Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 avril, 23 novembre et 18 décembre 2023, la société par actions simplifiée de distribution du Languedoc, représentée par Me Courrech, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le maire de Sigean a délivré à la société en nom collectif Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un magasin à l'enseigne Lidl sur un terrain situé 88 bis avenue de Port-la-Nouvelle ;
2°) de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable et elle justifie d'un intérêt pour agir contre l'arrêté attaqué ;
- l'arrêté de permis de construire est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- l'auteur de cet arrêté n'était pas compétent, en l'absence de justification d'une délégation régulièrement publiée et exécutoire ;
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce ; sauf à ce qu'il soit justifié de la réception effective des pièces du dossier par les membres de la commission au moins cinq jours avant la tenue de la réunion, l'avis est irrégulier et ce vice a pu influer sur le sens de la décision ;
- les critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce ont été méconnus et la Commission nationale d'aménagement commercial aurait dû émettre un avis défavorable sur le projet ;
- s'agissant du critère de l'impact sur l'animation de la vie urbaine, il ne s'agit pas d'un projet de centre-ville ; alors que le centre-ville de Sigean fait l'objet de mesures de protection et que l'offre existante est déjà importante, a été autorisé à proximité immédiate du projet un autre projet pharaonique créant 7 522,75 m² de surface de vente ; le développement exponentiel de l'offre commerciale périphérique va porter atteinte aux commerces de centre-ville ;
- il convient de relever l'importance des surfaces imperméabilisées pour le stationnement, notamment de la surface enrobée, qui a fondé l'avis défavorable du ministre de l'urbanisme et, plus généralement, l'importance des surfaces imperméabilisées du projet ; le stationnement est traité en nappe et les quelques places perméables ne sauraient suffire à limiter l'artificialisation des sols ; l'intégration architecturale et environnementale n'a pas été particulièrement soignée alors que le projet aura pour effet d'accoler une grande surface alimentaire et son parking à des maisons individuelles avec les nuisances qui en résultent ;
- le projet porte atteinte à la sécurité des populations ; le terrain et ses voies d'accès sont situés en zone inondable, soit, en zone RI 2 et RI 4 du plan de prévention du risque inondation de La Berre ; si le bâtiment est normalement situé au-dessus de la cote des plus hautes eaux, ce n'est pas le cas pour le parking et les voies de desserte ; face à l'importance du risque, les mesures annoncées par le pétitionnaire ne sauraient suffire ; la réalisation d'un commerce de cette envergure en zone inondable ne pouvait faire l'objet d'un avis favorable ;
- l'étude de flux du trafic ne démontre pas que les flux de véhicules générés par le projet seront correctement absorbés par les équipements existants ; le pétitionnaire était tenu d'apporter des garanties au financement de l'ouvrage pour le déplacement de l'accès au site et d'indiquer des délais de réalisation ; le permis litigieux ne fait pas état d'un dispositif encadrant le financement et la réalisation de ces travaux ;
- le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Grand Narbonne, en raison de la création d'un déséquilibre commercial éloigné des objectifs du schéma mais également en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2023, la société en nom collectif Lidl, représentée par la SELARL Leonem, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société de distribution du Languedoc une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que l'arrêté contesté comporte une motivation suffisante et qu'il a été pris par une autorité compétente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2023, la commune de Sigean, représentée par Me Renaudin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société de distribution du Languedoc une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 24 novembre 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 19 décembre 2023.
Par lettre du 20 juin 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tenant à l'irrecevabilité du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige en ce qu'il ne reprend pas les prescriptions des avis des autorités compétentes dès lors que ce moyen est relatif à la régularité du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation de construire.
Des observations en réponse à cette information, produites pour la société Lidl, représentée par la SELARL Leonem, ont été enregistrées le 23 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Teulière, président assesseur,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Marti, représentant la société requérante,
- les observations de Me Renaudin, représentant la commune de Sigean,
- et les observations de Me Juliac-Degrelle, représentant la société Lidl.
