Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
I - Par une demande n° 2000663, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, d'annuler la délibération du conseil municipal de Crampagna du 9 septembre 2019 approuvant la révision du plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté contre cette délibération, ou, à titre subsidiaire, d'annuler partiellement ladite délibération en tant qu'elle classe en zone agricole A les parcelles cadastrées section B nos 70 et 294.
II - Par une demande n° 2000999, M. D... B... a également demandé à cette juridiction, à titre principal, d'annuler la délibération du 9 septembre 2019, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette délibération, ou, à titre subsidiaire, d'annuler partiellement ladite délibération en tant qu'elle institue un emplacement réservé n° 6 sur les parcelles cadastrées section B nos 456, 457 et 368.
III - Par une demande n° 2004239, l'association de protection des rivières ariégeoises " Le Chabot " et l'association " Comité Ecologique Ariégeois " ont également demandé à ce même tribunal d'annuler la délibération du 9 septembre 2019, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre cette délibération.
Par un jugement nos 2000663, 2000999, 2004239, rendu le 11 avril 2023, après avoir joint ces trois demandes, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du conseil municipal de Crampagna du 9 septembre 2019 (article 1er), a mis à la charge de la commune une somme totale de 1 500 euros à verser aux associations " Le Chabot " et " Comité Ecologique Ariégeois " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des demandeurs (article 3) ainsi que les conclusions présentées par la commune au titre de l'article L. 761-1 précité (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juin 2023, la commune de Crampagna, représentée par Me Magrini, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 ;
2°) de mettre à la charge de M. A..., de M. B..., de l'association " Le Chabot " et de l'association " Comité Ecologique Ariégeois " une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne permet pas de comprendre le mode de calcul retenu par les premiers juges pour estimer la consommation foncière prévisible permise par la révision du plan local d'urbanisme ;
- le même jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas revêtu des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- les premiers juges ont accueilli à tort le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme au regard de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme s'agissant de la justification de l'objectif de modération de la consommation d'espace : outre que le tribunal a commis une erreur de calcul, le rapport de présentation comporte une justification suffisante de cet objectif au regard du projet d'aménagement et de développement durables, des projections de population et des particularités du contexte de la commune ; ledit rapport n'est, par suite, pas entaché d'une insuffisance substantielle sur ce point ;
- le tribunal a également accueilli à tort le moyen tiré du non-respect des exigences de l'utilisation économe des espaces naturels et agricoles prévues à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme : le plan local d'urbanisme révisé n'entraîne pas une consommation excessive et irréversible de tels espaces ; le commissaire enquêteur a émis deux avis favorables successifs sur la révision en litige en relevant la présence d'erreurs dans le schéma de cohérence territoriale de la Vallée de l'Ariège et en estimant que le plan révisé était compatible avec ce schéma sur ce point ; les auteurs du plan local d'urbanisme ont retenu un projet de développement urbain axé sur la préservation des espaces naturels et agricoles ; ils n'étaient pas liés par les avis rendus par les personnes publiques associées et l'autorité environnementale ; les premiers juges devaient, en tout état de cause, écarter ce moyen dès lors qu'ils étaient informés de ce que le plan avait fait l'objet d'une modification n° 1 approuvée le 22 septembre 2021 ;
- le tribunal aurait dû surseoir à statuer en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme dès lors que les vices retenus étaient régularisables et que la modification n° 1 du plan approuvée le 22 septembre 2021 permettait de les régulariser.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, M. C... A..., représenté par Me Chatry-Lafforgue, conclut :
1°) à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de l'ensemble des demandes de la commune de Crampagna ;
2°) à l'annulation de la délibération du 9 septembre 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) à titre subsidiaire, à l'annulation partielle de la délibération du 9 septembre 2019 en tant qu'elle classe en zone agricole A les parcelles B nos 70 et 294 ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de la commune de Crampagna à réviser le plan local d'urbanisme concernant les parcelles susvisées, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) à titre très infiniment subsidiaire, à la condamnation de la commune de Crampagna à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice ;
6°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il ne lui pas a accordé une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 2 000 euros à ce titre ;
7°) à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'instance d'appel.
