Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2301424 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2023, et un mémoire en réplique du 29 mai 2024, M. A..., représenté par Me Viens, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, dans le même délai d'un mois, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet aurait dû saisir les autorités maliennes pour vérifier l'authenticité de ses documents d'état civil, lesquels indiquent tous qu'il est né le 15 mars 2002 ; ces documents ne peuvent être regardés comme étant frauduleux, les premiers juges ayant fait à cet égard une interprétation erronée des articles 554 et 555 du code de procédure civile malien ;
- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à l'absence d'authenticité des documents d'état civil produits alors que l'article 47 du code civil, auquel renvoie l'article L 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; il appartenait à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier ou falsifié des actes produits ; les articles 554 et 555 du code de procédure civile malien ne subordonnent pas la transcription du jugement supplétif d'acte de naissance à l'expiration du délai d'appel, l'article 151 du code des personnes et de la famille malien prévoyant seulement que la transcription d'un tel jugement supplétif est demandée " dans les plus brefs délais " par le procureur de la République ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est parfaitement intégré en France, ayant effectué plusieurs stages en 2019, puis bénéficié d'un contrat d'apprentissage en septembre 2019, et d'un contrat à durée indéterminée en octobre 2021 ; les rapports établis pendant sa scolarité, sont très positifs ; il ne constitue pas une menace à l'ordre public, ayant fait l'objet d'un jugement de relaxe le 10 avril 2024 par le tribunal correctionnel de Nîmes du chef de fraude à l'état civil ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans l'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'elle est fondée sur des considérations d'ordre général, alors que son père est décédé, qu'il n'a plus de nouvelle de sa mère qui se trouve au Mali, que son frère est décédé, et qu'il est arrivé en France à l'âge de 17 ans ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire, qui l'empêchent de pouvoir accéder à un emploi stable, sont entachés d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 février 2024, et un autre mémoire du 31 mai 2024, non communiqué, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 4 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité malienne, indique être entré en France en avril 2019. Il a été pris en charge par le département du Gard en tant que mineur isolé à compter du 2 juillet 2019, et a déposé, le 11 mars 2020, une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " travailleur temporaire " en application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 11 janvier 2023, la préfète du Gard a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. M. A... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire " présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
5. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à ces documents.
7. Il ressort des motifs de l'arrêté en litige que pour refuser l'admission au séjour de M. A..., la préfète du Gard s'est fondée, premièrement, sur le fait que l'intéressé ne justifiait pas de son état-civil et, par suite, de sa minorité lors de son placement auprès de l'aide sociale à l'enfance, deuxièmement, sur la menace à l'ordre public qu'il représentait compte tenu de sa convocation à une audience du tribunal correctionnel de Nîmes le 13 juin 2023, et, troisièmement, sur le fait qu'il ne justifiait pas de résultats scolaires suffisants.
8.En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un extrait d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 845 rendu le 25 février 2019 par le tribunal civil de Yelimane et faisant état de sa naissance le 15 mars 2002 à Fongou, un volet n° 3 d'acte de naissance du 19 mars 2019, établi par l'officier d'état civil de la commune de Gory, située dans la région de Yelimane, et un extrait d'acte de naissance établi le 22 mars 2019 par un officier d'état civil de la commune de Guidimé. Ces deux actes de naissance indiquent de manière concordante que M. A... est né le 15 mars 2002 à Fongou et ont été légalisés par le consul général du Mali à Paris le 21 janvier 2021. M. A... a également produit un passeport, délivré le 26 novembre 2020 par les autorités maliennes, comportant les mêmes informations quant à sa date et son lieu de naissance. Il a, au demeurant, produit une carte consulaire délivrée le 30 octobre 2019 dont les mentions sont concordantes avec les pièces précitées.
