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03/02/2005 | FRANCE | N°02VE03381

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 03 février 2005, 02VE03381


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société SOPAFOM, dont le siège social est 45 avenue Victor Hugo à Aubervilliers

(93300), par Me Choucroy ;

Vu la requête, enregistrée le 11 ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société SOPAFOM, dont le siège social est 45 avenue Victor Hugo à Aubervilliers (93300), par Me Choucroy ;

Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris par laquelle la société SOPAFOM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0011091 du 4 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2000 par laquelle l'inspecteur du travail de Bobigny lui a refusé l'autorisation de licencier M. Serge X ;

2°) d'annuler cette décision ;

Elle soutient qu'elle fera valoir dans un mémoire ampliatif que le jugement attaqué est irrégulier pour n'être pas revêtu, en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, de la signature du président, du rapporteur et du greffier d'audience ; que le jugement a été rendu en violation des articles L.431-5 et L.432-3 du code du travail et a dénaturé les pièces du dossier dès lors que le comité d'entreprise avait bien été consulté et qu'en toute hypothèse le refus du salarié d'accepter de nouveaux horaires ne pouvait constituer une modification substantielle du contrat de travail justifiant la décision de l'inspecteur du travail ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2005 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci porte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code auraient été méconnues manque en fait ;

Sur la légalité de la décision du 10 mai 2000 de l'inspecteur du travail de Bobigny :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'aux termes de l'article de l'article L.212-3 du code du travail : La seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail. et qu'aux termes de l'article L.212-4-9 du code du travail : Le refus par un salarié d'effectuer un travail à temps partiel ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que depuis 1993, la société SOPAFOM, qui exerce une activité de location et de vente de matériel de chantier, a souhaité que la durée hebdomadaire de travail de ses salariés soit réduite de 39 heures à 32 heures ; qu'après avoir vainement tenté de faire mandater un de ses salariés afin d'engager une négociation sur la réduction de la durée du travail, elle a obtenu de la plupart de ses 156 salariés qu'ils acceptent individuellement une modification de leur contrat de travail stipulant cette réduction ; qu'elle a proposé, le 29 novembre 1999, à M. X, qui est assistant technique et représentant du personnel au comité d'entreprise, une réduction de sa durée hebdomadaire de travail de 39 heures à 32 heures payées 37 heures ou de 39 heures à 35 heures payées 35 heures ; que M. X ayant refusé, le 23 décembre 1999, cette proposition qui selon lui avait notamment pour conséquence une réduction de sa rémunération, la société SOPAFOM a sollicité l'autorisation de le licencier le 17 janvier 2000 ; que, toutefois, par décision du 10 mai 2000, l'inspecteur du travail de la section n°3 de Bobigny a rejeté cette demande au motif que M. X n'avait pas commis de faute en refusant une proposition de travail à temps partiel, que la rémunération proposée pour la durée hebdomadaire de 35 heures n'était pas proportionnelle à celle qui était proposée pour 32 heures et que le comité d'entreprise n'avait pas été régulièrement consulté sur la réduction de la durée du travail ;

Sur la compétence territoriale de l'inspecteur du travail de Bobigny :

Considérant qu'aux termes de l'article L.436-1 du code du travail : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise (...) est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. ;

Considérant qu'à la date de la demande de licenciement M. X exerçait son activité à l'agence de Sangatte, dans le Pas-de-Calais ; que, toutefois, son contrat de travail a été signé au siège de la société, à Aubervilliers, par le secrétaire général de cette société ; que son licenciement a été soumis pour avis au comité d'entreprise du siège social ; que la demande d'autorisation de licenciement a été présentée par le président de la société SOPAFOM ; qu'en outre, la requérante n'apporte pas la preuve que l'agence de Sangatte ou la direction régionale du Nord-Pas-de-Calais disposeraient d'une véritable autonomie de gestion, notamment s'agissant du personnel ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la requérante, ni l'agence de Sangatte, ni la direction régionale du Nord-Pas-de-Calais ne peuvent être regardées comme des établissements au sens des dispositions précitées de l'article L. 436-1 du code du travail ; que, par suite, la société SOPAFOM n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail de Bobigny était incompétent pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M.X ;

