La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2005 | FRANCE | N°02VE03965

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2eme chambre, 24 février 2005, 02VE03965


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ LES BERGES DE CROISSY, dont le siège est ..., par la SCP Lefèvre Pellet

ier et Associes ;

Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIÉTÉ LES BERGES DE CROISSY, dont le siège est ..., par la SCP Lefèvre Pelletier et Associes ;

Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SOCIÉTÉ LES BERGES DE CROISSY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement N° 9701666 en date du 1er octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 24 septembre 1996 par laquelle le maire de Croissy-sur-Seine lui a demandé de verser une participation de 13 035 165 francs et, d'autre part, à la condamnation de la commune à lui rembourser, avec les intérêts, la somme de 2 236 157,97 francs déjà versée ;

2°) d'annuler la décision du 24 septembre 1996 par laquelle le maire de Croissy-sur-Seine lui réclame une somme de 13 035 165 francs (1 987 198,10 euros) ;

3°) de condamner la commune de Croissy-sur-Seine à lui rembourser l'acompte de 2 236 157,97 francs (340 900,07 euros) avec les intérêts légaux majorés prévus à l'article L332-30 du code de l'urbanisme ;

4°) de condamner cette commune à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation dans la mesure où il ne se prononce pas sur les travaux concernant les berges de la Seine, ne précise pas ce qui justifie une différence de traitement entre les trois voies en cause et ne répond pas à l'argumentation relative à l'absence de nécessité des travaux pour la réalisation de la zone d'aménagement concertée du parc technologique de Croissy ; que le tribunal a également omis de répondre à l'argument tiré du caractère forfaitaire du fonds de concours ; que le tribunal a commis une erreur de droit en retenant le critère de l'intérêt principal de la zone d'aménagement concerté plutôt que celui des constructeurs ; que les travaux en cause ne présentaient pas le moindre intérêt pour la société requérante en sa qualité d'aménageur dès lors qu'ils étaient extérieurs au périmètre de la zone ; que la participation financière réclamée par la commune est, dans son principe, illégale et ne pourrait être validée par l'engagement de l'aménageur ; que l'absence de précision des dispositions conventionnelles rendait impossible toute vérification du cadre légal de la participation demandée ; que les premiers juges ne pouvaient donc considérer qu'elle ne contestait pas la ventilation du fonds de concours opérée à l'annexe I de la convention d'aménagement de zone ; qu'aucune pièce du dossier ne permettait de justifier le montant des travaux réalisés sur les trois voies en cause ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2005 :

- le rapport de Mme Heers, président assesseur ;

- les observations de Me Y..., représentant SCP Lefèvre Pelletier et Associes, pour la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY et de Me X... pour la commune de Croissy ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour contester le bien-fondé de la participation financière mise à sa charge par la convention relative aux conditions d'aménagement et d'équipement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du parc technologique de Croissy conclue en 1990 avec la commune de Croissy-sur-Seine, la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY soutenait devant le tribunal administratif de Versailles que les travaux de réfection de la rue de l'Ecluse et du chemin de ronde ainsi que l'aménagement des berges de la Seine visés à l'annexe 1 de cette convention ne répondaient pas à l'intérêt principal des constructeurs dès lors que ces voies et berges ne se situaient pas dans le périmètre de la zone ; qu'elle soutenait également que la participation était illégale du fait de son caractère forfaitaire ;

Considérant que le tribunal, qui a jugé que seuls les travaux de la rue de l'Ecluse avaient été mis à tort à la charge de la société requérante, n'a pas exposé les motifs pour lesquels il maintenait à sa charge les travaux d'aménagement des berges de la Seine ; qu'il n'a pas non plus répondu au moyen tiré du caractère forfaitaire de la participation ; qu'ainsi, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et d'évoquer la demande de la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY présentée devant le tribunal administratif ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que si la participation en cause est fondée sur la convention conclue entre la commune et l'aménageur de la ZAC qui avait, par ailleurs, la qualité de constructeur d'un ensemble d'immeubles dans le périmètre de la zone, ce fondement contractuel ne prive pas le constructeur de la possibilité de contester la légalité de la clause mettant à sa charge une somme de 14 millions de francs, actualisable selon l'évolution de l'indice INSEE de la construction, à l'appui d'une action en répétition de l'acompte versé en février 1992 et d'une demande d'annulation de la décision du 24 septembre 1996 par laquelle le maire de Croissy-sur-Seine lui a demandé le versement du solde ; qu'ainsi, la circonstance que la commune aurait observé de bonne foi ses obligations contractuelles à l'égard de la société requérante ne fait pas obstacle à la recevabilité de la demande de la société ;

Sur le bien-fondé de la participation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 (...). Les taxes ou contributions qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions du présent article sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement des taxes ou contributions ou l'obtention des prestations indûment exigées ; qu'aux termes de l'article 1585 C du code général des impôts : I Sont exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement ...2°) Les constructions édifiées dans les zones d'aménagement concerté au sens de l'article L. 311-1, premier alinéa, du code de l'urbanisme lorsque le coût des équipements, dont la liste est fixée par un décret en Conseil d'Etat, a été mis à la charge des constructeurs ; qu'aux termes de l'article 317 quater de l'annexe II au même code : Dans les zones d'aménagement concerté, l'exclusion de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 C-I-2° du code général des impôts est subordonnée à la condition que soit pris en charge par les constructeurs au moins le coût des équipements ci-après : 1°) dans le cas des zones d'aménagement concerté autre que la rénovation urbaine : a) les voies intérieures à la zone qui n'assurent pas la circulation de secteur à secteur, ainsi que les réseaux non concédés qui leur sont rattachés ; b) les espaces verts, aires de jeux et promenades correspondant aux seuls besoins des habitants ou des usagers de chaque secteur ; c) les aires de stationnement correspondant aux seuls besoins des habitants ou des usagers de chaque secteur ... ; qu'il résulte de ces dispositions que si, dans les zones d'aménagement concerté, peuvent être légalement mis à la charge des constructeurs des équipements autres que ceux qui sont énumérés par l'article 317 quater précité, de tels équipements doivent être situés à l'intérieur du périmètre de ces zones ou, s'ils se situent en dehors de ce périmètre, être réalisés dans l'intérêt principal des constructeurs ;

