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03/03/2005 | FRANCE | N°02VE01378

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 03 mars 2005, 02VE01378


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société BONGRAIN, dont le siège social est ..., représentée par son président

du directoire en exercice, par Me Y... ;

Vu la requête, enregi...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société BONGRAIN, dont le siège social est ..., représentée par son président du directoire en exercice, par Me Y... ;

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle société BONGRAIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9602493 en date du 5 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1986 et 1987, mises en recouvrement le 31 décembre 1991, des pénalités y afférentes ainsi que de l'amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée en principal et intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que l'expédition du jugement du tribunal ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement et du conseiller rapporteur ; que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'un désinvestissement ; que le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé en ce qu'il n'identifie pas les éléments de fait et de droit justifiant la faculté pour l'administration de réclamer l'amende fiscale ; que le tribunal a commis une erreur de droit sur le champ d'application des articles 117 et 1763 A du code général des impôts ; qu' en effet, en l'espèce, ce sont les redressements dont la société en nom collectif Fromagerie des Chaumes, dont elle détenait la presque totalité du capital, a fait personnellement l'objet, qui ont généré, à raison de la part correspondant aux droits sociaux des associés passibles de l'impôt sur les sociétés, un revenu distribué ; que la société distributrice, au sens de la doctrine administrative 4J-1212 du 1er novembre 1995, ne peut s'entendre que de la société Fromagerie des Chaumes qui est la seule à pouvoir faire l'objet de la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts et qui est la seule à avoir consenti, sous forme de cadeaux à des tiers non désignés, des rémunérations occultes ; que les questions qui ont été soumises à la société BONGRAIN dans la notification de redressement du 24 juillet 1989 auraient dû être formulées auprès de la société Fromagerie des Chaumes ; que la société Fromagerie des Chaumes n'a pas été saisie d'une mise en demeure de fournir à l'administration, conformément à l'article 117 du code général des impôts, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution, à défaut desquelles l'excédent des revenus distribués donne lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ; que la procédure de vérification, aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, mais aussi la procédure de redressement devait être suivie directement entre l'administration fiscale et la société de personnes et qu'en l'espèce la demande d'information a été adressée à tort à la société appelante sur le fondement des articles 117 et 1763 A du code général des impôts alors que les informations réclamées ne concernaient que la divulgation des bénéficiaires des avantages occultes attribués par la société Fromagerie des Chaumes ; qu'il résulte du régime de la translucidité fiscale des sociétés de personnes selon lequel les associés des sociétés de personnes supportent les conséquences fiscales des choix et décisions prises par ces dernières que, dans l'hypothèse où, comme l'administration fiscale était tenue de le faire, elle aurait opposé la procédure de l'article 117 du code général des impôts, à la société en nom collectif Fromagerie des Chaumes, elle était en mesure d'en tirer les conséquences à l'encontre de la société BONGRAIN S.A., et en cas d'absence ou d'insuffisance de réponse, lui réclamer le paiement de l'amende fiscale prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2005 :

- le rapport de M. Martin, premier conseiller ;

- les observations de Me X... pour la Société BONGRAIN ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ; que la minute du jugement en date du 5 février 2002 par laquelle le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la SA BONGRAIN porte les signatures du président de la formation de jugement, du conseiller rapporteur et du greffier d'audience ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : (...) La décision juridictionnelle mentionne que l'audience a été publique. Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application. ; que la minute du jugement attaqué mentionne expressément le mémoire en réplique du 4 février 1998 déposé par la société appelante devant le Tribunal administratif de Versailles le 7 février 1998 ; qu'en tout état de cause en jugeant que le versement d'un avantage par une société de personnes dont les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés détiennent une part des droits sociaux correspond à une distribution de revenus imposables, le tribunal administratif a répondu à l'argument tiré de l'absence de désinvestissement présenté à l'appui du moyen selon lequel le redressement apporté aux résultats d'une société de personnes ne pouvait constituer un revenu distribué ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'omission à statuer sur ce moyen ;

Considérant, en troisième lieu, que le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

Sur l'application à la société BONGRAIN des dispositions des articles 117 et 1763 A du code général des impôts :