Considérant ce qui suit :
1. La société en nom collectif Lidl a déposé, le 15 avril 2022, auprès des services de la commune de Sigean (Aude) une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale portant sur la création, par transfert-agrandissement, d'un supermarché d'une surface de plancher totale autorisée de 2 308 m², situé 88 bis avenue de Port-la-Nouvelle, sur les parcelles cadastrées section BK nos 161 et 51. La commission départementale d'aménagement commercial de l'Aude a rendu un avis favorable au projet le 26 juillet 2022. Puis, la Commission nationale d'aménagement commercial a également émis, le 8 décembre 2022, un avis favorable à ce même projet. Par un arrêté du 14 février 2023, le maire de Sigean a délivré à la société pétitionnaire le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. Par la présente requête, la société de distribution du Languedoc, qui exploite un supermarché à l'enseigne E. Leclerc sur la commune de Narbonne, demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :
2. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que, lorsque le juge est saisi par un professionnel dont l'activité est susceptible d'être affectée par un projet d'aménagement commercial d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du même code, les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables. Ainsi, le moyen de la société requérante tiré de l'insuffisance de motivation du permis de construire du 14 février 2023 en ce qu'il ne reprendrait pas prescriptions formulées lors de l'instruction de cette autorisation d'urbanisme par les avis des autorités compétentes, qui se rattache à la régularité du permis délivré en tant qu'il vaut autorisation de construire, est irrecevable.
3. L'arrêté en litige a été signé par M. A... B..., adjoint au maire de Sigean délégué à l'urbanisme, lequel bénéficiait d'une délégation de fonction et de signature en matière de permis de construire et de démolir, en date du 17 juin 2020, lui donnant compétence pour signer cet arrêté. Les mentions de l'arrêté de délégation, qui font foi jusqu'à preuve contraire, attestent de ce que cette délégation a été régulièrement rendue exécutoire le 18 juin 2020 et l'article 5 de cet arrêté prévoit également sa publication et son affichage. Par suite et alors qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que cet affichage n'aurait pas été régulièrement accompli, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
En ce qui concerne la régularité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial :
4. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".
5. D'une part, il ressort des pièces produites par la Commission nationale d'aménagement commercial comprenant une attestation de sa directrice de projets et une attestation de la société Dematis en charge des envois électroniques, que les convocations à la réunion du 8 décembre 2022 ont été transmises le 23 novembre 2022 aux membres de cette commission. La directrice de projets atteste de la réception par l'ensemble des membres de cette convocation. D'autre part, il ressort de l'attestation de la directrice de projets de cette commission, corroborée par une capture d'écran d'une plateforme d'échange de fichiers, que les documents mentionnés à l'article R. 752-35 ont été mis à disposition des membres de la commission par cette plateforme le 1er décembre 2022, soit plus de cinq jours avant la réunion de cette commission. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la convocation des membres de la commission et de l'absence de mise à disposition de ces derniers des documents mentionnés à l'article R. 752-35 du code de commerce doivent être écartés.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial au regard des objectifs et critères fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce :
6. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ;c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs :/a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; /b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ;/c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ;/d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs./(...) ".