Il fait valoir que :
- le tribunal administratif de Toulouse a accueilli à bon droit les moyens soulevés par les associations " Le Chabot " et " Comité Ecologique Ariégeois " ;
- les membres du conseil municipal n'ont pas reçu une information suffisante sur les modifications apportées au plan local d'urbanisme par la révision en litige ;
- le classement en zone agricole des parcelles B nos 70 et 294, auparavant classées en zone constructible, procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ces parcelles sont situées au milieu des zones urbanisées et ne sont pas vouées à l'agriculture ;
- le classement de ses parcelles en zone A lui cause un préjudice en anéantissant ses projets de construction, lequel doit être réparé à hauteur de 50 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, M. D... B..., représenté par Me Chatry-Lafforgue, conclut :
1°) à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de l'ensemble des demandes de la commune de Crampagna ;
2°) à l'annulation de la délibération du 9 septembre 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) à titre subsidiaire, à l'annulation partielle de la même délibération en tant qu'elle institue un emplacement réservé sur les parcelles B nos 456, 457 et 368 ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de la commune de Crampagna à réviser le plan local d'urbanisme concernant les parcelles susvisées, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) à titre très infiniment subsidiaire, à la condamnation de la commune de Crampagna à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice ;
6°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il ne lui pas a accordé une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 2 000 euros à ce titre ;
7°) à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'instance d'appel.
Il fait valoir que :
- le tribunal administratif de Toulouse a accueilli à bon droit les moyens soulevés par les associations " Le Chabot " et " Comité Ecologique Ariégeois " ;
- les membres du conseil municipal n'ont pas reçu une information suffisante sur les modifications apportées au plan local d'urbanisme par la révision en litige ;
- l'emplacement réservé n° 6 matérialisé par le règlement graphique sur les parcelles B nos 456, 457 et 368 est illégal dès lors qu'il ne fait pas l'objet d'une identification dans le règlement écrit et que le plan ne mentionne pas son objet et sa localisation ;
- l'institution de cette servitude procède d'un détournement de pouvoir et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'aucune raison objective ne la justifie et notamment pas le projet de création d'un parking invoqué par la commune dans ses écritures ;
- l'existence de cet emplacement réservé lui cause un préjudice en anéantissant ses projets de construction, lequel doit être réparé à hauteur de 20 000 euros.
La requête a été communiquée, le 27 juillet 2023, à l'association de protection des rivières ariégeoises " Le Chabot " ainsi qu'à l'association " Comité Ecologique Ariégeois ", lesquelles n'ont pas produit de mémoire en défense.
La clôture de l'instruction est intervenue le 2 septembre 2024, avec effet immédiat, sur le fondement de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Brouquières, représentant la commune de Crampagna,
- et les observations de Me Chatry-Lafforgue, représentant MM. A... et B....
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de Crampagna (Ariège) a prescrit, par une délibération prise le 1er février 2016, la révision du plan local d'urbanisme de la commune initialement approuvé en 2007, en vue de le rendre, d'une part, conforme à la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et, d'autre part, compatible avec le schéma de cohérence territoriale de la Vallée de l'Ariège approuvé le 10 mars 2015, dont le périmètre comprend le territoire de ladite commune. La même assemblée a débattu, le 3 avril 2017, des orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables et a arrêté, le 7 janvier 2019, le bilan de la concertation et le projet de plan local d'urbanisme révisé. Les personnes publiques associées et notamment la mission régionale d'autorité environnementale d'Occitanie ont émis leurs avis sur le projet entre le 27 février et le 25 avril 2019. L'enquête publique s'est tenue du 10 mai au 11 juin 2019 et le commissaire enquêteur a remis, le 10 juillet suivant, son rapport et ses conclusions initiales, lesquelles ont été complétées le 4 septembre 2019 à la demande de la présidente du tribunal administratif de Toulouse. Par une délibération prise le 9 septembre 2019, le conseil municipal de Crampagna a approuvé la révision du plan local d'urbanisme.