Sur le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en qualifiant la proposition de réduction de la durée hebdomadaire du travail à 32 heures de proposition de travail à temps partiel :

Considérant qu'aux termes de l'article L.212-4-2 du code du travail : Dans les entreprises, professions et organismes mentionnés à l'article L. 212-4-1, des horaires de travail à temps partiel peuvent être pratiqués sur la base d'une convention collective ou d'un accord de branche étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. En l'absence d'accord, ils peuvent être pratiqués après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cet avis est transmis dans un délai de quinze jours à l'inspecteur du travail. En l'absence de représentation du personnel, les horaires de travail à temps partiel peuvent être pratiqués à l'initiative du chef d'entreprise ou à la demande des salariés après information de l'inspecteur du travail. Sont considérés comme salariés à temps partiel les salariés dont la durée du travail est inférieure : - à la durée légale du travail ou, lorsque ces durées sont inférieures à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou aux durées du travail applicables dans l'établissement (...) ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un accord collectif applicable à la société SOPAFOM ait prévu que la durée hebdomadaire du travail dans cette société serait de 32 heures ; que si la société SOPAFOM fait valoir que presque tous ses salariés ont accepté individuellement une modification de leur contrat de travail pour porter la durée hebdomadaire du travail à 32 heures et que sa tentative de faire mandater un salarié aux fins de négociation aurait échoué, elle n'établit pas ainsi que la durée hebdomadaire du travail dans l'entreprise aurait déjà été de 32 heures et que la proposition qu'elle a faite à M. X de travailler 32 heures à la date de la décision attaquée ne constituait pas une proposition de travail à temps partiel ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'en estimant que ladite proposition relevait des dispositions applicables au travail à temps partiel, l'inspecteur du travail aurait commis une erreur de droit ou de fait ;

Sur le moyen tiré de ce que la consultation du comité d'entreprise a été régulière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 432-1 du code du travail : (...) le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant (...) la durée du travail (...) et qu'aux termes de l'article L. 431-5 du code du travail : La décision du chef d'entreprise doit être précédée par la consultation du comité d'entreprise. Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise doit disposer d'informations précises et écrites transmises par le chef d'entreprise, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée du chef d'entreprise à ses propres observations. ; qu'il résulte, par ailleurs, des dispositions précitées de l'article L.212-4-2 du code du travail que des horaires de travail à temps partiel ne peuvent être pratiqués, en l'absence d'accord collectif, qu'après avis du comité d'entreprise ;

Considérant, en premier lieu, que la société SOPAFOM n'est pas fondée à soutenir qu'afin d'assurer une harmonisation des horaires de travail, elle serait dispensée de cette obligation ; qu'en second lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise, que l'employeur s'est borné à informer ce comité de la modification de la durée hebdomadaire du travail à 32 heures sans solliciter son avis motivé ; que, dès lors, l'inspecteur du travail a pu à bon droit estimer que la consultation du comité d'entreprise n'avait pas été conforme aux prescriptions de l'article L.431-5 précité du code du travail ;

Sur le moyen tiré de ce que la proposition fait par la société SOPAFOM à M. X ne constituait pas une modification substantielle de son contrat de travail :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les propositions de réduction de la durée du travail de M. X avaient pour conséquence une baisse sensible de sa rémunération et doivent, dès lors, être regardées comme une modification substantielle de son contrat de travail ; que, par suite, le refus opposé par M.X à la société SOPAFOM ne peut constituer une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; qu'en supposant que M. X soit le seul salarié de l'entreprise à ne pas accepter une durée de travail hebdomadaire de 32 heures, la requérante ne peut utilement soutenir que ce refus désorganiserait l'entreprise et justifierait le licenciement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SOPAFOM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la société SOPAFOM à payer à M. X la somme de 1000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et en appel, et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SOPAFOM est rejetée.

Article 2 : La société SOPAFOM est condamnée à verser à M. X la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02VE03381
Date de la décision : 03/02/2005
Sens de l'arrêt : Condamnation seul art. l.761-1
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BLIN
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : CHOUCROY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-02-03;02ve03381 ?
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