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10/07/2025 | FRANCE | N°23TL00824

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 10 juillet 2025, 23TL00824


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 avril et 20 décembre 2023, Mme B... E... et M. C... E..., représentés par Me Courrech, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le maire de Sigean a délivré à la société en nom collectif Lidl un permis de construire en vue de la création d'un magasin à l'enseigne Lidl situé 88 bis avenue de Port-la-Nouvelle ;



2°) de mettre à la charge de la commune de Sigean et de la société Lidl une somme de

3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 avril et 20 décembre 2023, Mme B... E... et M. C... E..., représentés par Me Courrech, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le maire de Sigean a délivré à la société en nom collectif Lidl un permis de construire en vue de la création d'un magasin à l'enseigne Lidl situé 88 bis avenue de Port-la-Nouvelle ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sigean et de la société Lidl une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable et leur intérêt à agir ne saurait être contesté ;

- l'arrêté de permis de construire est entaché d'un vice d'incompétence, en l'absence de justification d'une délégation donnant compétence au signataire, adjoint au maire ; en outre, l'arrêté de délégation ayant été produit, ils s'en remettent à la sagesse de la cour ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de transmission du dossier de demande au préfet de région, le terrain d'assiette du projet étant l'une des zones concernées par la présomption de prescriptions archéologiques et eu égard à la nécessité de travaux d'affouillement, nivellement ou exhaussement du sol ;

- le dossier de permis de construire est incomplet au regard des dispositions des articles R. 431-9 et R 431-10 du code de l'urbanisme en l'absence de plan relatif au raccordement aux réseaux publics et eu égard aux carences du plan de coupe ;

- l'arrêté méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sigean relatif à l'accès du terrain à une voie publique ou privée, applicable en zone UE du plan, ainsi que l'article U 3 applicable en zone Ub de ce plan ;

- il méconnaît l'article UE 6 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à l'implantation par rapport aux voies et emprises publiques ;

- il méconnaît l'article UE 11 de ce règlement relatif à l'aspect extérieur des constructions ;

- il méconnaît l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme et l'article UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme relatif aux aires de stationnement ;

- il méconnaît les articles UE 13 et U 13 de ce règlement concernant les arbres de haute tige.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre et 22 décembre 2023, la commune de Sigean, représentée par Me Renaudin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme E... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et sollicite qu'il soit fait, le cas échéant, application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 et 26 décembre 2023, la société en nom collectif Lidl, représentée par la SELARL Leonem, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme E... le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires observe que seule la commune de Sigean est compétente pour défendre la légalité du permis contesté en tant qu'il vaut autorisation de construire.

Par ordonnance du 27 décembre 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 4 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Teulière, président assesseur,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Marti, représentant M. et Mme E...,