2. M. A... et M. B..., propriétaires de parcelles sur le territoire de la commune, ont présenté des recours gracieux contre cette délibération le 5 novembre 2019. L'association de protection des rivières ariégeoises " Le Chabot " ainsi que l'association " Comité Ecologique Ariégeois ", toutes deux agréées pour la protection de l'environnement, ont également formé un recours gracieux contre la délibération en cause, le 14 novembre suivant. La commune n'ayant pas répondu expressément à ces recours gracieux, M. A..., M. B... et les deux associations susmentionnées ont saisi le tribunal administratif de Toulouse de trois demandes distinctes tendant à l'annulation de la délibération du 9 septembre 2019 et des décisions implicites rejetant leurs recours gracieux respectifs. Par un jugement rendu le 11 avril 2023, après avoir joint ces trois demandes, ledit tribunal a annulé la délibération du 9 septembre 2019 (article 1er), a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros à verser aux associations " Le Chabot " et " Comité Ecologique Ariégeois " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des demandeurs (article 3) ainsi que celles présentées par la commune sur le fondement de ce même article L. 761-1 (article 4).
Sur la régularité du jugement :
3. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulouse a indiqué, au point 5, les motifs pour lesquels il a accueilli le moyen soulevé par les associations " Le Chabot " et " Comité Ecologique Ariégeois " tenant à l'insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme au regard de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme s'agissant de la justification de l'objectif chiffré de modération de la consommation d'espace. Les premiers juges ont notamment mentionné les éléments de calcul permettant de comparer la consommation d'espace prévisible permise par le plan local d'urbanisme révisé avec l'objectif prévu dans le projet d'aménagement et de développement durables, en se fondant pour ce faire sur les chiffres contenus dans le rapport de présentation approuvé le 9 septembre 2019. Par suite, le jugement satisfait à l'obligation de motivation prévue par les dispositions précitées.
4. L'article R. 741-7 du code de justice administrative mentionne que : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, si l'ampliation du jugement notifiée aux parties ne comportait pas les signatures visées par les dispositions précitées, il ressort de la procédure de première instance que la minute du jugement est bien revêtue des trois signatures requises conformément à ces dispositions.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a annulé un acte intervenu en matière d'urbanisme, de se prononcer sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie l'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.
En ce qui concerne les illégalités relevées par le tribunal :
6. Il ressort des motifs du jugement critiqué que, pour prononcer l'annulation totale de la délibération approuvant la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Crampagna, le tribunal administratif de Toulouse a retenu, d'une part, que le rapport de présentation était insuffisant au regard de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme s'agissant de la justification de l'objectif chiffré de modération de la consommation d'espace et, d'autre part, que le plan révisé n'était pas compatible avec l'objectif d'équilibre visé à l'article L. 101-2 du même code.
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services. / Il analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques. ".
8. Il ressort des pièces du dossier, plus particulièrement du rapport de présentation de la révision du plan local d'urbanisme, qu'après avoir connu une perte de population jusqu'au milieu des années 1970, la commune de Crampagna a enregistré une croissance démographique soutenue, atteignant plus de 4 % par an en moyenne entre 2010 et 2015, pour aboutir à une population de 801 habitants sur cette dernière année. En vue de modérer le rythme de cette progression comme le recommande le schéma de cohérence territoriale de la Vallée de l'Ariège, la commune a élaboré un projet de développement urbain prévoyant l'accueil de 270 nouveaux habitants sur la période de 2015 à 2030, soit une croissance ramenée à 2 % par an en moyenne, impliquant la réalisation de 117 nouveaux logements sur la période en cause. Dans ce cadre, le projet d'aménagement et de développement durables de la révision du plan local d'urbanisme a retenu un objectif de consommation d'espace compris entre 7 et 8 hectares sur cette période, sur la base de la densité de quinze logements par hectare préconisée par le schéma de cohérence territoriale pour la commune de Crampagna et correspondant à une réduction de l'ordre de la moitié par rapport à la densité de construction constatée sur les dix années précédentes.
