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02/11/2004 | FRANCE | N°02VE00903

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ere chambre, 02 novembre 2004, 02VE00903


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Czeslaw X, demeurant ..., par Me Levy, avocat au barreau du Val-de-Marne ;

V

u ladite requête enregistrée au greffe de la Cour administrative...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Czeslaw X, demeurant ..., par Me Levy, avocat au barreau du Val-de-Marne ;

Vu ladite requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 11 mars 2002, sous le n°02PA00903, par laquelle M. Czeslaw X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 10 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné la commune des Ulis à lui verser une indemnité de 30 490 euros qu'il estime insuffisante en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de condamner la commune des Ulis à lui verser les sommes de :

- 76 224,51euros, valeur d'une sculpture endommagée ;

- 7 622,45 euros, en réparation de son préjudice moral ;

- avec les intérêts de droit à compter de la réclamation préalable du 21 janvier 1997 ;

- 3 048,98 euros en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient qu'il avait donné des instructions pour la mise en place d'une sculpture ; qu'ayant confié la garde de l'oeuvre à la commune, celle-ci en avait l'entière responsabilité en application de l'article 1384 du code civil ; qu'il a subi également un préjudice moral ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n°65-29 du 11 janvier 1965 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2004 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

- les observations de Me Levy pour M. X et de Me Weil-Curiel pour la commune des Ulis ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n°65-29 du 11 janvier 1965, dans sa rédaction alors en vigueur : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1°) En matière de plein contentieux (...) Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ;

Considérant que par lettre du 19 janvier 1995, M. Thesmar, expert de la compagnie d'assurances de la commune des Ulis a proposé une indemnité de 120 000 F à M.X en réparation des dégâts causés à sa sculpture ; que, toutefois, en supposant que cette offre puisse être regardée comme une décision expresse présentée au nom de la commune, elle ne comportait pas l'indication des voies et délais de recours ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la commune des Ulis, elle n'a pu faire courir le délai de recours contentieux ; que, par suite, la commune des Ulis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a considéré que la demande de M. X était recevable ;

Sur la responsabilité :

Considérant que du 1er octobre 1994 au 15 novembre 1994, la commune des Ulis a organisé une exposition d'oeuvres d'art, dénommée Forum d'arts plastiques en Ile-de-France ; qu'elle a proposé à M. X, sculpteur, d'exposer quelques unes de ses oeuvres, dont une sculpture en verre intitulée Impermanence ; que l'accord entre la commune et M. X s'est concrétisé par la signature le 12 avril 1994 par M. X d'une fiche technique de participation dans laquelle M. X chiffrait à 300 000 F le prix de vente de sa sculpture et s'engageait à accepter les conditions de participation à l'exposition ; qu'à cette fiche était jointe une fiche intitulée éléments techniques pour l'exposition de vos oeuvres remplie par M. X, ainsi qu'une fiche intitulée éléments de participation mentionnant notamment que la participation était gratuite et qu'en cas de vente, une participation de 20% du prix serait versée à la commune ; que le 5 octobre 1994, jour du vernissage, M. X s'est aperçu qu'un réflecteur était placé près de la sculpture et avait provoqué une importante fêlure de cette oeuvre en verre ;

Considérant que par jugement du 10 janvier 2002, le Tribunal administratif de Versailles a considéré que la commune des Ulis avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité tout en estimant que l'imprudence de M. X était de nature à exonérer partiellement la commune d'un tiers de sa responsabilité ; qu'il a condamné, en conséquence, la commune des Ulis à verser à M. X une indemnité de 200 000 F en réparation du préjudice subi, ladite somme portant intérêts à compter du 23 janvier 1997 ;

Considérant que l'exposition L'art et le Feu organisée par la commune des Ulis a présenté un intérêt général d'ordre culturel et artistique ; que, dès lors, cette organisation avait le caractère d'une activité de service public ; qu'ainsi, M. X a exposé ses oeuvres dans le cadre d'un contrat administratif le liant à la commune ; qu'en conséquence, il ne peut utilement invoquer à l'appui de sa requête les dispositions des articles 1927, 1928 et 1933 du code civil, ni en tout état de cause, l'article 1384 du même code ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'a estimé le Tribunal administratif , que la détérioration de l'oeuvre est la conséquence du mauvais placement de l'éclairage par les services de la commune et que cette erreur constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune des Ulis ;