- les observations de Me Renaudin, représentant la commune de Sigean,

- et les observations de Me Juliac-Degrelle, représentant la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lidl a déposé, le 15 avril 2022, auprès des services de la commune de Sigean (Aude) une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale portant sur la création d'un supermarché d'une surface de plancher de 2 308 m², situé 88 bis avenue de Port-la-Nouvelle, sur les parcelles cadastrées section BK nos 161 et 51. Le dossier de demande a été complété le 8 juin 2022. Par un arrêté du 14 février 2023, le maire de Sigean a délivré à la société pétitionnaire le permis de construire sollicité. Par la présente requête, M. et Mme E..., en leur qualité de voisins immédiats du projet, propriétaires d'une maison d'habitation située au 88 avenue de Port-la-Nouvelle, demandent l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation de construire.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. L'arrêté en litige a été signé par M. A... D..., adjoint au maire de Sigean délégué à l'urbanisme, lequel bénéficiait d'une délégation de fonction et de signature en matière de permis de construire et de démolir, en date du 17 juin 2020, lui donnant compétence pour signer cet arrêté. Les mentions de l'arrêté de délégation, qui font foi jusqu'à preuve contraire, attestent de ce que cette délégation a été régulièrement rendue exécutoire le 18 juin 2020 et l'article 5 de cet arrêté prévoit également sa publication et son affichage. Par suite, alors qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que cet affichage n'aurait pas été régulièrement accompli, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'article 1er de l'arrêté du préfet de région Languedoc-Roussillon et du département de l'Hérault en date du 11 juin 2010 relatif aux zones de présomption qui liste, conformément à l'article 4 du décret susvisé du 3 juin 2004 relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive alors applicable, les demandes d'autorisation d'urbanisme devant être obligatoirement transmises en préfecture de région au titre de l'archéologie préventive, que le projet en litige, qui ne porte notamment pas sur des travaux d'affouillement, de nivellement ou d'exhaussement de sol liés à une opération d'aménagement d'une superficie supérieure à 10 000 m², n'entre pas dans le champ de telles demandes d'autorisation d'urbanisme à transmettre obligatoirement au préfet de région. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure, faute de transmission de la demande de permis de construire en litige au préfet de région, doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : /a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; /b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R.*431-33-1 ;/ (...) ". Selon l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / (...) ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire présenté par la société pétitionnaire comportait un plan intitulé " plan de masse réseaux " indiquant précisément les modalités de raccordement du projet aux réseaux publics. D'autre part, si les requérants soutiennent que la notice hydraulique produite par la société Lidl ne faisait notamment pas mention du débit de rejet des eaux pluviales, un tel document ne figure pas dans la liste limitative des pièces visée à l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme. Au surplus, l'obligation d'un équipement de rejet limité à 7 litres par seconde par hectare, prévue à l'article UE 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sigean, ne s'applique qu'en cas de création d'un bassin de rétention lorsque le réseau est insuffisant, ce qui n'est pas le cas d'espèce. Le projet porte seulement sur la réalisation d'une cuve de récupération des eaux pluviales d'une capacité de 30 m3, reliée au réseau et à la chaussée réservoir de 591 m3 tandis que les eaux pluviales du parking seront reliées à des drains d'évacuation jusqu'à la chaussé réservoir. La société pétitionnaire a explicité les méthodes de rejet des eaux dans la notice hydraulique, accompagnée d'un plan présentant les surfaces permettant d'absorber les eaux de pluie, ces éléments permettant à l'autorité administrative d'apprécier leur infiltration sur le terrain. Enfin, le plan de coupe insertion 2 du dossier de demande indique la cote de plancher et le niveau du terrain naturel existant par référence au nivellement général de la France (NGF) et la notice hydraulique précise que le plancher fini sera calé à la cote de 9,70 mètres NGF pour un terrain naturel existant à celle de 9,10 mètres NGF. Ces éléments étaient suffisants pour permettre à l'autorité administrative, qui disposait également du plan de masse coté, de porter une appréciation sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande doit être écarté.

7. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sigean, applicable à la zone UE, définie comme une zone urbaine viabilisée affectée principalement aux activités industrielles, artisanales et commerciales et dans laquelle se situe une partie du terrain d'assiette du projet, dont le bâtiment : " 1- Accès : /Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée soit directement, soit par l'intermédiaire d'une servitude de passage instituée sur fonds voisin par acte authentique ou par voie judiciaire./ Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. Seront privilégiées les voiries communes ou privées. / Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. De même, l'opération doit comprendre le minimum d'accès sur les voies publiques. /(...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit un accès principal par l'avenue de Port-la-Nouvelle, soit la route départementale 3009, qui correspond à une avenue large, bien équipée, comportant notamment un éclairage public, des trottoirs et une circulation à double sens. Si les requérants critiquent cet accès eu égard à l'intensité du trafic au droit de l'avenue, il ressort de l'étude de trafic réalisée pour les besoins du projet que le trafic y est regardé comme moyen et que les réserves de capacité estimées, supérieures à 75%, sont largement suffisantes. Par ailleurs, si M. et Mme E... estiment que l'accès par le chemin de la Rouquille devait être privilégié, il ressort des pièces du dossier que ce chemin, plus étroit que l'avenue de Port-la-Nouvelle, doit permettre l'accès au site par l'arrière par les piétons et les cyclistes et que l'accès principal, par l'avenue de Port-la-Nouvelle, est le mieux adapté au projet eu égard à la configuration des lieux et aux caractéristiques physiques des voies. M. et Mme E... ne précisent pas leur argument relatif à l'absence d'aménagement prévu sur la voie publique, alors que le projet a notamment reçu un avis favorable du département de l'Aude en sa qualité de gestionnaire de la voie en date du 1er juin 2022. Enfin, les dispositions précitées de l'article UE 3 n'étant pas applicables aux voies internes au terrain d'assiette, M. et Mme E... ne peuvent utilement invoquer un manque de sécurité d'un cheminement piéton interne au projet. En tout état de cause, leurs allégations sur ce point ne sont pas établies. Pour ces motifs, le permis en litige n'a pas été délivré en méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. En vertu de l'article U 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sigean, applicable à la zone urbaine Ub, qui concerne en partie le terrain d'assiette du projet et où seules des places de stationnement sont prévues, la largeur minimale de la chaussée d'une voie à sens unique est de trois mètres.

10. Les requérants soutiennent que la voie donnant sur le chemin de la Rouquille présente une largeur insuffisante de deux mètres. Il ressort cependant des pièces du dossier, notamment du plan de masse- état projeté du 16 mai 2022, que cette voie présentera une largeur de trois mètres, conforme à la largeur minimale prévue par les dispositions citées au point précédent de l'article U3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sigean. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article U 3 de ce règlement doit être écarté.

11. Aux termes de l'article UE 6 du règlement du plan local d'urbanisme, applicable en zone UE et relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " (...) Pour les autres voies, les constructions doivent s'implanter à une distance au moins égale à 4m de l'alignement (publique et privée). En secteur UE impacté par le risque inondation : Les constructions peuvent s'implanter à l'alignement ou à une distance au moins égale à 3m de l'alignement (publique et privée). ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la construction, qui sera située en secteur UE impacté par le risque d'inondation, doit être implantée avec un recul minimum de trois mètres par rapport à la voie publique chemin de la Rouquille. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'arrêté contesté respecte les dispositions citées au point précédent de l'article UE 6 du règlement du plan local d'urbanisme et le moyen invoqué sur ce point ne peut qu'être écarté.