7. L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige consiste à transférer le supermarché à l'enseigne Lidl déjà existant, situé avenue de Port-la-Nouvelle sur une friche commerciale sise sur la même avenue à une distance de 300 mètres et occupée jusqu'en 2021 par une société de vente de matériaux, tandis que le site laissé vacant doit être repris pour la création d'une résidence senior comprenant des logements aidés. Le nouveau site d'implantation se situera en entrée de ville, à environ 1,1 kilomètre du centre-ville de Sigean et en continuité de son tissu urbain. Ce projet, qui consiste ainsi en une création par transfert accompagnée d'une extension mesurée de la surface de vente qui sera portée de 973 m² à 1375 m², n'apparaît pas de nature à perturber les équilibres commerciaux existants, ainsi que l'a d'ailleurs relevé la direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude dans son avis de synthèse favorable émis lors de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale. Il ressort également des pièces du dossier que le projet, qui déploiera une gamme identique à celle déjà présente dans le magasin existant et ne proposera pas de produits frais traditionnels à la coupe, n'est pas susceptible de porter atteinte aux commerces du centre-ville de Sigean et de Port-la-Nouvelle. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme ayant une incidence négative sur l'attractivité de ces commerces de centre-ville de Sigean et des communes limitrophes, en particulier sur leurs commerces de bouche, ni sur l'animation de la vie urbaine, dans un contexte d'augmentation de la population sur la commune d'implantation et sur la zone de chalandise. Si la société requérante soutient, en se prévalant d'un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial sur un autre projet commercial créant 7 522,75 m² de surface de vente et se situant à proximité, que le développement exponentiel de l'offre commerciale périphérique va nécessairement porter atteinte aux commerces de centre-ville, aucune disposition n'impose de prendre en compte les effets cumulés du projet en litige avec d'autres projets autorisés mais non encore réalisés. Pour l'ensemble de ces motifs, le projet ne peut être regardé comme nuisant à l'animation de la vie urbaine et à la revitalisation des centres-villes des communes de la zone de chalandise, alors même que celles de Sigean et Port-la-Nouvelle participent au dispositif " Petite ville de demain " et nonobstant les taux de vacance commerciale observés pour ces communes, supérieurs à 10 %.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'étude de trafic réalisée et de l'avis de synthèse favorable de la direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude mentionné au point précédent, que la variation de flux de transport sur la route départementale qui dessert le projet sera faible, de l'ordre de 70 véhicules supplémentaires par jour et que les réserves de capacité estimées en situation projet, toutes supérieures à 75 %, sont largement suffisantes et très proches de la situation existante. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'étude de flux ne démontrerait pas que les flux de véhicules générés par le projet seront correctement absorbés par les équipements existants. Par ailleurs, il est constant que le projet est desservi en transports en commun et accessible par des modes doux de déplacement. Enfin, s'il est établi que l'accès sur l'avenue de Port-la-Nouvelle doit être légèrement déplacé vers l'ouest pour des motifs de sécurité des flux, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette modification aurait un impact sur l'importance et la sécurité des flux de véhicules alors d'ailleurs que la direction des routes du département de l'Aude a rendu un avis favorable sur ce sujet. Dès lors et contrairement aux allégations non étayées de la société de distribution du Languedoc, les seules circonstances que le pétitionnaire n'ait pas précisé à la Commission nationale d'aménagement commercial le financement et les délais de réalisation de l'aménagement public modeste induit par le déplacement d'accès ou que l'arrêté contesté n'indique pas la nature du dispositif encadrant notamment ce financement, ne permettent pas, en elles-mêmes, de mettre en doute sa réalisation.
10. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire fixé par l'article L. 752-6 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation qu'il mentionne.
S'agissant de l'objectif de développement durable :
11. Si la société de distribution du Languedoc critique l'importance des surfaces imperméabilisées du projet en général, il ressort toutefois des pièces du dossier que les espaces perméables représenteront 31 % de l'unité foncière après projet contre 17 % en l'état initial du site. Il ressort également des pièces du dossier qu'afin de réduire l'imperméabilisation des sols, le parc de stationnement doit comprendre 80 places en pavés drainants permettant l'infiltration sur un total de 84 places, représentant une surface de 684 m² et que la surface des espaces verts de pleine terre doit être portée de 7 % à 22 % de la même unité foncière. La société requérante ne peut valablement soutenir que les places perméables prévues seraient en nombre insuffisant alors que celles-ci représentent la presque totalité du parc de stationnement. Enfin, les dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme ne peuvent être utilement invoquées dès lors qu'elles ne sont pas opposables à l'arrêté attaqué en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
12. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la plantation sur le site de près de 60 arbres, de 102 arbustes et de 252 plantes arbustives de massifs et vivaces. Il est également prévu la mise en place d'un bardage en bois à claire-voie sur la façade nord, la réalisation d'une façade végétalisée et d'une toiture à double pente en tuiles canal en harmonie avec les toitures avoisinantes. Dans ces conditions, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'insertion paysagère et architecturale du projet ne serait pas particulièrement soignée.
