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17/07/2025 | FRANCE | N°23TL01426

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 17 juillet 2025, 23TL01426


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile d'exploitation agricole Naterra a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue lui a refusé un permis de construire pour l'implantation d'un hangar agricole et d'un logement pour les ouvriers agricoles sur un terrain situé chemin de Causeran, ainsi que la décision implicite par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 28 septembre 2020.



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n jugement n° 2100246 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole Naterra a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 août 2020 par lequel le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue lui a refusé un permis de construire pour l'implantation d'un hangar agricole et d'un logement pour les ouvriers agricoles sur un terrain situé chemin de Causeran, ainsi que la décision implicite par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 28 septembre 2020.

Par un jugement n° 2100246 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande et les conclusions présentées par la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, la société civile d'exploitation agricole Naterra, représentée par Me Guin et Me Héquet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue du 6 août 2020, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 28 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue de se prononcer à nouveau sur sa demande de permis de construire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le certificat d'urbanisme délivré le 11 mars 2019 a eu pour conséquence de cristalliser les règles d'urbanisme, si bien que le plan local d'urbanisme de la commune était opposable à son projet dans sa version approuvée le 25 octobre 2011 et non le 11 octobre 2017 ; les motifs de refus opposés par le maire dans l'arrêté en litige sur le fondement de cette dernière version du plan sont, par voie de conséquence, tous entachés d'une erreur de droit ;

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l'argumentation soulevée devant eux pour justifier de la nécessité du logement des ouvriers pour la viabilité de son activité agricole ; le motif de refus opposé par le maire sur ce point est entaché d'une erreur de fait dès lors que l'activité de son exploitation agricole l'oblige à proposer un hébergement à ses ouvriers et que la présence du personnel sur site est nécessaire pour surveiller le système d'arrosage et d'irrigation, protéger les cultures contre le gel et vérifier les températures sous les serres ; le hangar agricole projeté est également nécessaire pour assurer le stockage du matériel et la transformation des produits de l'exploitation ; les constructions envisagées sont ainsi liées et nécessaires à l'activité agricole au sens des règles d'urbanisme applicables dans la zone agricole ;

- les règles d'implantation prévues par les articles A 2, A 8 et A 11 du règlement du plan local d'urbanisme peuvent donner lieu à des dérogations ; les motifs de refus opposés par le maire sur le fondement de ces articles sont entachés d'une erreur de fait ;

- le motif de refus invoqué au titre de l'article A 4.3 du même règlement s'agissant de la gestion des eaux pluviales manque en fait dès lors que la superficie non imperméabilisée reste importante ; le projet n'est pas soumis à la nomenclature de la loi sur l'eau ;

- l'omission de la puissance de raccordement au réseau électrique dans la demande de permis est sans incidence puisque la société Enedis a précisé cette puissance ;

- le motif de refus opposé sur le double fondement de l'article A 4.1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant des moyens de lutte contre l'incendie manque en fait dès lors qu'il existe trois poteaux incendie à proximité du terrain d'assiette du projet, que le site n'est pas exposé à un risque particulier et que les normes invoquées ne sont pas opposables ; les juridictions administratives ont déjà reconnu le caractère suffisant de la défense incendie dans le cadre du litige portant sur le certificat d'urbanisme ; les premiers juges ont, par suite, censuré à bon droit le motif opposé sur ce point ;

- ils ont également censuré à juste titre le motif de refus fondé sur l'article A 15 du règlement du plan local d'urbanisme, lequel ne prescrit aucune obligation ;

- les autres considérations contenues dans l'arrêté en litige ne sont pas non plus de nature à justifier légalement le rejet de la demande de permis de construire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2023, la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- le hangar projeté n'est pas nécessaire pour l'activité agricole de la requérante.

Par une ordonnance en date du 1er août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2024.

Les parties ont été informées, le 4 juillet 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer d'office, à l'encontre de la commune d'Entraigues-sur-la Sorgue, une injonction tendant à la délivrance du permis de construire sollicité par la société requérante en tant qu'il porte sur la réalisation du hangar agricole.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- et les observations de Me Calmette, représentant la commune intimée.

