Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous le n°2101566, Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 10 décembre 2020 par laquelle le directeur du centre départemental enfance et famille E... a changé son affectation, ensemble la décision du 6 avril 2021 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux, et de mettre à la charge de ce centre départemental une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sous le n°2101567, Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le directeur du centre départemental enfance et famille E... a rejeté sa demande de congé d'invalidité temporaire imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 15 septembre 2020, ensemble la décision du 16 mars 2021 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux, et de mettre à la charge de ce centre départemental une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2101566, 2101567 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Nîmes a, après avoir joint les deux affaires, annulé la décision du 10 décembre 2020 du directeur du centre départemental enfance et famille E... et la décision du 6 avril 2021 portant rejet du recours gracieux formé contre cette décision, a rejeté le surplus des conclusions de la requête n°2101566 et la requête n°2101567, et a rejeté les conclusions du centre départemental enfance et famille E... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire, et un mémoire en production de pièce qui n'a pas été communiqué, enregistrés le 11 septembre 2023, le 15 janvier 2024 et le 17 septembre 2024, Mme D... A..., représentée par Me Breuillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 juillet 2023 en ce qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le directeur du centre départemental enfance et famille E... a rejeté sa demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service et l'a placée en congé ordinaire de maladie, et de la décision du 16 mars 2021 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le directeur du centre départemental enfance et famille E... a rejeté sa demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service et l'a placée en congé ordinaire de maladie, ensemble la décision du 16 mars 2021 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au directeur du centre départemental enfance et famille E... de lui accorder un congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 15 septembre 2020, en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 2013 ;
4°) de mettre à la charge du centre départemental enfance et famille E... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en ne retenant pas la présomption d'accident de service instituée par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ;
- il y a lieu d'appliquer la présomption d'accident de service instituée par l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2021, les conditions en étant réunies ;
- en tout état de cause, compte tenu de ce que le comportement et les propos du directeur général, qui est son supérieur hiérarchique, tenus à son égard, étaient insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, la qualification d'accident de service devait être retenue ;
- aucune faute personnelle n'est opposée à son encontre ;
- le comportement du directeur général à son égard caractérisant un événement soudain et violent, ayant une date certaine et survenu sur le lieu de travail, est présumé être un accident du travail, de sorte que la décision de refus de reconnaissance de l'accident de service par le directeur général, malgré la présomption d'accident de service et malgré l'avis favorable à la reconnaissance d'accident de service par la commission de réforme, doit être annulée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2023, le centre départemental enfance et famille E..., représenté par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bellotti, représentant le centre départemental enfance et famille E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjointe des cadres hospitaliers de classe exceptionnelle, est affectée au centre départemental enfance et famille E..., établissement public local médico-social. A la suite d'un incident survenu le 14 septembre 2020 sur son lieu de travail, Mme A... a présenté, le 1er octobre 2020, une déclaration d'accident de service. Par décision du 20 novembre 2020, le directeur général du centre départemental enfance et famille E... a refusé d'accorder à Mme A... le bénéfice d'un congé d'invalidité temporaire imputable au service et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 15 septembre 2020. Par décision du 16 mars 2021, cette même autorité a rejeté le recours gracieux formé par Mme A... contre la décision du 20 novembre 2020. Par jugement n°2101566, 2101567, le tribunal administratif de Nîmes a notamment rejeté les conclusions présentées par Mme A... aux fins d'annulation de ces décisions du directeur général du centre départemental enfance et famille E... du 20 novembre 2020 et du 16 mars 2021. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges, qui se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peuvent être utilement invoqués.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. La décision attaquée se fonde sur ce que l'entretien du 14 septembre 2020 entre Mme A... et son supérieur hiérarchique, à l'origine de la déclaration d'accident de service présentée par l'intéressée, avait certes pour objet de faire un rappel à l'ordre, mais était demeuré dans le cadre d'une relation hiérarchique normale, et sur ce qu'il n'était pas matériellement vraisemblable que cet entretien ait pu être à l'origine d'un choc émotionnel et ait pu justifier l'arrêt de travail de Mme A....
4. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...) ".
5. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
6. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
7. En premier lieu, Mme A... soutient avoir subi un choc émotionnel, à l'origine de son arrêt de travail, à la suite d'un entretien avec son supérieur hiérarchique qui s'est tenu le 14 septembre 2020. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a adressé, le 9 septembre 2020, à ses supérieurs hiérarchiques, M. C..., directeur général du centre départemental enfance et famille E..., et Mme B..., cheffe de service, un courriel leur faisant part de sa démotivation et son mécontentement quant au montant de la prime " covid " qui devait lui être attribuée et quant à la décision de la direction du paiement de 30 heures supplémentaires aux cadres et à deux attachés d'administration de la structure, ce dont elle a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses missions. A l'occasion d'un entretien entre Mme B... et Mme A... au cours de la matinée du 14 septembre 2020, afin d'évoquer le contenu de ce courriel, cette dernière a confirmé qu'elle avait transmis ledit courriel, en ce compris l'information tenant au paiement d'heures supplémentaires cadres, à un représentant syndical. Il résulte des témoignages concordants des intéressés qu'après avoir échangé avec Mme B..., M. C... a convoqué à 15h30, en présence de cette dernière, Mme A... dans son bureau et l'a interrogée sur la transmission à la représentation syndicale d'informations relatives à la paie, confidentielles, et a rappelé à l'agent l'obligation de confidentialité. Alors que Mme A... a quitté le bureau de M. C... avant la fin de l'entretien, ce dernier a imprimé le courriel et s'est rendu dans le bureau de Mme A... pour terminer l'entretien. S'il a, à cette occasion, sur un ton sec et élevé, évoqué l'avancement passé de Mme A..., le paiement passé d'heures supplémentaires la concernant, et l'existence d'une faute professionnelle, les allégations de Mme A... tenant à ce que M. C... l'aurait poursuivie, menacée, injuriée et lui aurait " hurlé dessus " ne sont pas établies par les pièces du dossier. Les témoignages dont Mme A... se prévaut émanent, pour deux d'entre eux, de personnes non présentes qui font seulement état de ce que M. C... semblait, au téléphone, " remonté " avant l'entretien, et pour le dernier, d'un agent qui a entendu la deuxième partie de l'entretien, perçu une " altercation ", le ton " très haut " de M. C..., mais qui précise dans un second témoignage que ce ton " était celui d'un directeur mécontent de son agent ". Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, M. C... n'a pas excédé les limites de son pouvoir hiérarchique, à l'occasion de l'entretien du 14 septembre 2020 avec Mme A..., lequel ne saurait donc être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, et ce en dépit du choc émotionnel ressenti par Mme A... à l'issue de l'entretien.
8. En second lieu, la mise en œuvre de la présomption d'imputabilité posée par les dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 suppose l'existence d'un accident, dont un entretien avec un supérieur hiérarchique ne peut tenir lieu que sous les réserves indiquées au point 6. Par suite, et en application de ce qui a été dit aux points 5 et 6, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, en tenant compte de ce que l'entretien n'excédait pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, est entachée d'erreur de droit au regard de cette présomption d'imputabilité.
9. Il résulte de l'instruction que le directeur du centre départemental enfance et famille E... aurait pris la même décision en se fondant sur le seul premier motif de la décision, rappelé au point 3, tiré de ce que l'entretien est resté dans le cadre d'une relation hiérarchique normale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du directeur du centre départemental enfance et famille E... du 20 novembre 2020 et du 16 mars 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre départemental enfance et famille E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le centre départemental enfance et famille E... en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre départemental enfance et famille E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au centre départemental enfance et famille E....
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet E... en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL02306