Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2300481 du 17 avril 2023 le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 avril 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser au profit de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen qu'il avait invoqué tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- l'arrêté est attaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de droit au regard de l'article L 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir apprécié sa situation au regard de l'ancienneté de son séjour en France et de son expérience professionnelle, le préfet s'étant borné à lui opposer l'absence de détention d'un visa de long séjour ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ce qu'il est entré en France le 13 septembre 2016, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", a été victime d'un traumatisme crânien, entrainant son hospitalisation, puis s'est engagé dans des formations, ayant obtenu le certificat de sauveteur secouriste, puis en 2019 le certificat de formation professionnelle d'agent de prévention et de sécurité ; son parcours témoigne de ses efforts d'intégration ; il justifie d'une expérience professionnelle, et remplit les conditions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, pour la délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. C...
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 6 décembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- et les observations de Me Barbaroux, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1986, est entré en France le 13 septembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il a bénéficié, en cette même qualité, d'un titre de séjour qui lui a été renouvelé jusqu'au 14 septembre 2019. Le 10 octobre 2019, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, mais sa demande a été rejetée par un arrêté du préfet de l'Hérault du 12 mars 2020 assorti d'une obligation de quitter le territoire français et de la désignation du pays de renvoi. Les demandes d'annulation de cet arrêté présentées par M. C... ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 janvier 2021, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille rendu le 21 février 2022. M. C... a présenté, le 20 septembre 2022, une nouvelle demande de titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 13 octobre 2022, le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 17 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 13 octobre 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Contrairement à ce que fait valoir l'appelant, les premiers juges, en estimant au point 3 de leur décision que " ... il résulte de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet, constatant que l'intéressé était dépourvu du visa long séjour exigé par l'article 9 de l'accord franco-marocain, a refusé de le régulariser compte tenu de la seule promesse d'embauche d'agent de sécurité qu'il présentait, et de ses liens familiaux au Maroc. Ce faisant, le préfet n'a commis aucune erreur de droit " ont répondu de façon suffisante au moyen, invoqué par M. C..., tiré du défaut d'examen particulier de sa demande de titre de séjour au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le jugement n'est, par suite, pas entaché de l'irrégularité alléguée.
Sur le bien-fondé des décisions attaquées :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. L'arrêté attaqué est signé, pour le préfet de l'Hérault, par M. Poisot, secrétaire général de la préfecture, auquel le préfet a donné une délégation, par un arrêté du 14 septembre 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, tous les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Cette délégation de signature n'étant, contrairement à ce soutient l'appelant, pas trop générale, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain signé le 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié ", éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Par ailleurs aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France le 13 septembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", n'a été admis au séjour qu'en cette qualité et ce jusqu'au 14 septembre 2019. Il a fait l'objet, le 12 mars 2020, d'un arrêté du préfet de l'Hérault assorti d'une obligation de quitter le territoire français à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. Ainsi, M. B... se trouvait en situation irrégulière lorsqu'il a présenté, le 20 septembre 2022, soit plus de deux ans après la mesure d'éloignement précitée, sa demande de titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, cette démarche devait être considérée comme une première demande de titre de séjour soumise à la présentation d'un visa de long séjour en application de l'article 9 de l'accord franco-marocain et de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or il est constant que M. C... ne disposait pas, ainsi que le lui a opposé le préfet dans sa décision, de visa de long séjour. Ce faisant, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit.
7. En deuxième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est simplement relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée, et il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. En l'absence de stipulations de l'accord franco-marocain régissant l'admission au séjour en France des ressortissants marocain au titre de la vie privée et familiale, les ressortissants marocains peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande de régularisation exceptionnelle de leur situation sur ce dernier fondement. En revanche, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. Il ressort des motifs de l'arrêté en litige du 13 octobre 2022 que le préfet a, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, examiné si M. C... justifiait d'un motif exceptionnel lui permettant de prétendre à un titre de séjour. M. C... fait valoir que le refus de séjour serait entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il se borne à relever que la présentation d'une promesse d'embauche pour un poste d'agent de prévention et de sécurité ne caractérise pas un motif exceptionnel d'admission au séjour alors que le préfet aurait dû apprécier sa situation d'ensemble en tenant compte de l'ancienneté de son séjour en France et de son expérience professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour présentée par M. C... n'était pas assortie d'éléments détaillant ses conditions de séjour en France ainsi que l'expérience professionnelle qu'il aurait pu y acquérir. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit invoqué par l'appelant doit être écarté. Et il résulte des considérations qui précèdent que le préfet a pu, sans erreur manifeste, estimer que M. C... ne justifiait pas d'un motif exceptionnel lui permettant de prétendre à une régularisation à titre exceptionnel de son séjour sur le territoire français. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit ainsi être écarté.
9. En troisième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck , président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL03060 2