Une note en délibéré, présentée pour la société Naterra, représentée par Me Guin et Me Héquet, a été enregistrée le 8 juillet 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile d'exploitation agricole Naterra a sollicité un permis de construire, le 10 mars 2020, pour implanter un hangar agricole d'une surface de plancher de 971 m2 et un bâtiment à usage de logement pour les ouvriers agricoles d'une surface de plancher de 149 m2, à l'extrémité sud-ouest de la parcelle cadastrée section BC n° 165, située chemin de Causeran, sur le territoire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue (Vaucluse). Par un arrêté du 6 août 2020, le maire de cette commune a refusé de lui accorder ce permis de construire. Par la présente requête, la société Naterra interjette appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté de refus.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative mentionne que : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes s'est prononcé, au point 8, sur le moyen soulevé par la société requérante tiré de ce que le projet de logement pour les ouvriers agricoles serait lié et nécessaire à son activité agricole. Les premiers juges ont exposé, avec une précision suffisante, les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le bâtiment en cause n'était pas nécessaire à l'exercice ou au maintien de l'exploitation agricole au regard, notamment, de la nature des cultures pratiquées. Par suite, le jugement est suffisamment motivé sur ce point et le moyen de régularité soulevé par l'appelante doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les règles d'urbanisme applicables :

3. L'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. / (...) ". Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à l'exception de celles ayant pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publique.

4. Il ressort des pièces du dossier que la gérante de la société Naterra avait sollicité, le 11 décembre 2015, un certificat d'urbanisme relevant du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, portant sur la création d'une habitation individuelle et d'une annexe agricole sur la parcelle cadastrée section BC n° 165. Le maire d'Entraigues-sur-la Sorgue lui avait délivré, le 9 février 2015, un certificat d'urbanisme déclarant ce projet non réalisable, lequel a été annulé, à la demande de l'intéressée, par un jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1501077 rendu le 24 janvier 2017, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 17MA01171 le 26 février 2019. Réexaminant la demande de certificat d'urbanisme ainsi que le lui avait ordonné ladite cour dans cet arrêt, le maire a délivré à la gérante de la société, le 11 mars 2019, un certificat déclarant le projet réalisable. Le nouveau certificat ainsi délivré a eu pour effet de cristalliser les règles d'urbanisme applicables au terrain à la date de sa délivrance, soit le 11 mars 2019, si bien que c'est à bon droit que le maire s'est prononcé sur la demande de permis de construire en litige, déposée dans le délai de dix-huit mois, au regard de la version du règlement du plan local d'urbanisme de la commune approuvée le 11 octobre 2017. La société requérante ne peut valablement soutenir que le maire aurait dû examiner sa demande de permis sur le fondement de la version de ce même règlement approuvée le 25 octobre 2011, dès lors que le certificat d'urbanisme délivré le 9 février 2015 a disparu rétroactivement de l'ordonnancement juridique consécutivement à son annulation contentieuse. La circonstance que le certificat délivré le 11 mars 2019 vise, à tort, la version du règlement adoptée le 25 octobre 2011 est par ailleurs sans incidence sur l'applicabilité des règles en vigueur à la date de la délivrance de cet acte. Il en résulte que le maire n'a commis aucune erreur de droit en statuant sur la demande de permis au regard de la version du règlement du plan local d'urbanisme adoptée le 11 octobre 2017.

En ce qui concerne les motifs de refus opposés par le maire :

5. En premier lieu, selon l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : / (...) / g) La puissance électrique nécessaire au projet, lorsque la puissance électrique est supérieure à 12 kilovoltampères monophasé ou 36 kilovoltampères triphasé ; / (...) / i) S'il y a lieu, que les travaux portent sur une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumis à déclaration en application de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'environnement ; / (...) ". L'article R. 423-22 du même code mentionne que : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes (...) ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est au demeurant pas même allégué par la commune intimée qu'elle aurait adressé à la société pétitionnaire une demande de pièces manquantes dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme. Dès lors, le dossier de demande de permis de construire était réputé complet à l'issue de ce délai et le maire ne pouvait donc pas valablement se fonder sur son caractère incomplet pour refuser ce permis. Par suite, les motifs opposés dans l'arrêté en litige tirés de ce que la société a omis de mentionner la puissance électrique nécessaire à son projet et de préciser si les travaux étaient soumis à une déclaration au titre de la législation relative à l'eau n'étaient, en tout état de cause, pas de nature à justifier légalement le rejet de la demande de permis de construire.

