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29/03/2005 | FRANCE | N°02VE02404

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 29 mars 2005, 02VE02404


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée par la SARL SECOFFIA, ayant son siège ... ;

Vu la requête, enregistrée le 8 juil

let 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée par la SARL SECOFFIA, ayant son siège ... ;

Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SARL SECOFFIA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98449 du 25 avril 2002 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la majoration pour mauvaise foi et à la réduction des intérêts de retard afférents aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 mars 1995 par avis de mise en recouvrement du 25 juin 1997 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

Elle soutient que l'intérêt de retard est constitutif d'une pénalité, comme le mentionnent la mise en demeure délivrée le 8 juillet 1997 ainsi que le jugement de premier instance et comme le prouve le refus de les admettre en déduction sur le fondement de l'article 39-2 du code général des impôts ; que cet intérêt doit être limité au taux légal qui est retenu par les articles L 208 et L 209 du livre des procédures fiscales ; que le taux de l'intérêt de retard est devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié dès lors notamment que ces intérêts ne sont pas déductibles des bases de l'impôt sur les sociétés ; que la référence aux taux des découverts non négociés n'est pas pertinente ; qu'il convient d'établir une symétrie entre l'Etat et le contribuable ; que pour la partie dépassant le taux de l'intérêt légal, le vérificateur devait motiver sa décision ; qu'en prévoyant un taux unique, le législateur a privé le tribunal de toute possibilité de modulation de la pénalité pour absence de bonne foi en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que sa mauvaise foi n'est pas établie, compte tenu de ses difficultés de trésorerie et du fait que la taxe due a été enregistrée en comptabilité ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2005 :

- le rapport de M. Bresse, premier conseiller ;

- les observations de Me X..., pour la SARL SECOFFIA ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à la réduction des intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 p. 100 par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toutes natures subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, y compris au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que cette référence, contrairement à ce que soutient la requérante, est pertinente, alors même qu'elle concerne les rapports entre personnes privées, dès lors ni les agents de la direction générale des impôts, ni les banques, dans le cas de découverts non négociés, ne sont maîtres des délais qui leur sont imposés par les contribuables retardataires et qu'ils ne disposent pas nécessairement d'une garantie de solvabilité de ces derniers ; que le ministre a fourni devant la Cour des éléments non contestés sur les différents taux applicables durant la période de calcul des intérêts susceptibles de donner une indication sur les taux pratiqués en matière de découverts bancaires non négociés ; que la référence au taux de l'intérêt légal, qui ne reflète qu'imparfaitement le taux du marché monétaire, ne constitue pas une référence plus pertinente pour établir le caractère manifestement excessif du taux de l'intérêt appliqué à la société SECOFFIA ;

Considérant, en deuxième lieu, que les articles L. 207, L. 208 et L. 209 du livre des procédures fiscales comme l'article 1727 du code général des impôts sont de nature législative ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la constitutionnalité des lois ; que, dès lors, le moyen tiré, au regard du principe d'égalité, de l'existence d'une différence injustifiée, de taux entre, d'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts et, d'autre part, les intérêts moratoires mentionnés aux articles L. 208 et L. 209 du livre des procédures fiscales n'est pas susceptible d'être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, que l'importance du montant total des intérêts de retard réclamés à la société SECOFFIA, qui résulte non seulement du taux de l'intérêt qui lui a été appliqué mais également de l'importance de sa dette vis-à-vis du service et du retard significatif qui lui est imputable, ne saurait suffire à démontrer que le taux appliqué serait manifestement excessif ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'appréciation du caractère excessif de l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 précité du code général des impôts ne saurait résulter d'un cumul du montant des intérêts dus en vertu de ce texte avec l'intérêt de retard distinct dû en vertu de l'article 1731 du même code en cas de retard de paiement après la mise en recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, la circonstance que le point d'arrivée de l'intérêt pour retard de paiement est constitué pour la société requérante par la date de paiement des droits et non par la date de la notification de redressement est sans portée ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : 2. Les transactions, amendes, confiscations, pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant les prix, le ravitaillement, la répartition des divers produits et l'assiette des impôts, contributions et taxes, ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt ;