9. Il ressort toutefois des énonciations du rapport de présentation que trente nouveaux logements ont déjà été construits sur le territoire communal entre 2015 et 2018, si bien que l'objectif de création de logements doit être ramené de 117 à 87 sur la période couverte par le plan local d'urbanisme révisé. D'une part, bien que le constat de la réalisation de ces logements soit de nature à réduire le besoin de consommation foncière pour la période restant à couvrir en le ramenant à 5,8 hectares compte tenu de la densité de quinze logements par hectare retenue pour la commune, les auteurs de la révision du plan local d'urbanisme n'ont pas pour autant modifié l'objectif de consommation d'espace initialement prévu à hauteur de 7 à 8 hectares, lequel se situe ainsi déjà à un niveau supérieur aux besoins réels à l'horizon 2030. D'autre part, il ressort également du rapport de présentation que, selon un premier tableau inséré à sa page 203, réalisé à la suite d'une " étude de densification " menée par les auteurs de ce document sur les principaux secteurs de la commune, le potentiel foncier constructible résultant de la révision en litige est évalué à une surface totale de 12,37 hectares, incluant tant les extensions urbaines, à hauteur de 7,20 hectares, que les dents creuses et divisions parcellaires, dont les surfaces ont été pondérées suivant un taux de rétention foncière. Il en ressort en outre que, selon un second tableau présenté en page 212 de ce même rapport, réalisé à partir de la méthodologie prescrite par le schéma de cohérence territoriale de la Vallée de l'Ariège, le résiduel foncier disponible s'élève à une surface encore supérieure, soit 14,46 hectares en appliquant le taux de rétention foncière de 30 % sur les seules zones urbaines, voire 15,27 hectares avec les surfaces relevant de la " densification douce " auxquelles s'applique un taux de rétention foncière de 70 %.
10. Si les auteurs du rapport de présentation évoquent dans ce document le " contexte particulier " de la commune de Crampagna, tenant à l'existence de noyaux urbains morcelés et à la viabilisation déjà effective de plusieurs zones à urbaniser, les circonstances ainsi avancées ne sont cependant pas de nature à justifier que le plan local d'urbanisme issu de la révision en litige permette une consommation d'espace plus de deux fois supérieure aux besoins de la commune résultant de ses propres projections démographiques sur la période concernée, mais également plus de deux fois supérieure à l'objectif de consommation foncière de 7,9 hectares fixé pour ladite commune par la prescription " P 33 " du schéma de cohérence territoriale de la Vallée de l'Ariège. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le rapport de présentation de la révision du plan local d'urbanisme de Crampagna ne justifie pas l'objectif chiffré de modération de la consommation d'espace compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard de l'objectif de consommation foncière prévu dans le schéma de cohérence territoriale et de la dynamique démographique de la commune. Par voie de conséquence, le rapport de présentation est entaché d'insuffisance au regard des dispositions susmentionnées de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération contestée : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : / a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; / e) Les besoins en matière de mobilité ; / (...) ". Le juge exerce un contrôle de compatibilité du plan local d'urbanisme au regard des objectifs énoncés par ces dispositions en se plaçant au niveau de l'ensemble du territoire de la commune.
12. Il résulte de ce qui a été mentionné aux points 8 à 10 du présent arrêt que le plan local d'urbanisme résultant de la révision approuvée par le conseil municipal de Crampagna le 9 septembre 2019 permet une consommation d'espace significativement supérieure aux besoins réels de la commune. S'il est vrai que le plan local d'urbanisme initialement approuvé en 2007 permettait une consommation d'espace encore supérieure et que la révision en litige conduit à réduire sensiblement la superficie totale des zones urbaines ou à urbaniser au profit des secteurs bénéficiant d'un classement en zone naturelle, il résulte de ce qui précède que le document révisé reste excessivement consommateur d'espace et qu'il ne peut donc être regardé comme tendant à la réalisation des objectifs énoncés par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme s'agissant de la maîtrise du développement urbain, de l'utilisation économe des espaces naturels et de la préservation des espaces agricoles. Il ressort, au demeurant, des pièces de la procédure de révision que, si le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable sur le projet de plan arrêté, l'avis en cause procédait d'une analyse erronée du rapport de compatibilité du plan avec le schéma de cohérence territoriale et l'ensemble des autres autorités et services consultés sur ce projet ont d'ailleurs émis un avis défavorable ou réservé en raison de la surconsommation de l'espace, notamment la mission régionale d'autorité environnementale d'Occitanie, la préfète de l'Ariège, le département de l'Ariège, le syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale de la Vallée de l'Ariège, la chambre d'agriculture et le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de l'Ariège. Enfin, la circonstance que, postérieurement à l'approbation de la révision du plan local d'urbanisme en litige, le conseil municipal de Crampagna a adopté une première modification de ce document le 22 septembre 2021 n'a, en tout état de cause, aucune incidence sur la légalité de la délibération contestée. Il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tenant à l'incompatibilité de la révision litigieuse avec l'objectif d'équilibre mentionné par l'article L. 101-2 précité du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne la possibilité d'une régularisation :
13. L'article L. 600-9 du code de l'urbanisme dispose que : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, (...), le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification prévue (...) à la section 6 du chapitre III du titre V du livre Ier ; / 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, (...), après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / (...) ".
