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16/07/2025 | FRANCE | N°24TL02262

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 16 juillet 2025, 24TL02262


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 février 2024 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2401064 du 19 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

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Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 20 août 2024, M. A..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 février 2024 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2401064 du 19 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2024, M. A..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2401064 du tribunal administratif de Toulouse du 19 avril 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 février 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :

- elles sont entachées d'un vice de forme dès lors que la signature a été apposée par un tampon encreur et ne remplit ainsi pas les conditions posées par l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; l'article L. 212-3 du même code ne permet qu'une seule alternative à la signature manuscrite qui est la signature électronique ; la signature au moyen d'un tampon encreur ne permet pas de garantir le lien entre la signature et la décision à laquelle elle se rattache ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il fait état de garanties de représentations.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- son illégalité doit être retenue par voie d'exception dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de délai de départ volontaire illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2025, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2024.

Par une ordonnance du 20 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 janvier 2025 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Faïck, président-rapporteur,

- et les observations de Me Tercero, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 11 novembre 1998, déclare être entré sur le territoire français au mois d'août 2022. Le 21 février 2024, il a été interpellé et auditionné par les services de police auprès desquels il a reconnu être entré irrégulièrement en France et ne pas avoir cherché à régulariser sa situation en déposant une demande de titre de séjour. Le même jour, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et interdisant son retour sur le territoire français. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cet arrêté préfectoral du 21 février 2024. Il relève appel du jugement rendu le 19 avril 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Aux termes de l'article L. 212-2 du même code : " Sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes suivants : / 1° Les décisions administratives qui sont notifiées au public par l'intermédiaire d'un téléservice conforme à l'article L. 112-9 et aux articles 9 à 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ainsi que les actes préparatoires à ces décisions ; (...) ". Aux termes de l'article L. 212-3 de ce code " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision. ".

3. Il est constant que la signature de l'auteur de la décision attaquée, Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne, a été reproduite sur cette décision au moyen d'un tampon encreur. Un tel procédé ne permet pas de garantir le lien entre la signature, qui doit émaner directement de l'autorité compétente, et la décision à laquelle elle s'attache. Dès lors que l'arrêté en litige n'entre pas dans le champ des décisions dispensées de signature de leur auteur énoncées à l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration et que le procédé du tampon encreur n'est pas une signature électronique sécurisée au sens de l'article L. 212-3 du même code, l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Cette irrégularité, qui affecte la compétence de l'auteur de l'acte, et qui, au surplus, a nécessairement privé M. A... de la garantie qui s'attache à la signature de la décision contestée par un auteur investi de la compétence à cette fin, justifie l'annulation de l'arrêté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation. Dès lors, ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté préfectoral en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. "

6. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

7. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté en litige du 21 février 2024 du préfet de la Haute-Garonne, n'implique pas nécessairement qu'il soit ordonné au préfet de délivrer à l'intéressé un titre de séjour. En revanche, cette annulation implique nécessairement que, par application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur son cas et sur son droit au séjour au vu des motifs de la présente décision. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de l'intéressé, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et enfin de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais d'instance :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Tercero, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Tercero de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2401064 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 19 avril 2024 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 février 2024 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. A... en prenant une décision dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Tercero une somme de 1 200 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Tercero renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Tercero et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24TL02262 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02262
Date de la décision : 16/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Frédéric Faïck
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : TERCERO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-16;24tl02262 ?
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