9. La préfète du Gard, pour contester les documents produits, soutient que l'extrait d'acte de naissance du 22 mars 2019 viserait un jugement supplétif daté du 2 février 2019, et non du 25 février 2019 comme celui produit par M. A..., ce jugement étant en outre entaché d'irrégularités au regard des articles 554 et 555 du code de procédure civile, commerciale et sociale malien, dès lors que sa retranscription sur le registre des actes de naissance ne respecterait pas le délai de transposition d'un mois prévu par ces dispositions.
10. Tout d'abord, l'erreur affectant l'extrait d'acte de naissance établi le 22 mars 2019, qui vise le jugement supplétif n° 845 du " 25-2-20.19 ", ne suffit pas, à elle seule, pour remettre en cause la force probante des documents produits. Par ailleurs, les dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile, commerciale et sociale malien, se bornent à fixer les délais d'appel contre les jugements et ne subordonnent pas la transcription d'un jugement supplétif d'acte de naissance à l'expiration de ces délais. Quant à l'article 151 du code des personnes et de la famille malien, il dispose que la transcription d'un jugement supplétif doit être demandée " dans les plus brefs délais " par le procureur de la République, tandis que l'article 152 du même code impose que cette retranscription soit réalisée par l'officier d'état-civil au maximum dans les cinq jours suivant sa réception. La référence à la notion de " décision définitive " dans la dernière phrase de l'article 151 du code des personnes et de la famille malien ne peut, à cet égard, être interprétée comme faisant, par elle-même, obstacle à ce que la transcription soit demandée et réalisée avant l'expiration du délai d'appel.
11. Les anomalies formelles relevées par la préfète du Gard ne sont pas suffisantes pour faire regarder les documents d'état-civil produits par M. A... comme étant irréguliers, falsifiés ou inexacts, et la circonstance, à la supposer établie, que ce dernier aurait usurpé l'identité d'un tiers en Espagne est sans incidence sur l'authenticité des documents d'état-civil produit.
12. En deuxième lieu, si les décisions attaquées se fondent également sur la menace à l'ordre public que présenterait en France M. A..., compte tenu de sa convocation à une audience du tribunal correctionnel de Nîmes le 13 juin 2023, la préfète n'apporte aucune précision quant aux faits qui seraient visés par cette procédure, qui ne sont mentionnés ni dans les écritures du préfet, ni dans les pièces du dossier. Dans ces conditions, et alors en outre que M. A... a bénéficié d'un jugement de relaxe rendu le 10 avril 2024 par le tribunal correctionnel de Nîmes, ce motif sur lequel se fonde la décision en litige ne peut être retenu.
13. Toutefois, en troisième lieu, il ressort des dispositions précitées de l'article L. 435- 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour prétendre à l'admission au séjour à titre exceptionnel, l'étranger doit aussi justifier, notamment, du caractère réel et sérieux de la formation qu'il suit en France. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le lui oppose le préfet par la décision attaquée, que les bulletins de note de M. A..., notamment ceux de l'année scolaire 2020-2021, font état d'une absence d'investissement et d'un absentéisme très important de sa part. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait obtenu un quelconque diplôme, l'attestation de réussite en langue du 7 avril 2020 ne pouvant en tenir lieu. Dans ces conditions, et en dépit des éléments favorables à M. A... contenus dans le " rapport de fin de mesure " établi en février 2020 lors de son placement à l'aide sociale à l'enfance, la préfète du Gard n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision de refus si elle s'était seulement fondée sur ce dernier motif tiré de l'absence de réalité et de sérieux des études suivies en France par M. A....
14. Enfin, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 13, et compte tenu de ce que M. A... ne justifie pas de l'existence de liens familiaux et personnels en France, la préfète du Gard n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
15. En l'absence de liens familiaux et personnels en France de M. A..., et faute de résultats scolaires probants, la préfète du Gard n'a pas entaché l'obligation de quitter le territoire en litige d'un erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé alors même qu'il n'aurait plus d'attaches familiales dans son pays d'origine.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02577 2