14. L'article L. 153-36 du même code prévoit que : " Sous réserve des cas où une révision s'impose en application du I de l'article L. 153-31, le plan local d'urbanisme est modifié lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d'aménagement et de programmation ou le programme d'orientations et d'actions. ". Selon le I de l'article L. 153-31 de ce code auquel il est ainsi renvoyé : " Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide : / 1° Soit de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ; / 2° Soit de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ; / 3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance ; / 4° Soit d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser qui, dans les six ans suivant sa création, n'a pas été ouverte à l'urbanisation ou n'a pas fait l'objet d'acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale, (...). ".
15. Il résulte de tout ce qui a été développé précédemment qu'il ne peut être procédé à la régularisation de l'illégalité relevée au point 12 du présent arrêt, tenant à l'incompatibilité de la révision du plan local d'urbanisme en litige avec l'objectif d'équilibre énoncé par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, sans que le conseil municipal ne modifie les orientations du projet d'aménagement et de développement durables relatives à la consommation d'espace et, plus particulièrement, l'axe n° 2 de ce projet intitulé " Définir un projet de développement dans la continuité ". En application des dispositions du code de l'urbanisme mentionnées au point précédent, la régularisation de cette illégalité implique nécessairement la mise en œuvre d'une nouvelle procédure de révision du plan local d'urbanisme et ne saurait ainsi intervenir sous la forme d'une procédure de simple modification. Il s'ensuit que la commune n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Toulouse aurait dû surseoir à statuer sur les demandes de première instance en application de l'article L. 600-9 précité du code de l'urbanisme.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Crampagna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de la délibération de son conseil municipal du 9 septembre 2019.
17. Dès lors que le présent arrêt fait droit aux conclusions présentées par M. A... et M. B... à titre principal en défense, en rejetant l'appel de la commune et en confirmant ainsi l'annulation totale de la délibération en litige, il n'y a lieu pour la cour de se prononcer ni sur leurs conclusions subsidiaires tendant à l'annulation partielle de cette même délibération, ni sur leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées à titre infiniment subsidiaire, ni sur leurs conclusions en indemnisation présentées à titre très infiniment subsidiaire.
Sur les conclusions incidentes de M. A... et M. B... :
18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en retenant, au point 13 du jugement attaqué, qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Crampagna les sommes que demandaient M. A... et M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par suite, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par l'article 3 de ce jugement, les premiers juges ont rejeté leurs conclusions présentées sur le fondement de cet article.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mis à la charge de M. A..., de M. B..., de l'association " Le Chabot " ou de l'association " Comité Ecologique Ariégeois ", lesquels ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque à la commune appelante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ladite commune les sommes demandées par M. A... et par M. B... au titre de l'instance d'appel sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Crampagna est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par M. A... et par M. B..., ainsi que le surplus de leurs conclusions en appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Crampagna, à M. C... A..., à M. D... B..., à l'association de protection des rivières ariégeoises " Le Chabot " et à l'association " Comité Ecologique Ariégeois ".
Copie en sera adressé au préfet de l'Ariège et au commissaire enquêteur.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL01344