Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 juin 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2304100 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2023, et un mémoire et des pièces enregistrés le 28 juin 2024 et le 1er juillet 2025 n'ayant pas été communiqués, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature consentie à M. Frédéric Poisot, secrétaire général de la préfecture, est trop générale ;
- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa vie privée et familiale ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le
26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- et les observations de Me Barbaroux, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante congolaise née en 1986, est entrée en France en 2017 en provenance d'Afrique du Sud, accompagnée de sa seconde fille née en décembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 mars 2019. Elle a alors fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour d'une durée de quatre mois par un arrêté du préfet de l'Hérault du 3 mai 2019. Mme C... a sollicité, le 16 mai 2019, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, qu'elle a obtenu à compter du 23 septembre 2019, ainsi que son renouvellement jusqu'au 22 décembre 2022. Par un arrêté du 16 juin 2023 le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Saisi d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 19 octobre 2023, dont Mme C... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a eu avec M. A..., de nationalité angolaise, un fils né en France le 7 avril 2022 que ce dernier a reconnu de manière anticipée et qui occupe, depuis le 25 janvier 2022, un emploi à durée indéterminée de plaquiste. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui séjourne régulièrement sur le territoire français, contribue financièrement aux charges supportées par l'appelante pour l'entretien de cet enfant, depuis la naissance de celui-ci, par des virements réguliers effectués sur son compte bancaire et par l'achat d'équipements de puériculture et de jouets. S'il ressort des pièces du dossier que seule
Mme C... qui, à la différence de M. A..., ne travaille pas, accompagne leur enfant aux consultations régulières d'orthophonie et de psychomotricité dont il bénéficie, M. A... a néanmoins souscrit avec l'appelante le contrat pour l'accueil à la crèche de leur enfant du
5 septembre 2022 au 23 décembre 2023. Enfin, même si le couple vivait séparé à la date de la décision attaquée, les photographies produites par l'appelante attestent de la relation affective que M. A... entretient avec son fils aux besoins duquel il contribue financièrement ainsi qu'il a été dit. Dès lors que M. A..., qui est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, n'a pas vocation à quitter le territoire français, l'exécution de l'arrêté attaqué pris à l'encontre de Mme C... aurait pour effet de priver l'enfant, soit de la présence de sa mère pour le cas où cet enfant resterait en France aux côtés de son père, soit de la présence de son père dans le cas inverse où il accompagnerait sa mère dans son pays d'origine qui n'est pas celui de M. A.... Ainsi, dans les circonstances propres au cas d'espèce, l'appelante est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est de nature à porter atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être accueilli.
4. Il en résulte, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 juin 2023. Dès lors ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement n° 2304100 du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2023 est annulé et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 16 juin 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 3 : L'État versera à Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. FaïckLa greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02735