Considérant que le fait que le service aurait refusé que soient déduits du résultat imposable pour le calcul de l'impôt sur les sociétés les intérêts de retard mis à la charge de la société en se fondant sur le 2 de l'article 39 du code général des impôts précité au motif qu'il s'agirait d'une pénalité fiscale, à le supposer établi, ne saurait conduire à qualifier l'intérêt de retard de sanction dès lors que la déductibilité de celui-ci pour le calcul du résultat imposable constitue une question distincte de celle en litige ; qu'en tout état de cause, la non déductibilité des intérêts est sans influence sur le montant de ceux-ci ;

Considérant, en sixième lieu, que la bonne foi du contribuable ne peut, en toute hypothèse, être prise en compte par la détermination du montant de l'intérêt de retard ;

Considérant, enfin, que les circonstances que la mise en demeure adressée le 8 juillet 1997 à la société et le jugement du tribunal administratif rangent sous la rubrique pénalités les intérêts de retard ne sauraient leur conférer cette qualification ;

Considérant que, par suite, la société SECOFFIA n'est pas fondée à soutenir que tout ou partie de l'intérêt de retard constitue une sanction ; qu'en conséquence, doivent être écartés les moyens tirés d'une part, du défaut de motivation, fondé sur les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, et, d'autre part, de l'absence de modulation, fondé sur l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des intérêts de retard visés à l'article 1731 du code général des impôts :

Considérant qu'ainsi que le soutient le ministre, à défaut d'avoir adressé au comptable compétent une demande préalable, la société SECOFFIA n'est pas recevable à contester les intérêts pour retard de paiement prévus à l'article 1731 du code général des impôts qui figurent sur l'avis de mise en recouvrement qui lui a été notifié le 28 février 1999, lesquels sont distincts des intérêts de retard afférents à l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur l'avis de mise en recouvrement du 23 juin 1997 ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des pénalités de mauvaise foi :

Considérant, en premier lieu, que le I de l'article 1729 du code général des impôts dispose que lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 qu'une personne physique ou morale, ou une association est tenue de souscrire ou de présenter en y portant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts, fait apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ... ;

Considérant que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ..., sont applicables à la contestation, devant les juridictions compétentes, des majorations d'impositions prévues par le I de l'article 1729 du code général des impôts dans le cas où la mauvaise foi du contribuable est établie, qui, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet, comme les simples intérêts de retard prévus par l'article 1727, la seule réparation d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les prononcer à l'autorité administrative, des accusations en matière pénale, au sens de l'article 6 de la convention ;

Considérant que les dispositions précitées du I de l'article 1729 du code général des impôts, qui proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable, prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard ; que les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment ; qu'en conséquence, le moyen tiré de la violation de l'article 6 de cette convention doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité d'une disposition législative au regard de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts constituerait une sanction disproportionnée contraire à l'article 8 de cette déclaration est inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, que la notification de redressement en date du 11 décembre 1996 comporte les motifs de droit et de fait justifiant, selon le vérificateur, l'application des pénalités pour absence de bonne foi ; qu'ainsi, quelle que soit la pertinence des motifs avancés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les pénalités n'auraient pas été motivées en violation de l'article L 80 D du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en invoquant le fait que la société SECOFFIA n'a pas mentionné la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de ses opérations sur ses déclarations périodiques durant la période en litige, alors qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, elle ne pouvait ignorer les règles applicables et qu'elle a d'ailleurs comptabilisé la taxe due en tant que dette au passif de son bilan, ce qui démontre qu'elle avait pleinement connaissance des règles applicables, l'administration établit l'intention de la société d'éluder l'impôt et donc son absence de bonne foi ; que les circonstances que la taxe en cause n'est pas une taxe collectée sur ses clients mais une taxe sur la marge perçue sur la différence entre le prix de vente et le prix de revient et qu'elle aurait rencontré des difficultés de trésorerie indépendantes de sa volonté ne dispensaient pas la société de déclarer la taxe due ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a refusé de faire droit à sa demande de décharge des pénalités pour absence de bonne foi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SECOFFIA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge d'appel ; que les conclusions tendant au remboursement de ces frais présentées par la SARL SECOFFIA doivent dès lors être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL SECOFFIA est rejetée.

02VE02404 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02VE02404
Date de la décision : 29/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : ALBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-03-29;02ve02404 ?
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