Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2024 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2400900 du 14 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a renvoyé à une formation collégiale sa demande en tant qu'elle portait sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et a rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 19 mars 2024, le 23 août 2024 et le 26 mars 2025, M. C..., représenté par Me Rosello puis par Me Belaïche, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2024 du tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il rejette sa demande portant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2024 du préfet du Gard en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à venir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à venir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps nécessaire au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la mesure d'éloignement prononcée à son encontre a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- ainsi, la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, alors que son titre de séjour était renouvelable de plein droit en vertu des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- en outre, la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle ne fait pas mention de l'ensemble des faits relatifs à sa situation personnelle ayant pu influer sur la mesure ;
- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis plus de 20 ans.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour sont irrecevables et que s'ils devaient être accueillis, sont infondés et que les autres moyens soulevés par l'appelant sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder,
- et les observations de Me Belaïche pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain, déclare être entré sur le territoire français le 27 août 1991 au titre du regroupement familial. Il a bénéficié d'une carte de résident à partir de 1993, renouvelée deux fois, en 2003 et en 2013. Par un arrêté du 8 janvier 2024, le préfet du Gard a rejeté sa demande de renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
2. M. C... relève appel du jugement du 14 mars 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant que celui-ci porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi et a renvoyé à une formation collégiale du tribunal administratif de Nîmes les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2024 par laquelle le préfet du Gard a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... ainsi que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative y afférentes.
3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...) ".
4. Il est constant que M. C..., arrivé en France le 27 août 1991 à l'âge de 17 ans, a bénéficié d'une carte de résident de dix ans valide du 30 mars 1993 au 29 mars 2003 renouvelée une première fois ans entre le 30 mars 2003 et le 29 mars 2013 et une seconde fois entre le 30 mars 2013 et le 29 mars 2023. Dès lors, alors même que le comportement de l'appelant représenterait une menace pour l'ordre public de par les condamnations pénales dont il a fait l'objet notamment pour agression sexuelle, agression sexuelle sur mineur de 15 ans, violences volontaires aggravées et vols, il satisfait à la condition d'une résidence régulière sur le territoire français depuis plus de 20 ans et se trouve ainsi bénéficiaire d'une protection au titre du 4° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, quelle que soit la menace à l'ordre public qu'il représente, celle-ci ne pouvant être prise en compte que dans le cadre d'une procédure d'expulsion. Par suite, en prononçant à son égard une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Gard a commis une erreur de droit et a méconnu les dispositions précitées.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. C... doit être annulée. Cette annulation entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision fixant un délai de trente jours et de celle fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
7. Le motif d'annulation retenu par le présent arrêt implique uniquement qu'il soit enjoint au préfet du Gard de réexaminer la demande présentée par M. C... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente. Un tel réexamen devra avoir lieu dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 8 janvier 2024 par lequel le préfet du Gard a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et le jugement n° 2400900 du tribunal administratif de Nîmes du 14 mars 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Raphaël Belaïche et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-Bèthbéder
Le président-assesseur,
N. Lafon
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 24TL00693 2