevable ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que Mme X a donné naissance à Ludovic X le 3 février 1979 à l'hôpital Jean Verdier de Bondy ; qu'à sa naissance, à la suite d'un accouchement prématuré et d'un travail de cinq heures, Ludovic X est né cyanosé avec une détresse respiratoire ; que malgré un transfert dans l'unité spécialisée de l'hôpital de Montreuil, il demeure atteint du syndrome de Little ; que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé qu'il appartenait au médecin de l'hôpital Jean Verdier de tenir compte des lourds facteurs de risque d'accouchement prématuré que présentait Mme X en prévoyant un accouchement à proximité immédiate d'une unité de soin spécialisée ou en organisant, durant l'accouchement, un transfert in utero de l'enfant, et qu'en ne prenant pas l'une de ces deux précautions, l'obstétricien a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ; que, toutefois, si l'expert, nommé par le magistrat délégué, a soutenu dans son rapport du 15 mai 1998, qu'il aurait été sage de conseiller à Mme X un accouchement dans un hôpital pourvu d'un centre de réanimation et que Ludovic a perdu des chances d'une naissance sans séquelles , il énonce également que l'attitude du médecin a été conforme aux pratiques habituelles ; que, par ailleurs, alors que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a soutenu que, dans les premières minutes qui ont suivi sa naissance, Ludovic a bénéficié de la même prise en charge que dans un service de néonatalogie, l'expert n'a pas décrit les actes médicaux réalisés à l'hôpital Jean Verdier et n'a pas précisé en quoi la prise en charge dans un centre de néonatalogie aurait été différente ; qu'enfin, s'agissant du préjudice, l'expert a énoncé que Ludovic a pu présenter des séquelles neurologiques plus importantes qu'elles ne l'auraient été si la prise en charge dans une unité néonatalogique avait été immédiate, tout en affirmant par ailleurs qu'il avait perdu des chances d'une naissance sans séquelles ; que, dans ces conditions, compte tenu des imprécisions et des contradictions du rapport de l'expert, l'état du dossier ne permet pas à la Cour de statuer sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner une nouvelle expertise aux fins précisées dans le dispositif du présent arrêt ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 21 mai 2002 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé .

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de M. X tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et sur les conclusions de l'appel incident de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris , procédé à une expertise médicale.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.621-2 à R.621-14 du code de justice administrative .

Article 4 : L'expert aura pour mission :

-de prendre connaissance des pièces du dossier médical de Mme Rosette X, relatives à son accouchement le 3 février 1979 et à sa précédente grossesse, après que Mme X aura donné son accord pour la communication de son dossier médical, ainsi que du dossier médical de M. Ludovic X ; il pourra entendre toute personne du service hospitalier ayant participé aux soins prodigués à Mme X et à son fils ;

-d'examiner M. Ludovic X, d'entendre ses doléances et d'entendre Mme X ; de décrire les troubles dont souffre M. X et de préciser l'origine certaine ou probable de ces troubles ;

-de réunir tous les éléments devant permettre à la Cour de déterminer si des fautes médicales, de soins, dans l'organisation ou le fonctionnement du service ont été commises à l'occasion du suivi de la grossesse de Mme X, de son accouchement et des soins qui ont été prodigués à Ludovic X à sa naissance ;

-de décrire les antécédents de Mme X et d'évaluer, compte tenu de ces antécédents et du déroulement de sa grossesse, l'importance des risques qu'elle encourait d'accoucher prématurément et de mettre au monde un enfant handicapé ;

-de décrire les moyens dont disposaient respectivement à cette époque l'hôpital Jean Verdier, le centre hospitalier de Montreuil et son centre de réanimation néonatale pour traiter le cas des enfants prématurés ; de dire si le centre de réanimation de Montreuil disposait de moyens supplémentaires et de préciser lesquels ;

-de dire si, compte tenu des antécédents médicaux de Mme X et des moyens respectifs de ces deux centres, son enfant encourait des risques supplémentaires lors d'un accouchement à l'hôpital Jean Verdier ; d'évaluer l'importance de ces risques et préciser s'il aurait été nécessaire d'orienter Mme X vers l'hôpital de Montreuil avant son accouchement ;

-de préciser les actes accomplis lors de l'accouchement et de la naissance de l'enfant, notamment ceux réalisés lors des premières minutes de vie de Ludovic ; d'indiquer si ces actes étaient adaptés à l'état de l'enfant ; d'indiquer, le cas échéant si, compte tenu de soins plus adéquats prodigués à l'hôpital Jean Verdier ou d'actes supplémentaires susceptibles d'avoir été accomplis au centre de réanimation néonatal de Montreuil dans le cas où Ludovic y aurait été dirigé avant sa naissance, il aurait pu ne pas être atteint du syndrome de Little ou s'il a perdu des chances réelles d'éviter ce syndrome ou seulement une aggravation de ce syndrome ;

-de déterminer la date de consolidation de l'invalidité, la période d'incapacité temporaire partielle ou totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, d'évaluer l'importance du pretium doloris et du préjudice esthétique ; de donner tous éléments en vue de déterminer le préjudice d'agrément et les troubles dans les conditions d'existence ;

-de préciser la part de ces préjudices imputable à d'éventuels manquements de l'hôpital Jean Verdier ;

-d'une manière générale, de fournir à la Cour tous éléments lui permettant d'apprécier la responsabilité de l'hôpital Jean Verdier et d'évaluer les préjudices subis par M. X ;

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02VE02587
Date de la décision : 31/03/2005
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : QUEMOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-03-31;02ve02587 ?
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