Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A..., épouse F..., et M. B... F..., par deux recours distincts, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions implicites de refus du préfet de Vaucluse, nées du silence gardé pendant quatre mois sur leurs demandes de délivrance de certificats de résidence.
Par un jugement nos 2203923, 2203924 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 avril et 1er juillet 2024, Mme A..., épouse F..., et M. F..., représentés par Me Deleau, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 8 février 2024 ;
2°) d'annuler les décisions implicites de refus du préfet de Vaucluse, nées du silence gardé pendant quatre mois sur leurs demandes de délivrance d'un certificat de résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de leur délivrer, à chacun, un certificat de résidence d'une durée d'un an ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
-elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs situations personnelles et des conséquences qu'elles emportent sur leurs situations ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur dite " circulaire Valls ".
Mme A..., épouse F..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2024. La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. F... a été rejetée par une décision du même jour.
Par ordonnance du 7 mai 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., épouse F..., et M. F..., ressortissants algériens nés respectivement le 24 septembre 1968 et le 3 décembre 1970, sont entrés en France le 28 février 2017 accompagnés de leurs trois enfants nés en Algérie en 2005 et en 2010. Ils déclarent s'être maintenus depuis lors sur le territoire national, malgré des décisions d'éloignement prises à leur encontre. Par deux courriers du 30 mars 2022, ils ont sollicité auprès du préfet de Vaucluse, qui en a accusé réception le 1er avril 2022, la délivrance de certificats de résidence portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. Des décisions implicites de rejet sont nées du silence gardé par le préfet pendant plus de quatre mois sur leurs demandes, en vertu des dispositions des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
2. Mme A..., épouse F..., et M. F... relèvent appel du jugement du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet nées le 1er août 2023.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
4. Mme A..., épouse F..., et M. F... soutiennent qu'ils sont entrés en France le 28 février 2017 accompagnés de leurs trois enfants mineurs, nés en Algérie en 2005 et 2010, et qu'ils se maintiennent sur le territoire français depuis lors. Il ressort des pièces du dossier que l'une des filles du couple est scolarisée en France depuis 2016 et que leurs deux autres enfants y sont scolarisés depuis 2017. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que si, à la date des décisions contestées, les intéressés sont présents sur le territoire français depuis plus de cinq ans, la durée de leur séjour n'est due qu'au temps nécessaire à l'instruction de leurs précédentes demandes d'admission au séjour et au fait qu'ils n'ont pas déféré aux mesures d'éloignement prises à leur encontre le 20 septembre 2019. Par ailleurs, les circonstances que M. F... bénéficie d'une promesse d'embauche, qu'il soit bénévole au sein de plusieurs associations et que Mme A..., épouse F..., justifie d'un niveau B1 en langue française ne sont pas, à elle seules, de nature à attester de leur bonne intégration sur le territoire français. De surcroît, s'il est établi que la jeune C... souffre d'une déficience intellectuelle légère consécutive à une épilepsie déséquilibrée, les documents médicaux produits ne permettent pas d'établir que l'état de santé de celle-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, en tout état de cause, que les soins dont elle bénéficie en France ne sont pas disponibles en Algérie. Enfin, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine des appelants où il n'est pas établi que leurs enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité et où les intéressés n'établissent pas être dépourvus de liens personnels et familiaux. Dans ces conditions, le préfet de Vaucluse ne peut être regardé comme ayant porté aux droits de Mme A..., épouse F..., et de M. F... au respect de leurs vies privées et familiales une atteinte manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, rien ne fait obstacle à ce que les enfants de Mme A..., épouse F..., et de M. F... poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine, alors par ailleurs qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la jeune C... ne pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé en Algérie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. En troisième lieu, les appelants, qui ne détiennent aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, ne peuvent utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., épouse F..., et M. F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A..., épouse F..., et de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., épouse F..., à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24TL00880