7. En deuxième lieu, selon l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue applicable à la zone agricole A et, notamment, au secteur Ac dans lequel se situe la parcelle litigieuse, dans sa version issue de la révision de ce plan approuvée le 11 octobre 2017 : " Occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières : / En secteur Ac : / - Les constructions, ouvrages et installations nécessaires à l'activité agricole mentionnés ci-après : / ' Les constructions, ouvrages et installations à caractère technique ; / ' Les constructions à usage d'habitation d'une surface totale de plancher de 150 m2 par exploitation et leurs annexes dans la limite de 60 m2 ; / ' Les installations classées pour la protection de l'environnement nécessaires à l'activité agricole et compatibles avec le caractère de la zone. / Les constructions évoquées aux alinéas précédents doivent être, sauf impératifs techniques, topographiques, règlementaires, sanitaires ou de sécurité, regroupées à proximité immédiate du siège d'exploitation ou, à défaut de siège, à proximité immédiate des bâtiments fonctionnels principaux de l'exploitation. / (...) ".

8. D'une part, le lien de nécessité prévu par les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme doit faire l'objet d'un examen au cas par cas et s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction projetée. Il s'ensuit que la seule qualité d'exploitant agricole du pétitionnaire ne suffit pas pour caractériser un tel lien. Lorsque la construction envisagée est à usage d'habitation ou d'hébergement, il convient d'apprécier le caractère indispensable de la présence permanente et rapprochée de l'exploitant ou des salariés agricoles sur l'exploitation au regard de la nature et du fonctionnement des activités de cette exploitation agricole.

9. Il ressort des pièces soumises à la cour que la société Naterra pratique des cultures maraîchères et/ou céréalières sur un ensemble de parcelles représentant une superficie totale de 60,36 hectares, situées sur le territoire des communes d'Entraigues-sur-la-Sorgue et Caumont-sur-Durance, lesquelles sont distantes de près de 18 kilomètres l'une de l'autre. Compte tenu de l'importance de la superficie ainsi exploitée, ainsi que des autres éléments produits par la société requérante à l'appui de ses écritures, notamment l'attestation d'affiliation de sa gérante auprès de la mutualité sociale agricole de Vaucluse, la liste de matériel agricole dont elle dispose et son programme d'investissement prévisionnel, ladite société doit être regardée comme exerçant de manière effective une activité agricole d'une consistance suffisante et comme établissant ainsi la réalité de son exploitation agricole, laquelle n'est au demeurant pas contestée. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les cultures pratiquées par la société présenteraient une sensibilité particulière de nature à rendre nécessaire la présence permanente et rapprochée de la main-d'œuvre agricole sur l'exploitation. Ni la surveillance de l'arrosage ou de l'irrigation, ni la protection des cultures contre le gel, ni la vérification des températures sous les serres, ne justifient une présence constante sur le site même, alors au surplus que la gérante de la société réside elle-même à seulement 240 mètres du terrain d'assiette du projet. La société requérante n'apporte, par ailleurs, aucun élément probant au soutien de son allégation selon laquelle il lui serait impossible de trouver des solutions adaptées pour héberger ses ouvriers agricoles en des lieux suffisamment proches des terres exploitées. Par suite, le maire n'a commis ni erreur de fait ni erreur d'appréciation en considérant que le bâtiment envisagé par la société Naterra pour le logement de ses ouvriers n'était pas nécessaire à l'activité agricole et qu'il ne pouvait donc être légalement autorisé au regard de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme.

10. D'autre part et en revanche, les dispositions de la dernière phrase précitée de ce même article A 2 ont pour seul objectif de limiter la consommation des espaces agricoles en imposant que les constructions nécessaires à une même exploitation agricole soient, autant que possible, implantées à proximité immédiate les unes des autres. Elles ne s'opposent pas à ce que les constructions nécessaires à l'activité agricole soient édifiées sur des parcelles non bâties en zone agricole, notamment lorsque l'exploitation ne dispose d'aucun bâtiment propre.

11. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'existe aucun bâtiment implanté sur la parcelle litigieuse et que le siège de la société Naterra a été fixé, lors de sa première immatriculation au registre du commerce et des sociétés le 10 décembre 2018, à l'adresse postale des parents de sa gérante, laquelle bénéficie du statut de " jeune agricultrice ". La commune intimée ne conteste pas sérieusement que la société requérante ne dispose d'aucun bâtiment propre permettant de répondre aux besoins liés à son activité et que le hangar projeté a ainsi vocation à devenir, si ce n'est le siège même de la société, le " bâtiment fonctionnel principal " de l'exploitation agricole au sens et pour l'application de la dernière phrase précitée de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Dès lors, le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue n'a pas pu légalement refuser le permis de construire au motif que ledit hangar serait distant du siège de l'exploitation.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité administrative et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte de la probabilité de réalisation de ces risques ainsi que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

13. En outre, selon l'article A 4 du règlement du plan local d'urbanisme : " Desserte par les réseaux : / 4.1. Eau potable : / (...) / Toute construction et installation nouvelle doit répondre aux normes définies pour la lutte contre l'incendie. / La défense extérieure contre l'incendie, définie en accord avec les sapeurs pompiers, devra présenter des caractéristiques techniques (débit minimum et distance des hydrants) adaptées à l'importance de l'établissement et appropriées aux risques. Les systèmes autonomes de défense contre l'incendie répondant aux normes locales peuvent ainsi être autorisés. / (...) / 4.3. Assainissement eaux pluviales : / (...) / Conformément au zonage d'assainissement pluvial, la règle générale est le non raccordement au réseau. La gestion des eaux pluviales devra favoriser au maximum l'infiltration à la parcelle par des techniques alternatives telles que micro-bassin de rétention à la parcelle dans le cas de projet individuel, chaussées à structures réservoir, fossés et noues, toits stockant. / Des ouvrages périphériques doivent être créés de manière à collecter les eaux de ruissellement en limite de parcelle et éviter leur rejet vers les parcelles voisines. / Pour les toitures, les eaux de pluie seront récupérées en pied de façade puis dirigées par des canalisations souterraines vers les systèmes de récupération ou de stockage. / Les aménagements et techniques permettant de réutiliser les eaux pluviales à la parcelle sont encouragés (stockage en citerne). / (...) ".

14. D'une part, s'agissant de la lutte contre l'incendie, il est vrai que, par son avis du 26 mars 2020 sur lequel le maire s'est notamment fondé pour refuser le permis de construire, le service départemental d'incendie et de secours de Vaucluse a indiqué que les dispositions du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie alors en vigueur imposaient pour le projet en litige soit la présence d'un poteau incendie présentant un débit de 60 m3 par heure pendant 2 heures et situé à moins de 150 mètres du projet, soit celle d'un point d'eau naturel ou artificiel ayant une capacité de 120 m3 et situé à moins de 100 mètres. Le même service a mentionné dans cet avis que, s'il existait un poteau incendie localisé à 40 mètres des bâtiments projetés par la société requérante, l'équipement en cause n'était " pas en eau ", de sorte que la défense extérieure contre l'incendie devait être considérée comme insuffisante en l'état du projet. Le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie de Vaucluse n'est toutefois pas directement opposable à une demande de permis de construire en l'absence de référence expresse à ce document dans le plan local d'urbanisme. De plus, alors que la commune ne précise au demeurant pas les motifs pour lesquels le poteau incendie situé à 40 mètres ne pourrait pas être alimenté en eau dans cette zone présentant une desserte suffisante par le réseau public d'eau potable, les photographies produites par la société Naterra à l'appui de sa requête montrent que deux autres poteaux incendie sont implantés à environ 250 et 350 mètres de l'emplacement prévu pour les bâtiments projetés. La commune ne soutient pas que ces ouvrages n'auraient pas un débit suffisant et les distances susmentionnées n'apparaissent pas excessives au regard du niveau de risque caractérisant le projet, lequel a été qualifié de " courant ordinaire " par le service départemental d'incendie et de secours, alors que le terrain n'est par ailleurs pas soumis à l'aléa " incendie de forêt " et qu'il bénéficie d'une accessibilité suffisante pour les véhicules de secours. Par suite, le maire a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet de construction litigieux méconnaissait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article A 4.1 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de la défense incendie.

