Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ou de salarié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2206128 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte de cent euros par jour de retard dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous la même astreinte, et, durant cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature consentie à M. B... Castoldi est trop générale ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de son entrée régulière en France ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du
9 octobre 1987 ;
- le préfet, qui n'a pas examiné sa demande de titre de séjour salarié, a méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'il emporte sur sa vie privée et familiale ;
- compte tenu du changement de circonstances depuis l'adoption de l'arrêté attaqué et en particulier de la durée de son mariage avec une ressortissante française, l'obligation de quitter le territoire français ne peut être exécutée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 8 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 55 % à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- et les observations de Me Barbaroux , représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 16 juillet 1978, est entré sur le territoire français sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles le 16 décembre 2018, selon ses déclarations. Il s'est marié avec une ressortissante française, à Montpellier (Hérault), le
18 octobre 2019. Le 21 janvier 2020, il a sollicité un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ou en qualité de salarié. Sa demande a été rejetée par un arrêté préfectoral du 3 juin 2020 assorti d'une mesure d'éloignement. Le 21 juillet 2022, M. A... a de nouveau demandé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". Par un arrêté du 16 août 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Saisi d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement 31 janvier 2023 dont M. A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation :
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2022.08.DRCL.320 du 1er août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Hérault a accordé à
M. Castoldi, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault par intérim, une délégation à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...), à l'exception, d'une part des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation en temps de guerre, d'autre part de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. A ce titre, cette délégation comprend donc, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers (...) ". Cette délégation de signature, qui, compte tenu des exceptions qu'elle prévoit n'est pas d'une portée trop générale, habilitait ainsi M. Castoldi à signer l'arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, pris à l'encontre de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". Il résulte de la combinaison de ces stipulations et des articles L. 621-2, L. 621-3, R. 621-2 et R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont reprises des articles L. 531-2, R. 211-32, R. 211-33 et R. 212-6 du même code en vigueur au 16 décembre 2018, date à laquelle l'appelant allègue être entré en France, que la souscription de la déclaration, prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
5. Il est constant que M. A... a bénéficié d'un visa de type C " États Schengen " de trente jours délivré par les autorités espagnoles, et valable du 8 décembre 2018 au 21 janvier 2019. S'il affirme être entré en France le 16 décembre 2018 en provenance directe d'Espagne, État partie à l'accord de Schengen, muni d'un passeport revêtu de ce visa, d'une part, ce passeport porte seulement un tampon d'entrée dans cet État à la date du 15 décembre 2018, d'autre part, il ne justifie pas avoir souscrit la déclaration d'entrée prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen. En l'absence de déclaration d'entrée sur le territoire français que M. A... était tenu de souscrire, ce dernier n'apporte pas la preuve, par les seules attestations qu'il verse à l'instance, de son entrée régulière sur ce territoire. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault a pu légalement estimer qu'il ne satisfaisait pas à la condition d'entrée régulière prévue par les dispositions précitées de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles ". Aux termes du premier alinéa de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Il résulte de ces stipulations de l'accord franco-marocain que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains. Les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, ne sont pas incompatibles avec les stipulations de cet accord et ont vocation à s'appliquer. L'autorité administrative peut donc légalement refuser la délivrance du titre de séjour portant la mention
" salarié " à un ressortissant marocain qui n'est pas titulaire d'un visa de long séjour.
7. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a estimé qu'il n'était tenu de se prononcer ni sur la demande d'autorisation de travail de M. A... ni sur sa demande de titre en qualité de salarié au motif que l'intéressé était en situation irrégulière et dépourvu du visa de long séjour exigé par l'article L. 412-1 pour prétendre obtenir un titre de séjour en qualité de salarié. Par ce seul motif, le préfet pouvait légalement refuser à M. A... la délivrance d'un tel titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande d'admission au séjour en qualité de salarié ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, le préfet, qui n'était pas tenu d'exercer son pouvoir de régularisation, a néanmoins estimé que la promesse d'embauche pour un emploi de grilladin, dont se prévalait
M. A..., ne pouvait être considérée comme un motif exceptionnel d'admission au séjour. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet n'a pas omis d'examiner sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, à titre exceptionnel, alors qu'il n'en avait pas l'obligation ainsi qu'il a été dit.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
10. M. A..., qui ne justifie pas être entré régulièrement en France où il s'est maintenu en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 3 juin 2020, est marié depuis le
18 octobre 2019 à une ressortissante française. A la date de la décision attaquée, la communauté de vie du couple n'est établie, au mieux, au regard de l'attestation d'hébergement de l'épouse de l'appelant, que depuis le mois d'octobre 2019, soit depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée. De plus, il est constant que M. A... dispose d'attaches fortes dans son pays d'origine où vivent ses quatre enfants, dont trois sont encore mineurs. Compte tenu de ces éléments, en particulier du caractère récent de son mariage et de ses attaches familiales au Maroc, le préfet n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par son arrêté, et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.
11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, la circonstance que la durée du mariage de M. A... avec son épouse, ressortissante française, aura plus de trois ans à la date de l'arrêt à intervenir est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui s'apprécie à la date de son adoption, le 16 août 2022.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 16 août 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02688