13. Aux termes de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme, applicable en zone UE et relatif à l'aspect extérieur des constructions : " Principes généraux : / Chaque construction doit pouvoir être distinguée des autres tout en étant identifiée comme appartenant à son tissu local. Elle devra par son aspect extérieur, ne pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, des sites et des paysages naturels ou urbains. Elle présentera une simplicité de volume et une disposition harmonieuse des ouvertures. Les annexes telles que garages, remises,... ne devront être que le complément naturel du bâtiment principal. / Les constructions seront réalisées avec des matériaux et un choix de coloris formant un ensemble cohérent et harmonieux avec le reste du cadre bâti. / Tout pastiche d'une architecture étrangère à la région ne sera pas admis. / (...) 2- façades / L'ensemble des façades doit être traité avec soin. La façade la plus valorisante sera implantée le long de la voirie. Les façades latérales et postérieures des constructions doivent être traitées avec le même soin que les principales et en harmonie. / Les murs doivent être appareillés en pierres de pays ou crépis ou revêtus de bardage dont la couleur s'intègre parfaitement à l'architecture environnante. Les couleurs vives, blanches ou s'y rapprochant sont interdites. Seront préférés les bardages aux couleurs de teintes mates en rapport avec les couleurs des matériaux d'origine locale. Les annexes des bâtiments devront être traitées avec les mêmes matériaux et couleurs que le bâtiment principal. / Les couleurs vives ne pourront être autorisées que pour de toutes petites surfaces (enseignes, logos, ...). Les projets utilisant un béton architectonique ou des appareillages de parpaings colorés pourront être autorisés dans la mesure où ils possèdent de bonnes qualités de finition. 3- Matériaux / Toutes utilisations de matériaux d'imitation (fausses briques, fausses pierres, faux bois, ...), quel que soit le programme sont interdites (ex. : incrustations et utilisations de faux appareillages de pierre, ...) et d'une manière générale toutes décorations rapportées. / L'utilisation à nu de matériaux fabriqués en vue d'être recouverts d'un enduit ou d'un parement, tels que briques, agglomérés de ciment, carreaux de plâtres, ... est interdite. / Sont interdites toutes constructions de caractère provisoire réalisées avec des matériaux de rebut. / (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que le projet réhabilite une friche commerciale et prévoit la mise en place d'un bardage en bois à claire-voie d'une teinte proche de celle d'un autre bâtiment à proximité et un enduit ocre sur la façade nord. Sont également prévues une façade végétalisée ainsi qu'une toiture à double pente en tuiles canal en harmonie avec les toitures avoisinantes. Ces éléments de même que l'usage de couleurs sobres et de matériaux naturels sont de nature à favoriser l'insertion du projet dans son environnement. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment projeté, nonobstant son importance, porterait atteinte au bâti environnant qui ne présente pas d'intérêt particulier. Dans ces conditions, la seule présence de bandeaux caisse en aluminium gris sur la partie haute des façades et de menuiseries en aluminium ne rompra pas l'harmonie avec le reste du cadre bâti. La seule circonstance que l'ombrière prévue doive être revêtue de panneaux photovoltaïques ne saurait caractériser une atteinte au caractère des lieux avoisinants et, par suite, une méconnaissance des dispositions citées au point précédent du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sigean. Pour ces motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UE 11 de ce règlement doit être écarté.

15. Aux termes de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Nonobstant toute disposition contraire du plan local d'urbanisme, l'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale prévue aux 1° et 4° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce et à l'autorisation prévue au 1° de l'article L. 212-7 du code du cinéma et de l'image animée, ne peut excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce. Les espaces paysagers en pleine terre, les surfaces des aménagements relevant de l'article L. 3114-1 du code des transports, les surfaces réservées à l'auto-partage et les places de stationnement destinées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables sont déduits de l'emprise au sol des surfaces affectées au stationnement. La surface des places de stationnement non imperméabilisées compte pour la moitié de leur surface. ".

16. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande de permis de construire, que la surface de plancher autorisée totale sera de 2 308 m², avec une surface de plancher de la construction affectée au commerce de 1 375 m² et une surface de 933 m² à destination d'entrepôt. Par suite, en application des dispositions citées au point précédent, une surface plafond de 1 031,25 m² pouvait être affectée aux aires de stationnement, les voies d'accès aux places de stationnement se trouvant exclues de ces aires, au sens de ces mêmes dispositions. La requérante ne saurait, à cet égard, utilement se prévaloir de l'interprétation donnée de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme par une fiche technique des services du ministère du logement et de l'habitat durable, dont la teneur ne saurait lier le juge administratif. En l'espèce, la surface des aires de stationnement enrobées est de 70 m² et celle des aires de stationnement en pavé drainant, non imperméabilisées, est de 999 m². Par suite, la surface des places de stationnement non imperméabilisées comptant pour la moitié de leur surface et la surface de 85 m² occupée par des places dédiées aux véhicules électriques ne devant pas être prise en considération, les surfaces affectées aux aires de stationnement devant être prises en compte pour l'application des dispositions en cause sont de 570 m² et n'excèdent ainsi pas la surface plafond de 1 031,25 m². Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme ne peut, par suite, qu'être écarté.

17. Par ailleurs, les dispositions de l'article UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme relatif au stationnement, prévoient, pour les commerces y compris ceux soumis à autorisation d'exploitation commerciale, une place de stationnement pour 20 m² de surface de plancher créée. Compte tenu d'une surface de plancher créée à destination de commerce de 1 375 m², un minimum de 69 places de stationnement devait être prévu en application de ces dispositions. Le projet prévoit 84 places et respecte ainsi lesdites dispositions de l'article UE 12.

