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16/07/2025 | FRANCE | N°24TL00685

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 16 juillet 2025, 24TL00685


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 février 2023 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son époux.



Par un jugement n° 2302096 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la demande de Mme A... E..., épous

e B....

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 19 mars 2024, le pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 février 2023 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son époux.

Par un jugement n° 2302096 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la demande de Mme A... E..., épouse B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E..., épouse B..., devant le tribunal administratif de Toulouse, tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2023 rejetant la demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son époux.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que Mme E..., épouse B... disposait de ressources suffisantes sur la période de référence alors qu'elle relève du régime fiscal de la micro-entreprise prévu par les dispositions du 1° de l'article 50-1 du code général des impôts, lequel prévoit un abattement de 71% sur le chiffre d'affaires provenant d'activités de vente de marchandises et de 50 % sur le chiffre d'affaires provenant de prestations de services pour calculer son résultat imposable ;

- or, sur la période de référence, après application de ces deux abattements forfaitaires, Mme E..., épouse B..., ne dispose que d'un salaire mensuel net moyen de 529 euros, ce qui est insuffisant pour bénéficier d'un regroupement familial en faveur de son conjoint.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2024, Mme E..., épouse B..., représentée par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui accorder le regroupement familial au bénéfice de son conjoint dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel a été introduite par une personne ne disposant pas d'une compétence pour interjeter appel au nom du préfet de la Haute-Garonne ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'elle disposait de ressources suffisantes pour prétendre au regroupement familial au bénéfice de son conjoint ; le préfet de la Haute-Garonne ne produit pas d'éléments nouveaux en appel de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal ;

- la décision lui refusant le bénéfice du regroupement familial est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles L. 434-7, L. 434-8 et R. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ses revenus s'élèvent à la somme totale de 16 151 euros sur la période de référence, soit une moyenne mensuelle de 1 346 euros supérieure au seuil requis pour une famille composée de deux personnes ;

- elle est entachée d'une erreur de droit quant aux caractéristiques requises pour le logement, l'autorité préfectorale ne pouvant lui opposer l'absence de " coin nuit " dans son logement pour considérer que ce dernier ne serait pas adapté alors qu'aucune disposition légale n'impose une telle condition et que son logement dispose d'une superficie totale de 31,90 m2 pour un couple, ce qui est supérieur au minimum requis par les textes ;

- elle est entachée d'erreur de fait quant au caractère suffisant de ses ressources et au caractère adapté de son logement ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par une ordonnance du 2 juin 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juin 2025, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code général des impôts ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., épouse B..., ressortissante centrafricaine née le 14 avril 1974, séjournant en France sous couvert d'une carte de résident, a, le 10 août 2021, présenté une demande de regroupement familial au bénéfice de son époux, de nationalité sénégalaise. Par une décision du 16 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au motif que la moyenne mensuelle de ses ressources sur la période de référence, comprise entre le 1er août 2020 et le 31 juillet 2021, est inférieure au minimum requis. Par un jugement du 26 janvier 2024, dont le préfet de la Haute-Garonne relève appel, le tribunal administratif de Toulouse annulé cette décision.

Sur la qualité du signataire de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 431-12 du code de justice administrative : " (...) Les recours (...) présentés au nom de l'État sont signés par le ministre intéressé ". Aux termes de l'article R. 811-10 du même code : " (...) Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'État (...) ". L'article R. 811-10-1 du même code dispose que : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'État lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : / 1° Entrée et séjour des étrangers en France (...) ". Par un arrêté du 13 mars 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2023-099 le 15 mars 2023, et librement accessible sur le site internet de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet a délégué sa signature à Mme F... D..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, et signataire de la requête, à l'effet de signer, notamment, l'ensemble des mémoires en défense et requêtes en appel relatifs au contentieux des étrangers devant les juridictions administratives. La présente requête n'étant pas exclue de cette délégation de signature, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du signataire de la requête d'appel doit, dès lors, être écartée.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

3. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 434-7 du même code : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : / 1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; / 2° Il dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Il se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ". Aux termes de l'article L. 434-8 de ce code : " Pour l'appréciation des ressources mentionnées au 1° de l'article L. 434-7 toutes les ressources du demandeur et de son conjoint sont prises en compte, indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. / Ces ressources doivent atteindre un montant, fixé par décret en Conseil d'État, qui tient compte de la taille de la famille du demandeur et doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. / (...). ". Aux termes de l'article R. 434-4 dudit code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 434-7, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : (...) / 1° Cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ". L'article R. 434-12 du même code dispose que : " Au vu du dossier complet de demande de regroupement familial, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration délivrent sans délai une attestation de dépôt de dossier qui fait courir le délai de six mois dont bénéficie l'autorité administrative pour statuer ".

4. Aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale (...) ". Aux termes de l'article 36 du même code : " Sont compris dans le total des revenus servant de base à l'impôt sur le revenu les bénéfices obtenus pendant l'année de l'imposition ou dans la période de douze mois dont les résultats ont servi à l'établissement du dernier bilan, lorsque cette période ne coïncide pas avec l'année civile ". Aux termes des dispositions du 1° de l'article 50-0 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au litige : " 1. Sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année de référence, n'excède pas, l'année civile précédente ou la pénultième année : / 1° 176 200 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l'article 1407 ; / 2° 72 600 € s'il s'agit d'autres entreprises. / Lorsque l'activité d'une entreprise se rattache aux deux catégories définies aux 1° et 2°, le régime défini au présent article n'est applicable que si le chiffre d'affaires hors taxes global de l'entreprise respecte la limite mentionnée au 1° et si le chiffre d'affaires hors taxes afférent aux activités de la catégorie mentionnée au 2° respecte la limite mentionnée au même 2°. / Le résultat imposable, avant prise en compte des plus ou moins-values provenant de la cession des biens affectés à l'exploitation, est égal au montant du chiffre d'affaires hors taxes diminué d'un abattement de 71 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la catégorie mentionnée au 1° et d'un abattement de 50 % pour le chiffre d'affaires provenant d'activités de la catégorie mentionnée au 2° (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

6. Pour annuler la décision refusant le bénéfice du regroupement familial à Mme E..., épouse B..., le tribunal administratif de Toulouse a jugé que le préfet de la Haute-Garonne avait commis une erreur de droit en appréciant le niveau de ressources de cette dernière après application des abattements de 71 % et de 50 % prévus à l'article 50-0 précité du code général des impôts, alors que ces abattements permettent seulement de déterminer le montant du résultat imposable et non le montant des revenus proprement dit tirés effectivement de l'activité d'entrepreneuse.

7. Toutefois, il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 4 du code général des impôts que lorsqu'une demande de regroupement familial est présentée par un étranger disposant de revenus dégagés des bénéfices d'une micro-entreprise, les ressources stables et suffisantes, au sens de l'article L. 434-7 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent s'entendre du seul résultat imposable, c'est-à-dire des ressources à la disposition de l'entrepreneur, lesquelles correspondent au montant de son chiffre d'affaires hors taxes provenant des activités de vente de marchandises ou de prestations de service diminué d'un abattement forfaitaire de 71 % ou de 50 % représentatif de toutes les charges de l'activité.

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'enquête de ressources réalisée par la commune de Toulouse le 29 septembre 2022, et des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires auprès de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), que Mme E..., épouse B..., exerce une activité professionnelle de vente de plats africains sur les marchés et de traiteur sous le régime de la micro-entreprise prévu par les dispositions précitées du 1° de l'article 50-1 du code général des impôts, et qu'elle n'a pas opté pour le versement libératoire de l'impôt sur le revenu. À l'appui de sa demande de regroupement familial, Mme E..., épouse B..., a déclaré un chiffre d'affaires de 4 124 euros au titre de son activité commerciale de vente de produits et de 762,50 euros au titre de prestations de services sur la période de référence courant en 2020. Sur la période de référence comprise au sein de l'année 2021, l'intéressée a déclaré un chiffre d'affaires de 4 174 euros au titre de l'activité commerciale de vente de produits et de 7 125 euros au titre de prestations de services, soit un résultat imposable de 6 350,18 euros nets après application des abattements de 71 % et 50 % prévus par les dispositions précitées du 1° de l'article 50-0 du code général des impôts et un revenu mensuel moyen net de 529,18 euros, lequel est inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance mensuel brut en vigueur lors de la période de référence.