Considérant que la convention susvisée prévoit, en son article XIII, une participation financière de la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY sous la forme d'un fonds de concours de 14 millions de francs destiné à financer les équipements communaux induits par la réalisation du parc technologique, directement ou indirectement ; que l'annexe I à ladite convention précise que cette participation sera affectée plus particulièrement à la réfection totale ou partielle de la rue de l'Ecluse, du chemin de ronde et des berges de la Seine, ainsi qu'éventuellement à leur assainissement ;

Considérant que le montant de la participation ne pouvait légalement être fixé à la somme forfaitaire de 14 millions de francs que pour autant que les travaux destinés à être, au moins partiellement, financés de la sorte et portant sur des équipements publics extérieurs au périmètre de la zone, pouvaient être regardés, au vu des pièces du dossier, comme réalisés dans l'intérêt principal des constructeurs ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il est d'ailleurs finalement admis par la commune, que les travaux de réfection de la rue de l'Ecluse, qui ne dessert pas la zone d'aménagement concerté, ne présentent pas ce caractère ; que, par ailleurs, la commune ne produit aucun élément de nature à établir la consistance, la localisation exacte et le montant des travaux d'aménagement des berges de la Seine ; qu'en se bornant à affirmer, sans autre précision, qu'une partie des berges longe la zone d'aménagement concerté et que leur aménagement participe directement et nécessairement à l'intérêt du site et à la valorisation de cette zone, elle ne le démontre pas ; qu'enfin, si le chemin de ronde dessert la ZAC, c'est seulement en tant qu'il permet l'accès à la rue Eugène Labiche qui constitue seule la desserte directe de la zone ; que, dès lors, parmi les travaux de réfection prévus pour le chemin de ronde, seuls ceux effectués pour le rond-point giratoire permettant un meilleur accès à la rue Eugène Labiche peuvent être regardés comme répondant à l'intérêt principal des constructeurs ; que, dès lors, au vu de l'estimation produite par la commune du coût des travaux de réfection de cette voie, la participation due par la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY doit être limitée à la somme de 600 000 francs hors taxes, soit 723 600 francs toutes taxes comprises (110 312,11 euros) ; qu'il y a lieu, en application de la convention conclue entre les parties, d'appliquer à cette somme le taux d'actualisation correspondant à l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander, d'une part, la condamnation de la commune de Croissy-sur-Seine à lui rembourser la différence entre le montant de l'acompte versé en 1992 et la somme définie ci-dessus et, d'autre part, l'annulation de la décision du 24 septembre 1996 lui réclamant le solde de la participation due ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que si la société requérante demande les intérêts au taux légal majoré tel que prévu à l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, ces dispositions, issues de la loi du 29 janvier 1993 en tant qu'elles prévoient l'application d'un taux majoré de cinq points, présentent le caractère d'une sanction infligée aux collectivités publiques qui ont imposé aux constructeurs des prélèvements en violation notamment de l'article L. 332-6 du même code ; qu'eu égard à ce caractère, elles ne sauraient s'appliquer à des versements antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi ; que, dès lors, la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY est seulement fondée à demander que le remboursement partiel de l'acompte qu'elle a indûment versé le 6 février 1992 soit assorti des intérêts au taux légal ainsi que le prévoyait le dernier alinéa de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce ; qu'en l'absence d'élément au dossier établissant la mauvaise foi de la commune de Croissy-sur-Seine, il y a lieu de fixer le point de départ de ces intérêts à la date de la première demande de remboursement de l'acompte, soit le 26 décembre 1996 ;

Considérant qu'à la date du 11 septembre 2002, date à laquelle la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Versailles, il était du au moins une année d'intérêts ; que par suite, il y a lieu, par application des dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à la commune de Croissy-sur-Seine la somme que celle-ci demande sur ce fondement ; qu'en revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune à payer à la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement N° 9701666 en date du 1er octobre 2002 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La décision du maire de Croissy-sur-Seine en date du 24 septembre 1996 est annulée.

Article 3 : La commune de Croissy-sur-Seine est condamnée à rembourser à la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY une somme correspondant à la différence entre la somme de 340 900,07 euros, montant de l'acompte versé en 1992, et la somme de 110 312,11 euros, à actualiser en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction, qui reste à la charge de la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY. Cette somme portera intérêts au taux légal à partir du 26 décembre 1996. Les intérêts échus à la date du 11 septembre 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : La commune de Croissy-sur-Seine versera à la SOCIETE LES BERGES DE CROISSY une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Croissy-sur-Seine présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

02VE03965 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 02VE03965
Date de la décision : 24/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : SCP LEFEVRE PELLETIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-02-24;02ve03965 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award