18. Les articles U 13 et UE 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sigean comportent les mêmes dispositions aux termes desquelles : " (...) / Les espaces de rétention des eaux pluviales doivent faire l'objet d'un projet paysager. Le traitement par noues végétalisées est préconisé. / Il est recommandé l'utilisation de plantes d'essence locale pour les arbres (sup. à 2m). De même, les plantations existantes seront maintenues ou remplacées par des plantations équivalentes. / Les aires de stationnement et les espaces non bâtis doivent être plantés à raison d'un arbre de hautes tiges pour 50m² de terrain non construit. (...) ".

19. Il ressort du dossier de demande, en particulier de deux encadrés que comporte un plan de masse daté du 15 avril 2022 intitulé " Repérage des arbres par zone ", que la surface non bâtie du projet située en zone UE du plan local d'urbanisme est de 2 920 m² et qu'elle est de 1 687 m² en zone Ub impliquant la plantation respective de 59 arbres de haute tige en zone UE et de 34 arbres en zone Ub. Or, il n'est prévu par ce document que 32 arbres en zone UE et 16 arbres en zone Ub. Si la société pétitionnaire, qui avait ainsi initialement prévu de planter 48 arbres de haute tige sur l'unité foncière, a entendu, porter ce nombre à 59, soit 44 arbres en zone UE et 15 arbres en zone Ub ainsi qu'il ressort des pièces complémentaires qu'elle a déposées le 8 juin 2022, le nombre d'arbres de haute tige à planter demeure cependant toujours insuffisant dans chacune des zones concernées. Pour ces motifs, le nombre minimum d'arbres de haute tige n'est pas respecté par le projet et les requérants sont donc, sur ce point, fondés à invoquer la méconnaissance des dispositions précitées des articles U 13 et UE 13 du règlement du plan local d'urbanisme en tant que le projet ne prévoit pas la plantation d'un total de 59 arbres de haute tige en zone UE et de 34 arbres de haute tige en zone Ub.

20. En revanche, le seul avis de la direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude ne permet pas d'établir qu'aucun traitement paysager n'aurait été envisagé pour l'espace de rétention, alors qu'il ressort des pièces du dossier que cet espace sera entouré de plusieurs arbres, d'une haie arbustive ainsi que de petits arbustes prévus à proximité immédiate. Enfin, si les requérants observent que vingt arbres seront supprimés sans être replantés en zone Ub, l'article U13 se borne à une recommandation quant au remplacement des plantations existantes.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

21. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ".

22. Le vice relevé au point 19 du présent arrêt n'affecte qu'une partie du projet et peut être régularisé. Il y a donc lieu d'annuler le permis de construire délivré par le maire de Sigean le 14 février 2023 en tant seulement qu'il ne prévoit pas un nombre suffisant d'arbres de haute tige.

23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme E... sont seulement fondés à demander l'annulation l'arrêté du 14 février 2023 du maire de Sigean délivrant un permis de construire à la société Lidl en tant que le projet ne prévoit pas la plantation d'un total de 59 arbres de haute tige en zone UE et de 34 arbres de haute tige en zone Ub.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sigean et de la société Lidl, qui ne peuvent être regardées comme ayant la qualité de parties perdantes pour l'essentiel, une somme à verser à M. et Mme E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants une somme à verser à la commune de Sigean et à la société Lidl sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 14 février 2023 par lequel le maire de Sigean a délivré un permis de construire à la société Lidl est annulé en tant seulement que le projet ne prévoit pas la plantation d'un total de 59 arbres de haute tige en zone UE et de 34 arbres de haute tige en zone Ub.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Lidl et la commune de Sigean au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et Mme B... E..., à la société en nom collectif Lidl, à la commune de Sigean.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

Le rapporteur,

T. Teulière

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00824
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;23tl00824 ?
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