Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé le renouvellement de son titre de séjour en raison de son état de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2103375 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2020 ;
3°) avant-dire droit, de solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la preuve de la tenue d'une conférence audiovisuelle ou téléphonique établissant le respect de la garantie de la collégialité de la délibération du collège de médecins concernant son dossier, les extraits " thémis " de l'instruction de son dossier et les extraits de la base de données MedCOI sur la Guinée et l'entier dossier médical sur lequel le collège s'est fondé pour rendre son avis ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui remettre, dans le délai d'un mois à compter de cette notification, un récépissé de renouvellement d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;
5°) à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai, de remise d'un récépissé, et d'astreinte ;
6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade a été adoptée aux termes d'une procédure irrégulière ; à cet égard, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors que la garantie fondamentale d'une délibération collégiale contemporaine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été respectée ;
- l'esprit de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 a été méconnu dès lors que le ministère de la santé n'exerce aucune tutelle sur les médecins du collège national de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile dès lors qu'elle ne bénéficiera pas, dans son pays d'origine, d'un accès effectif aux soins pour traiter ses pathologies compte tenu des carences du système de santé guinéen ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 30 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2024 à 12 heures.
Par une décision du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté de la ministre des affaires sociales et de la santé du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- et les observations de Me Tercero, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 24 décembre 1957, déclare être entrée en France le 12 décembre 2016. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 septembre 2018. Mme A... a cependant bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé du 10 juillet 2019 au 9 juillet 2020. Le 8 juillet 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Le 24 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre un arrêté portant refus de renouvellement du titre de séjour sollicité, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Saisi d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 10 février 2023 dont Mme A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". Aux termes de l'article R. 313- 22 du même code, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. En vertu de ces dispositions, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Mme A..., qui a levé le secret médical sur les informations concernant son état de santé, souffre de plusieurs pathologies, en particulier de diabète de type 2 depuis 2012, d'une hypertension artérielle, d'une surcharge pondérale, d'asthme et de séquelles d'une poliomyélite infantile. Sa prise en charge médicale comprend des consultations pluridisciplinaires chez des médecins spécialistes en diabétologie, cardiologie, pneumologie, accompagnées d'un traitement médicamenteux.
5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un avis du 9 novembre 2020, a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour cette dernière des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé guinéen, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Pour contredire l'avis du collège de médecins concernant la disponibilité d'un traitement approprié de ses pathologies dans son pays d'origine, Mme A... produit deux certificats médicaux du 18 janvier 2021, postérieurs à la décision attaquée, du Dr C..., rhumatologue, et du Dr B..., médecin traitant, lesquels présentent un caractère insuffisamment circonstancié dès lors qu'ils se bornent à indiquer que sa prise en charge médicale ne peut pas être effectuée dans son pays d'origine. Toutefois, d'une part, il ressort du dossier médical de Mme A..., et en particulier du rapport médical destiné au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'état de santé de cette dernière ne s'est pas amélioré entre sa précédente demande et le premier titre de séjour en qualité d'étranger malade dont elle a bénéficié le 10 juillet 2019 et sa demande de renouvellement de ce titre de séjour déposée le 8 juillet 2020. D'autre part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas de la fiche MedCoi produite par le préfet qui, datant du mois d'octobre 2015 n'avait pas fait obstacle à la délivrance à l'intéressée de son premier titre de séjour, que le système de santé guinéen aurait été en mesure, en 2020, de faire bénéficier Mme A... d'un traitement adapté à la prise en charge médicale de ses pathologies alors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait estimé dans son précédent avis rendu en juillet 2019 que tel n'était pas le cas. En l'absence d'éléments permettant d'estimer qu'entre 2019 et 2020, il s'était produit une évolution du système de santé guinéen permettant de prendre en charge les pathologies de Mme A..., cette dernière parvient à utilement contredire l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 9 novembre 2020 et que le préfet a décidé de suivre dans la décision attaquée. Dans ces circonstances, en refusant de lui renouveler un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision en litige, le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2020. Dès lors, ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent jugement implique, eu égard aux motifs d'annulation retenus, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de renouveler le titre de séjour de Mme A... en qualité d'étranger malade dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit à la date du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Mme A... s'est vue accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2023. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que Me Tercero renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à cette dernière d'une somme de 1 200 euros.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2103375 du 10 février 2023 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 24 décembre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de renouveler à Mme A... son titre de séjour en qualité d'étranger malade dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Sous réserve que Me Tercero, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à Me Tercero d'une somme de 1 200 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Tercero.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. FaïckLa greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23TL02786