Considérant que la Société en nom collectif Fromagerie des Chaumes dont la totalité des parts est détenue par la SA BONGRAIN, société passible de l'impôt sur les sociétés, a déduit de ses résultats imposables des dépenses relatives à des cadeaux offerts à ses clients distributeurs ; que l'administration a estimé que ces cadeaux offerts à des bénéficiaires dont la Société en nom collectif n'avait pas décliné l'identité dissimulaient une distribution occulte et que le versement de cet avantage par une société de personnes dont des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés détiennent une part des droits sociaux correspond, dans la mesure de cette part, à une distribution de revenus imposables chez le bénéficiaire de cette rémunération dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que la Société BONGRAIN n'ayant pas fourni de réponse suffisante à la désignation des bénéficiaires de ces avantages occultes, la pénalité de 100 % prévue à l'article 1763 A du code général des impôts lui a été appliquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A. ; qu'aux termes de l'article 116 du même code : Pour chaque période d'imposition, la masse des revenus distribués déterminée conformément aux dispositions des articles 109 à 115 ter est considérée comme répartie entre les bénéficiaires, pour l'évaluation du revenu de chacun d'eux, à concurrence des chiffres indiqués dans les déclarations fournies par la personne morale dans les conditions prévues au 2º du 2 de l'article 223. et qu'aux termes de l'article 223 dudit code : 1. Les personnes morales et associations passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux (...) 2. Les personnes morales et associations visées au 1 sont tenues de fournir (...) 2º Un état indiquant, sous une forme qui sera précisée par arrêté ministériel, les bénéfices répartis aux associés, actionnaires ou porteurs de parts, ainsi que les sommes ou valeurs mises à leur disposition au cours de la période retenue pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés et présentant le caractère de revenus distribués au sens du VII de la 1re sous-section de la section II du chapitre I ci-dessus. (...) ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison, d'une part, des dispositions des article 109 1-1°, 110, 111 du code général des impôts, d'autre part, des dispositions des articles 8, 218 bis et 238 bis K du même code, que le versement d'une rémunération ou d'un avantage occulte par une société de personnes dont des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés détiennent une part des droits sociaux correspond, dans la mesure de cette part, à une distribution de revenus imposable chez le bénéficiaire de cette rémunération dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 116, 117 et 223 du code général des impôts, lorsque les résultats d'une société de personnes ont été rehaussés par réintégration d'avantages occultes, pour la part lui revenant dans ces résultats redressés, la base imposable de la société anonyme membre de la société de personnes est corrélativement majorée selon les règles applicables au bénéfice des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ; que faute pour cette société soumise à l'impôt sur les sociétés de s'être conformée à l'obligation de mentionner dans la déclaration visée à l'article 116 du code général des impôts la totalité des revenus distribués la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts, qui permet à l'administration d'interroger une société sur l'identité des bénéficiaires des sommes réintégrées dans ses résultats en application de l'article 238 bis K du code général des impôts du fait des rehaussements opérés au niveau de la société de personnes, et qui sont réputées distribuées au niveau de la société soumise à l'impôt sur les sociétés, ne peut être appliquée qu'à l'encontre de cette personne morale, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société de personnes constitue un sujet fiscal à part entière ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même ;

Considérant que si la société BONGRAIN entend invoquer le bénéfice de ces dispositions en vertu desquelles c'est la société de personnes qui, en cas de procédure de vérification, est l'interlocuteur unique de l'administration fiscale, ces dispositions sont sans incidence sur l'application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts qui permettent à l'administration de s'adresser à l'associé d'une société de personnes , à hauteur de ses droits dans la société de personnes, pour qu'il désigne les bénéficiaires des revenus distribués ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, que si la Société BONGRAIN soutient qu'elle ne peut , en tant que société anonyme , associée de la Société en nom collectif Fromagerie des Chaumes, fournir les informations demandées par l'administration en ce qui concerne la liste des bénéficiaires des avantages procurés par la Société en nom collectif, il résulte des dispositions de l'article L 221-8 du code de commerce que les associés non gérants ont le droit d'obtenir communication des livres et documents sociaux et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il doit être répondu par écrit ; que, dès lors, le moyen tiré de l'impossibilité de communiquer des informations détenues par la société de personnes dont elle est membre ne peut qu'être écarté ;

Considérant que la SA BONGRAIN ne peut utilement invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales la doctrine administrative du 1er novembre 1995 qui relève, d'une part, que l'article 117 vise la société distributrice et d'autre part, que c'est seulement en principe qu'il doit y avoir concordance absolue, pour une période d'imposition donnée entre la masse des revenus réputés distribués et le total des revenus individuels déclarés par la personne morale, cette doctrine étant postérieure aux années d'imposition en litige ; que, par suite, le moyen tiré de ce que seule la Société en nom collectif Fromagerie des Chaumes qui est une personne transparente, pouvait se voir appliquer la procédure de demande de renseignements prévue à l'article 117 du code général des impôts ne peut qu'être écarté ; que, par voie de conséquence, le moyen tiré du non-respect de la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts à l'égard de la société Fromagerie des Chaumes, sera de même, écarté ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 117 du code général des impôts impliquent nécessairement de la part de la société qui se trouve dans le cas prévu par cet article et qui entend n'être pas assujettie à la pénalité prévue à l'article 1763 A, comme il est prévu au deuxième alinéa du même article en cas de refus ou de défaut de réponse, l'obligation de fournir par écrit des indications présentant un degré suffisant de vraisemblance pour permettre à l'administration de comprendre, le cas échéant, les sommes distribuées dans les bases d'imposition du contribuable désigné comme bénéficiaire de l'excédent de distribution ;

Considérant qu'en réponse à la demande qui lui avait été présentée par l'administration sur le fondement de l'article 117 précité, la société BONGRAIN s'est bornée à indiquer, après avoir contesté formellement l'existence de revenus distribués, que si, par extraordinaire une telle qualification devait être en définitive retenue, elle ne pouvait que désigner la société Fromagerie des Chaumes comme bénéficiaire de cette distribution ; que, compte tenu du caractère invraisemblable de cette désignation alors que le motif du redressement ayant généré les revenus distribués était l'absence de désignation des bénéficiaires des cadeaux consentis par la Société en nom collectif Fromagerie des Chaumes, laquelle ne pouvait être regardée comme la personne bénéficiaire des rémunérations occultes, la réponse donnée par la société BONGRAIN équivalait à un défaut de réponse ; que, par suite, la société BONGRAIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'elle a été assujettie à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A sur l'excédent de distribution ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BONGRAIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des pénalités litigieuses ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la Société BONGRAIN la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société BONGRAIN est rejetée.

02VE01378 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02VE01378
Date de la décision : 03/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : TURON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-03-03;02ve01378 ?
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