Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 mai 2024 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et l'interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2403260 du 20 décembre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet du Tarn du 14 mai 2024, a enjoint au préfet du Tarn de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et dans l'attente de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2022, le préfet du Tarn demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande de M. B... ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le comportement de l'intimé ne constituait pas une menace grave pour l'ordre public ;
- il n'est pas porté, dans les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- par ailleurs, aucun des moyens soulevés par l'intéressé à l'appui de sa demande n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2025, M. B..., représenté par Me Cohen, conclut au rejet de la requête et à ce que l'État lui verse une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, est entré en France le 13 décembre 2005. À compter du 29 novembre 2007, il a bénéficié du statut de réfugié. Cependant, par une décision du 12 février 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 1er octobre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile, son statut de réfugié lui a été retiré au motif qu'il était détenteur d'un passeport international russe. Le 26 mai 2023, M. B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de réfugié. Par un arrêté du 15 mai 2024, le préfet du Tarn a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
2. Le préfet du Tarn relève appel du jugement du 20 décembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté précité, a enjoint au préfet du Tarn de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et dans l'attente de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
3. Aux termes de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le renouvellement de la carte de résident peut être refusé à tout étranger lorsque : / 1° Sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... a été interpellé, le 8 février 2015, pour des faits d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et de financement d'entreprise terroriste et a été mis en cause pour ces faits, et placé sous contrôle judiciaire, celui-ci a été levé le 14 juin 2022, avant que ne soit prise une ordonnance de non-lieu, le 2 septembre 2022, par la vice-présidente chargée de l'instruction du tribunal judiciaire de Paris. En conséquence et en l'absence de tout autre document de nature à établir ces faits, qui ont été contestés en première instance et le sont toujours en appel, ils ne sauraient être regardés comme établis. Par conséquent, et alors même que le préfet n'est pas démenti lorsqu'il expose que l'intéressé a été mis en cause pour un délit routier le 4 avril 2024, ce seul élément n'est pas suffisant pour établir la réalité et l'actualité de la menace pour l'ordre public que représenterait sa présence sur le territoire français.
5. Par ailleurs, M. B..., qui est né en 1981, est entré sur le territoire français le 13 décembre 2005. Il est marié depuis le 4 avril 2005 à une compatriote titulaire d'une carte de résidente valable jusqu'au 28 novembre 2027 et est père de cinq enfants, dont trois mineurs à la date de la décision attaquée. L'intéressé justifie par ailleurs avoir travaillé en intérim en qualité de manœuvre entre mai 2019 et août 2021, puis régulièrement en qualité d'ouvrier horticole depuis octobre 2021 et jusqu'au mois de mai 2024.
6. Il résulte de ce qui a été exposé aux deux points précédents que le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et par suite méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Tarn n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 mai 2024 par lequel ce même préfet a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Tarn est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et M. A... B....
Copie en sera adressé au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 25TL00057