15. D'autre part, s'agissant de la gestion des eaux pluviales, il ressort de la notice et du plan de masse joints à la demande de permis de construire que les bâtiments projetés seraient implantés à l'angle sud-ouest d'une parcelle plane d'une surface totale de 5,2 hectares, dont ils n'occuperaient que 1 168 m2, soit 2,2 %, en termes d'emprise au sol. Il en ressort également que tant la voie d'accès interne que l'aire de manœuvre des engins et l'aire de stockage du matériel seraient traitées en stabilisé ou en géotextile pour maintenir la perméabilité du sol. La société pétitionnaire n'a prévu aucun rejet d'eaux pluviales dans le réseau public en conformité avec les prescriptions du plan local d'urbanisme et les recommandations du service gestionnaire des eaux pluviales. Le projet litigieux privilégie l'infiltration des eaux pluviales sur la parcelle et prévoit notamment d'orienter les eaux recueillies sur les toitures vers le fossé constitué par la ripisylve située à proximité immédiate des bâtiments, où ces eaux pourront être stockées. Si le projet ne prévoit pas la création d'ouvrages périphériques sur les limites de la parcelle, il ressort des pièces produites à l'appui de la demande de permis qu'il existe déjà des fossés ceinturant l'emprise à bâtir sur ses côtés nord et ouest et qu'il n'y a, par ailleurs, aucun risque de rejet d'eaux pluviales sur les parcelles voisines sur les côtés est et sud de cette même emprise, compte tenu tant de l'importance de la surface non artificialisée de la parcelle que du maintien de la perméabilité de l'aire de manœuvre des engins. Enfin, il résulte des termes mêmes de l'article A 4.3 précité que les auteurs du plan local d'urbanisme se sont bornés à encourager les systèmes permettant la réutilisation des eaux pluviales et qu'ils ne peuvent donc être regardés comme ayant entendu imposer la mise en place de tels systèmes contrairement à ce qui est mentionné dans l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le maire n'a pas pu légalement refuser le permis de construire au motif que le projet méconnaîtrait l'article A 4.3 du règlement du plan local d'urbanisme.

16. En quatrième lieu, selon l'article A 8 du règlement du plan local d'urbanisme : " Implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété : / Les constructions édifiées sur une même propriété doivent s'implanter dans la mesure du possible en volume compact. / Les annexes doivent être édifiées dans un rayon de 25 mètres autour de la construction principale. ". L'article A 11 de ce règlement prévoit que : " Aspect extérieur des constructions : / (...) / 11.1. Aspect général : / Les bâtiments fonctionnels et les logements devront s'organiser en volume compact. / Les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur, ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains. (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de masse du projet que le hangar agricole et le bâtiment à usage de logement pour les ouvriers ne sont séparés que par l'aire de stockage du matériel et qu'ils ne sont ainsi distants que de 30 mètres l'un par rapport à l'autre. Eu égard à la distance réduite ainsi prévue entre les deux bâtiments envisagés par la société pétitionnaire, l'opération de construction litigieuse doit être regardée comme respectant l'exigence d'une implantation et d'une organisation " en volume compact ", telle qu'énoncée par les articles A 8 et A 11 précités du règlement du plan local d'urbanisme, dont les dispositions ne peuvent être interprétées comme impliquant nécessairement que les bâtiments soient accolés les uns aux autres. Par suite, le maire n'a pas pu légalement refuser le permis de construire sollicité par la société appelante au motif que le projet ne serait pas conforme à ces deux articles.

18. En cinquième lieu, selon l'article A 15 du règlement du plan local d'urbanisme : " Performances énergétiques et environnementales : / Pour l'ensemble des destinations, sont privilégiées l'utilisation de matériaux durables et l'installation de dispositifs de production d'énergie renouvelable. / Les techniques de construction et les dispositifs énergétiques innovants sont admis s'ils découlent d'une démarche de haute qualité environnementale. ".