9. Dans ces conditions, indépendamment des caractéristiques du logement de Mme E..., épouse B..., ce dernier motif ne figurant pas au nombre de ceux contenus dans la décision en litige et résultant d'une substitution de motifs demandée devant les premiers juges non accueillie par ces derniers et non reprise en appel, le préfet de la Haute-Garonne pouvait, pour le seul motif tiré du caractère insuffisant des ressources sur la période de référence, rejeter la demande de regroupement présentée par l'intéressée en vue de l'introduction de son époux en France. Par suite, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en appliquant les abattements prévus par les dispositions du 1° de l'article 50-0 du code général des impôts pour calculer le montant des ressources de Mme E..., épouse B..., laquelle a la qualité d'exploitant individuelle exerçant sous le régime de la micro-entreprise générant des bénéfices industriels et commerciaux et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle disposerait, par ailleurs, de revenus salariaux.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E..., épouse B..., tant en première instance qu'en appel à l'encontre de la décision du 16 février 2023 lui refusant le bénéfice du regroupement familial en faveur de son époux.

Sur les autres moyens soulevés par Mme E..., épouse B... à l'encontre de la décision rejetant sa demande de regroupement familial :

11. En premier lieu, par un arrêté du 30 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2023-041 du même jour, le préfet de la Haute-Garonne a délégué sa signature à Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté comme manquant en fait.

12. En deuxième lieu, la décision en litige, après avoir visé le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au regroupement familial ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise qu'après une enquête sur les ressources de Mme E..., épouse B..., la moyenne mensuelle de ses revenus s'élève à 529 euros nets au lieu de 1 226 euros nets pour une famille composée de deux personnes, de sorte qu'elle ne remplit pas les conditions de ressources requises sur la période de référence du 1er août 2020 et le 31 juillet 2021 correspondant aux douze derniers mois précédant la date du dépôt de sa demande. Elle précise, en outre, qu'après un examen attentif de la situation personnelle et familiale de Mme E..., épouse B..., au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'est pas possible de réserver une suite favorable à sa demande, mais qu'il est loisible à l'intéressée d'en présenter une nouvelle auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en cas d'évolution de sa situation. La décision en litige, qui comprend les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivée.

13. En troisième lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait et de droit quant au caractère suffisant de ses ressources et au caractère adapté du logement de Mme E..., épouse B..., et le moyen tiré l'erreur de droit relativement aux caractéristiques de son logement, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 8 et 9, l'inadaptation du logement n'étant pas au nombre des motifs ayant conduit l'autorité préfectorale à rejeter sa demande de regroupement familial.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces stipulations prises isolément ne sauraient être interprétées comme comportant l'obligation générale pour un État de respecter le choix, par les couples mariés, de leur pays de résidence et de permettre le regroupement familial sur le territoire de ce pays.

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., épouse B..., qui vivait déjà en France depuis de nombreuses années, a contracté mariage avec un ressortissant sénégalais le 10 février 2020, de sorte que son union présentait un caractère relativement récent à la date de la décision en litige. En outre, l'intéressée n'a présenté une demande de regroupement familial que le 10 août 2021, soit plus d'un an après son mariage. Enfin, il n'existe aucun obstacle à ce qu'elle regagne temporairement le Sénégal en vue de rendre visite à son époux ou à ce que ce dernier vienne lui rendre visite en France, le couple ne faisant état d'aucune circonstance ou motif humanitaire particulier. Compte tenu du caractère récent du mariage et de l'absence d'obstacle à ce que l'un des membres du couple rende visite à l'autre dans l'attente d'une évolution favorable des ressources du foyer, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E..., épouse B..., une atteinte disproportionnée. Il n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant l'introduction du conjoint de Mme E..., épouse B..., dans le cadre de la procédure de regroupement familial. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de Mme E..., épouse B....

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 16 février 2023 rejetant la demande de regroupement familial présentée par Mme E..., épouse B.... Dès lors, la demande présentée par Mme E..., épouse B... devant le tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée. Il en est de même, par voie de conséquence de ses conclusions à fin d'injonction et de celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2302096 du 26 janvier 2024 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E..., épouse B..., devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., épouse B..., et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24TL00685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00685
Date de la décision : 16/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-16;24tl00685 ?
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