13. Si la société requérante invoque également les nuisances causées à des maisons individuelles qui seraient accolées au projet, elle s'abstient d'en indiquer la nature et n'assortit ainsi pas cet argument de précisions suffisantes.
14. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif de développement durable fixé par l'article L. 752-6 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation qu'il mentionne.
S'agissant de l'objectif de protection des consommateurs :
15. En vertu du règlement du plan de prévention des risques littoraux et d'inondation du bassin versant de la Berre, approuvé par arrêté du préfet de l'Aude le 4 août 2017, dont le périmètre comprend la commune de Sigean, la zone Ri 2 dans laquelle s'implante pour partie le projet en litige est relative aux secteurs situés dans la zone d'urbanisation continue soumis à un aléa modéré (hauteur d'eau inférieure à 0,50 mètre). Ce même plan délimite une zone Ri 4, constituée des secteurs situés dans la zone d'urbanisation continue dite hydrogéomorphologique potentiellement inondable.
16. Il est constant que le site d'implantation du projet est situé à la confluence de deux zones à risque de type Ri 2 et Ri 4 identifiées par le plan de prévention des risques littoraux et d'inondation de la Berre cité au point précédent. Il ressort cependant des pièces du dossier que la société pétitionnaire a pris en compte le risque d'inondation auquel ce site est exposé, en faisant réaliser une étude, complétée par une note hydraulique jointe au dossier de demande qui a préconisé d'implanter les aires bâties du projet au-dessus de la cote des plus hautes eaux, le plancher étant calé à la cote de 9,70 mètres par référence au nivellement général de la France (NGF), afin de prévenir ce risque. La société requérante n'établit, par aucun élément, le caractère insuffisant de ces mesures en se bornant à alléguer que le parc de stationnement et les voies de desserte ne seront pas situés au-dessus des plus hautes eaux, alors que cette allégation se trouve infirmée par la note hydraulique précitée jointe au dossier de demande.
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des objectifs et critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.
En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale du Grand Narbonne :
18. Il résulte du I de l'article L. 752-6 du code de commerce que l'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 de ce code doit être compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.
19. En se bornant à invoquer le déplacement du magasin Lidl à proximité immédiate d'un ensemble commercial démesuré ainsi que le déséquilibre commercial induit, la société de distribution du Languedoc n'établit pas en quoi l'unique projet litigieux soumis à l'examen de la Commission nationale d'aménagement commercial, qui consiste en un transfert d'un magasin existant sur une friche commerciale accompagné d'une extension limitée de surface de vente qui sera portée de 973 m² à 1 375 m² et s'inscrit dans la continuité du tissu urbain de Sigean, serait incompatible avec l'un des objectifs du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Grand Narbonne visant au renforcement des espaces économiques des pôles secondaires, dans une logique d'équilibre territorial. Par ailleurs, le projet, qui réduit l'imperméabilisation du site d'implantation, est compatible avec les prescriptions et objectifs du document d'orientation et d'objectifs du schéma relatifs à la limitation de l'imperméabilisation des sols, alors qu'ainsi qu'il a été dit, la requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale du Grand Narbonne doit être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas entaché d'illégalité. Par voie de conséquence, le maire de Sigean a pu légalement accorder à la société Lidl le permis de construire en litige valant autorisation d'exploitation commerciale.
21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société de distribution du Languedoc n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le maire de Sigean a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale au profit de la société Lidl portant sur un supermarché d'une surface de plancher de 2 308 m², situé 88 bis avenue de Port-la-Nouvelle.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sigean, de la société Lidl et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes à la présente instance, une quelconque somme demandée par la société de distribution du Languedoc au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société requérante le versement à la commune de Sigean et à la société Lidl, respectivement, d'une somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société de distribution du Languedoc (Sodilang) est rejetée.
Article 2 : La société de distribution du Languedoc versera à la société Lidl une somme de 2 000 euros et à la commune de Sigean une même somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée de distribution du Languedoc, à la société en nom collectif Lidl, à la commune de Sigean, et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
Le rapporteur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00818