19. Il résulte des termes mêmes de cet article qu'il ne prévoit aucune obligation précise pour les pétitionnaires et que ses dispositions ne peuvent ainsi être regardées comme ayant une portée impérative susceptible de fonder un refus de permis de construire. Il en va de même de la phrase de l'article A 11 du même règlement invoquée par la commune en défense, laquelle se borne à recommander, sans non plus les imposer, les dispositifs bioclimatiques ou d'énergie renouvelable ainsi que les couvertures améliorant la rétention d'eau et le confort climatique. Dès lors et comme l'a jugé le tribunal administratif de Nîmes, le maire n'a pu légalement opposer le refus en litige en se fondant sur l'article A 15 du règlement du plan local d'urbanisme.

20. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue a pu légalement rejeter la demande de permis de construire de la société requérante, en tant qu'elle portait sur le bâtiment à usage de logement pour les ouvriers agricoles, sur le fondement de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme, ainsi qu'il a été mentionné au point 9 du présent arrêt. Il en résulte, d'autre part et en revanche, qu'aucun des motifs de refus opposés par le maire dans l'arrêté du 6 août 2020 en litige n'était de nature à justifier légalement le rejet de la demande de permis de construire en tant qu'elle portait sur le hangar agricole, lequel ne forme pas un ensemble immobilier unique avec le bâtiment à usage de logement sus-évoqué.

21. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de la décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis le requérant à même de présenter ses observations sur la substitution sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à cette substitution, sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

22. La commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue fait valoir en défense que le hangar projeté ne serait pas nécessaire à l'activité agricole de la société Naterra et que la construction de ce bâtiment ne pouvait donc pas non plus être légalement autorisée au regard de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme rappelé au point 7 du présent arrêt. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été indiqué aux points 9 et 11 de ce même arrêt, que la société requérante exploite une surface importante de 60,36 hectares avec des matériels agricoles lourds sans disposer d'un bâtiment propre au stockage de ce matériel ainsi qu'à la transformation des produits de l'exploitation. La société pétitionnaire a justifié la superficie du hangar projeté en précisant les espaces intérieurs consacrés à ses divers besoins et en détaillant les matériels ayant vocation à être stockés ou installés dans chacun de ces espaces, sans que la commune n'établisse le caractère excessif de la surface totale prévue au regard de la taille et des caractéristiques de l'exploitation. Ledit hangar doit ainsi être regardé comme nécessaire à l'activité agricole de la société appelante au sens de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Il n'y a donc pas lieu de procéder à la substitution de motif sollicitée par la commune sur ce point.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Naterra est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2020 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux en tant qu'ils refusent le permis sollicité pour le hangar agricole.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

24. D'une part, le présent arrêt rejetant les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux en tant qu'il a refusé le permis de construire sollicité pour le bâtiment à usage de logement, il n'implique aucune mesure d'exécution particulière dans cette mesure. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées sur ce point.

25. D'autre part et en revanche, lorsque le juge annule un refus de permis de construire après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision, ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a invoqués en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à cette autorité de délivrer le permis de construire. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date du refus annulé interdisent d'accueillir la demande de permis de construire pour un motif que l'administration n'aurait pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de l'arrêt y fait obstacle. Le permis délivré dans ces conditions peut être contesté par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes de l'arrêt.

26. Le présent arrêt censure l'ensemble des motifs de refus opposés par le maire dans l'arrêté du 6 août 2020 en litige en tant qu'il porte sur le hangar agricole et ne fait pas droit à la demande de substitution de motif présentée par la commune intimée s'agissant de cette même partie du projet. Il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de l'arrêté en litige ou les circonstances de fait existant à la date du présent arrêt s'opposeraient à l'octroi du permis de construire en tant qu'il concerne ledit hangar. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au maire de délivrer le permis de construire à la société requérante pour le hangar agricole dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt. En l'état de l'instruction, il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la société Naterra, laquelle n'est pas la partie perdante, pour l'essentiel, dans la présente instance, une somme quelconque à verser à la commune intimée au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ladite commune le versement d'une somme de 1 500 euros au profit de la société requérante sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue du 6 août 2020 et la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté par la société Naterra sont annulés en tant seulement qu'ils refusent le permis de construire pour le hangar agricole.

Article 2 : Il est enjoint au maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue de délivrer le permis de construire sollicité par la société Naterra pour le hangar agricole dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 2100246 du 13 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue versera une somme de 1 500 euros à la société Naterra au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole Naterra et à la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01426
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : SCP COURRECH & ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;23tl01426 ?
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