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21/12/2004 | FRANCE | N°02VE02403

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 21 décembre 2004, 02VE02403


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SA SORETRAC dont le siège est 214 avenue du Président Wilson Saint Denis La Plain

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Vu la requête sommaire enregistrée ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SA SORETRAC dont le siège est 214 avenue du Président Wilson Saint Denis La Plaine (93210) par Me X... ;

Vu la requête sommaire enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 8 et le 9 juillet 2002 et le mémoire ampliatif, enregistré le 21 février 2003, par lesquels la SA SORETRAC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9911438 en date du 7 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993 ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 550 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la notification de redressement est insuffisamment motivée ; que la consultation de la commission départementale des impôts est irrégulière ; que les provisions constituées pour faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables étaient déductibles dès lors qu'une société peut venir en aide à une filiale sans que celle-ci soit dans une situation particulièrement grave ou sur le point de déposer son bilan et qu'elles correspondaient à son propre intérêt commercial ; que le taux des intérêts moratoires appliqué excède de manière disproportionnée le taux de l'intérêt légal prévu à l'article L 313-2 du code monétaire et financier, ce qui constitue une mesure discriminatoire et confiscatoire au sens des dispositions combinées de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 1er du protocole additionnel à ladite convention ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2004 :

- le rapport de M. Bresse, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;

Considérant que la notification de redressement adressée le 30 novembre 1995 à la SA SORETRAC indique la nature, les motifs et les montants des redressement envisagés pour chaque année d'imposition ; que s'agissant plus précisément des provisions, elle comporte pour chacune d'entre elles des indications suffisantes sur les motifs justifiant la réintégration, permettant ainsi au contribuable de présenter utilement ses observations ; que cette notification mentionne, en outre, l'article 39-1-5° du code général des impôts qui fonde les redressements ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la notification de redressement au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui s'apprécie indépendamment de la pertinence des éléments relevés ou des appréciations faites par le vérificateur, doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis, soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration ; qu'aux termes de l'article L 192 du même livre : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...) ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 59 et L. 192 du livre des procédures fiscales que les irrégularités entachant la procédure de consultation de la commission ou le fait que la commission se déclare incompétente pour examiner les questions de fait qui lui ont été soumises, en les regardant à tort comme des questions de droit, n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a statué sur la situation de la SA SORETRAC aurait été irrégulièrement composée ou se serait méprise sur sa compétence en matière de provisions, doivent, en tout état de cause, être écartés ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : ... 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables ... ;

En ce qui concerne les provisions constituées au titre de la filiale américaine Europack :

Considérant que le vérificateur a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1993 de la SA SORETRAC des provisions pour client douteux d'un montant de 2 035 000 F en 1992 et 1 516 000 F en 1993 ; que ces provisions sont relatives à des marchandises achetées auprès d'un fournisseur puis revendues à sa filiale américaine Europack qui ne les a pas réglées à la clôture de l'exercice ; que la société n'établit pas avoir calculé les provisions en fonction du risque réel de non recouvrement des créances impayées à cette date, alors que le ministre fait valoir qu'elles ont été uniquement fixées au montant cumulé des pertes de la société Europack au prorata des parts de cette société détenues par la requérante, soit 53,5 % ; qu'une telle modalité de calcul de la provision ne permet pas d'évaluer avec une précision suffisante le risque encouru ; que, dans ces conditions, la SA SORETRAC n'est, en tout état de cause, pas en droit de déduire ces provisions, quelles que soient les économies auprès des fournisseurs que la société Europack aurait permis de réaliser ou la situation financière de cette dernière ;

En ce qui concerne les provisions constituées au titre de la filiale anglaise Soretrac Ltd :

Considérant, d'une part, que le vérificateur a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1993 la provision pour client douteux d'un montant de 1 772 123 F constituée par la SA SORETRAC sur les créances détenues sur sa filiale anglaise ; que la requérante ne justifie pas par des éléments suffisamment probants du risque de non-recouvrement de ses créances en invoquant uniquement les résultats déficitaires de sa filiale, alors que l'administration fait valoir que sa situation financière s'est améliorée et qu'elle avait intérêt à régler par priorité ses autres créanciers ;

Considérant, d'autre part, que le vérificateur a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1993 la provision de 1 500 000 F constituée à raison de l'avance consentie à cette même filiale ; qu'en admettant même que les avances soient regardées comme consenties dans le cadre d'une gestion normale de l'ensemble des intérêts propres de l'entreprise exploitée en France, l'existence de résultats déficitaires de la filiale ne suffit pas à justifier le risque de non-recouvrement allégué dès lors que la requérante ne fournit pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'éléments suffisamment précis de nature à établir le risque définitif de non recouvrement des avances ;

En ce qui concerne la provision constituée au titre de la filiale allemande Soretrac Gmbh :

Considérant que le vérificateur a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1993 de la SA SORETRAC la provision d'un montant de 683 240 F couvrant la totalité des avances accordées à sa filiale allemande ; qu'en tout état de cause, la société ne fournit pas d'éléments suffisamment précis de nature à justifier du risque de non recouvrement des avances, en se bornant à invoquer les résultats déficitaires de sa filiale, la garantie qu'elle lui a apportée auprès de l'un de ses fournisseurs ainsi que le rachat des titres de cette filiale à leur valeur comptable ; qu'enfin, la circonstance qu'un dirigeant de la société Soretrac Gmbh ferait l'objet de poursuites pénales pour fraude fiscale ne saurait constituer un indice suffisamment probant des difficultés rencontrées par cette société ;

En ce qui concerne les provisions constituées au titre de la filiale espagnole Vinespa :

Considérant que le vérificateur a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1992 la provision de 1 140 000 F constituée par la SA SORETRAC à hauteur de 100 % des avances consenties à sa filiale spécialisée dans le négoce de vins d'Espagne et créée dans un but de diversification ; qu'en tout état de cause, la société ne fournit pas d'éléments suffisamment précis de nature à justifier du risque définitif de non recouvrement des avances ainsi consenties, en se fondant sur les résultats déficitaires de sa filiale depuis sa création, alors que celle-ci n'a été créée qu'en 1989 et se trouvait encore au 31 décembre 1992 au début de son exploitation ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 p. 100 par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ; que selon l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ;

Considérant que si les stipulations combinées des articles précités de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elles sont en revanche sans portée dans les rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et du recouvrement de l'impôt ; que dès lors, un moyen tiré de l'existence d'une disproportion entre le taux des intérêts de retard et le taux de l'intérêt légal prévu par l'article L 313-2 du code monétaire et financier n'est pas susceptible d'être accueilli ; que le même taux étant appliqué à l'ensemble des contribuables acquittant leur impôt avec retard, il ne peut y avoir discrimination entre les contribuables ; que l'existence d'un écart entre le taux de l'intérêt de retard et le taux de l'intérêt légal ne saurait suffire à donner à l'intérêt légal un caractère confiscatoire contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, par suite, que la SA SORETRAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions tendant au remboursement des frais exposés présentées par la SA SORETRAC doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA SORETRAC est rejetée.

02VE02403 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 02VE02403
Date de la décision : 21/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : ROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2004-12-21;02ve02403 ?
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