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16/07/2025 | FRANCE | N°24TL00127

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 16 juillet 2025, 24TL00127


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa demande.



Par un jugement n° 2102642 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 janvier 2024, Mme C..., représentée par Me Ruffel, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2102642 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2024, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et subsidiairement de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme C... soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice d'incompétence ;

- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation personnelle au regard des articles L. 433-1 et L 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des violences conjugales qu'elle a subies qui lui permettaient de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code ; les violences conjugales dont elle a été la victime ont eu lieu à compter de l'été 2017 jusqu'à l'hiver 2018, soit avant et après son mariage célébré en France; elle se sont même poursuivies après la condamnation pénale de son mari ; ces violences ont été constatées médicalement et ont entraîné pour elle des interruptions temporaires de travail ;

- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l' article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle réside en France depuis 2013, n'ayant entrepris que de brefs allers-retours en Espagne, pour procéder au renouvellement de son titre de séjour ; elle a été victime de violences conjugales et démontre, par ailleurs, par les pièces produites, le caractère habituel de sa résidence en France où elle a noué des liens personnels et amicaux importants.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme C....

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 8 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-rapporteur,

- et les observations de Me Barbaroux, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante marocaine née le 1er mai 1975, est entrée irrégulièrement en France en septembre 2013, selon ses déclarations. Elle s'est mariée, le 2 novembre 2017, avec un ressortissant portugais à Vendargues (Hérault). Le 2 mars 2021, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale en se prévalant de sa qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union Européenne, tout en précisant qu'elle était séparée de ce dernier. Par un arrêté du 19 mars 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande.

2. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 16 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2021.

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par le secrétaire général de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté n° 2020-I-725 du 18 juin 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet a donné délégation au secrétaire général à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault, et notamment les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Par suite, le signataire de la décision attaquée était compétent pour prendre l'arrêté contesté, et le moyen tiré de l'incompétence doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, les dispositions des articles L. 432-5 et L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont Mme C... se prévaut à l'appui de son moyen tiré de ce que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen réel et complet, n'étaient pas en vigueur à la date de la décision attaquée. Tel qu'il est soulevé, le moyen est inopérant.

5. En troisième lieu, l'arrêté attaqué mentionne que Mme C... s'est mariée le 2 novembre 2017 à Vendargues (Hérault) avec un ressortissant portugais. Si le refus de séjour contesté ne fait pas état des violences conjugales dont Mme C... a été victime de la part de son époux, lequel a été condamné pour ce motif à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis par un jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 7 décembre 2017, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne s'est pas prévalue de cette circonstance dans sa demande de titre de séjour présentée en mars 2021, soit plus de trois ans après le jugement pénal, cette demande indiquant seulement qu'elle était séparée de son mari depuis début 2018. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation de Mme C..., qui avait demandé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et non l'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision attaquée, doit être écarté.

6. En quatrième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa codification, applicable à la date de la décision attaquée et désormais codifié à l'article L 423-23 de ce code : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

7. Si Mme C... indique résider habituellement en France depuis septembre 2013, elle ne l'établit pas alors que son passeport mentionne qu'elle y est entrée en juillet 2018, tandis qu'elle a bénéficié en Espagne de la délivrance d'un titre de séjour longue durée. De plus, il ressort des pièces du dossier que Mme C... effectue des allers-retours réguliers entre la France et l'Espagne. Quant aux documents qu'elle produit au titre de la période 2014 à 2021, principalement composés de pièces médicales et de quelques attestations du monde associatif, ils ne permettent pas d'estimer que Mme B..., qui est célibataire, sans enfant et sans activité professionnelle, aurait noué en France des liens dont l'ancienneté et la stabilité devraient faire regarder l'arrêté en litige comme ayant méconnu les stipulations et dispositions précitées.

8. En cinquième lieu, Mme C... est, ainsi qu'il vient d'être dit, célibataire et sans enfant, tandis qu'elle a elle-même indiqué, dans sa demande de titre de séjour, que ses parents et sa fratrie se trouvent au Maroc où elle conserve en conséquence des attaches familiales. En outre, elle est titulaire d'un titre de séjour longue durée en Espagne. Dans ces conditions, la décision attaquée n'est, en tout état de cause, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l'admission exceptionnelle au séjour, alors en vigueur.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au points 7 et 8 du présent arrêt, la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de Mme C....

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24TL00127 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00127
Date de la décision : 16/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-16;24tl00127 ?
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