Considérant en outre, que M. X soutient sans être sérieusement contredit que, quelques jours avant le 1er octobre 1994, date du début de l'exposition, il a pris rendez-vous avec les services communaux pour la mise en place de sa sculpture ; que le socle fourni par la commune n'étant pas prêt, il a laissé sa sculpture sur place en donnant des instructions pour sa mise en place ; qu'il soutient également sans être sérieusement contredit et en produisant plusieurs témoignages d'artistes, que l'éclairage des oeuvres a été mis en place après leur installation et hors de la présence des artistes ; que, dans ces conditions, en supposant que M. X ait écarté plusieurs demandes de rendez-vous pour l'installation de son oeuvre, la circonstance que M. X n'a pas averti les services de la commune que le dispositif d'éclairage ne devait pas être placé trop près de l'oeuvre, et que par ailleurs, M. X n'est venu vérifier l'installation que le jour du vernissage, le 5 octobre, et non le 1er octobre, date du début de l'exposition, ne constitue pas, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal administratif, une faute de nature à exonérer la commune d'une part de sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

Considérant que si M. X produit plusieurs attestations d'experts ou de directeurs de galeries selon lesquels l'oeuvre intitulée Impermanence pouvait être évaluée avant sa détérioration, à 500 000 F, soit 76 224 euros, il résulte de l'instruction que l'expert de l'assureur avait évalué cette oeuvre à 120 000 F ; que par ailleurs, la commune soutient sans être contredite, que M. X n'avait pas vendu d'oeuvre à un prix supérieur à 200 000 F et que la sculpture endommagée avait été vainement mise en vente depuis 1991 au prix de 500 000 F ; qu'enfin et surtout, M. X avait lui-même indiqué dans la fiche de participation qu'il a signée le 12 avril 1994 en vue de l'exposition, que cette oeuvre pouvait être vendue et assurée pour 300 000 F ; que dans ces conditions, ni M. X ni la commune des Ulis par la voie de l'appel incident, ne sont fondés à soutenir que le Tribunal administratif n'a pas fait une juste appréciation de la valeur de l'oeuvre intitulée Impermanence en l'évaluant à 300 000 F, soit 45 735 euros ;

Considérant que la commune des Ulis fait valoir qu'aux termes de la note intitulée éléments de participation annexée à la fiche technique de participation signée par M. X le 12 avril 1994 en vue de sa participation à l'exposition : En cas de vente d'une oeuvre, à titre de contribution aux frais engagés par les organisateurs, 20% du prix seront versés à la commune concernée ; que, toutefois, l'oeuvre de M. X n'a pas été vendue ; que, dès lors, la commune n'est pas fondée à se prévaloir de cette clause contractuelle dont la condition d'application n'est pas satisfaite ;

Considérant, enfin, que le préjudice résultant pour M. X de la détérioration de son oeuvre est distinct de celui qui peut être réparé par une indemnité équivalente à la valeur de l'oeuvre ; que M. X est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a refusé de l'indemniser au titre de son préjudice moral ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice indemnisable de M. X s'élève à 47 735 euros ; qu'il y a donc lieu de porter la somme que la commune des Ulis a été condamnée à verser à M. X de 30 490 euros à 47 735 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 1997, date de la réception par la commune de la réclamation préalable de M. X, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à cette condamnation et de rejeter le surplus des conclusions de l'appel incident de la commune des Ulis ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou , à défaut, la partie perdante, à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune des Ulis à payer à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 30 490 euros que la commune des Ulis a été condamnée à verser à M. X par le jugement du 10 janvier 2002 du Tribunal administratif de Versailles est portée à 47 735 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 1997.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune des Ulis versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article R.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X ainsi que le surplus des conclusions de l'appel incident de la commune des Ulis sont rejetés.

02VE00903 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02VE00903
Date de la décision : 02/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2004-11-02;02ve00903 ?
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