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03/07/2025 | FRANCE | N°23TL02728

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 03 juillet 2025, 23TL02728


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... F... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés du 15 février 2023, par lesquels la préfète du Gard, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Gard.
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Par un jugement n° 2300583 du 21 février 2023, le président du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés du 15 février 2023, par lesquels la préfète du Gard, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Gard.

Par un jugement n° 2300583 du 21 février 2023, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2023 du président du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler ces arrêtés pris par la préfète du Gard le 15 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 par jour de retard, en le munissant, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet du Gard de justifier de l'effacement de l'interdiction de retour dans le fichier système d'information Schengen dans les quinze jours de la demande qui lui sera faite, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'ensemble des décisions attaquées :

- les arrêtés ont été pris par une autorité incompétente pour ce faire dès lors que la délégation de signature produite par le préfet a été irrégulièrement publiée et n'était pas opposable ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle et s'est notamment abstenu d'examiner sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation sur l'existence d'un risque de fuite dès lors qu'il a présenté une demande de titre de séjour et dispose de garanties de représentation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale car fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale car fondée sur des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire elles-mêmes illégales ;

- la durée de deux ans est disproportionnée compte-tenu de sa situation personnelle ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- la décision est illégale car fondée sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 2 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2024.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fougères,

- et les observations de Me Tercero, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant sénégalais entré en France irrégulièrement en 2016, selon ses déclarations, à l'âge de trente-sept ans, relève appel du jugement du 21 février 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2023 par lequel la préfète du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ainsi que de l'arrêté du même jour par lequel la préfète du Gard a ordonné son assignation à résidence dans le département du Gard.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur des décisions attaquées :

2. Les arrêtés attaqués ont été signés par Mme D... B..., adjointe à la directrice du service des migrations et de l'intégration et cheffe du bureau de l'éloignement et de l'asile de la préfecture du Gard, qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté n° 30-2023-01-23-00003 du 23 janvier 2023, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 30-2023-12 du même jour à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice du service des migrations et de l'intégration, toutes décisions relevant des attributions de sa direction, en particulier les arrêtés d'obligation de quitter le territoire, d'interdiction de retour et d'assignation à résidence. Il ressort des pièces du dossier que cet arrêté, dont les termes sont repris à l'identique au sein du recueil des actes administratifs, comporte la signature manuscrite de la préfète du Gard. Eu égard à la finalité de la publication de l'acte au recueil des actes administratifs, laquelle a seulement pour objet de donner date certaine à l'arrêté publié, la circonstance que l'acte publié au recueil comporte exclusivement la mention " signé " et non la signature manuscrite ou électronique de la préfète n'est pas de nature à rendre irrégulière cette publication. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.

En ce qui concerne la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres éléments du dossier que la préfète du Gard aurait procédé à un examen insuffisamment circonstancié de la situation personnelle de M. C.... En particulier, si celui-ci soutient que la préfète aurait dû examiner la demande d'admission exceptionnelle qu'il lui avait soumise, il ne verse au dossier aucun élément de nature à démontrer le dépôt d'une telle demande antérieurement à la décision attaquée.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. C... soutient avoir le centre de ses intérêts privés et familiaux en France dès lors qu'il y réside de manière continue depuis 2016, qu'il y a noué de nombreuses relations amicales, qu'il y a travaillé sur des chantiers participatifs et en qualité d'aide à domicile, et qu'il dispose d'une promesse d'embauche d'une entreprise dans le secteur du bâtiment. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'appelant, qui avait d'ailleurs déclaré lors d'un précédent contrôle d'identité au début de l'année 2019 être entré en France pour la dernière fois en septembre 2018, ne justifie d'une résidence habituelle sur le territoire qu'à compter du début de l'année 2019, soit seulement quatre ans à la date de la décision attaquée. En outre, M. C... est célibataire, sans charge de famille, ne dispose en France ni d'attache familiale ni de logement stable, et n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu trente ans au moins et où résident les membres de sa famille. Enfin, M. C..., qui ne justifie pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 4 janvier 2019 par la préfecture de l'Hérault et n'a pas respecté les obligations de pointage alors prévues dans le cadre de son assignation à résidence. Dès lors, en dépit de l'intensité de ses attaches amicales et de sa volonté d'insertion professionnelle sur le territoire, la préfète du Gard, en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision refusant à M. C... un délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3°Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

7. M. C... est entré irrégulièrement sur le territoire français et, ainsi que dit précédemment, ne justifie pas avoir déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture du Gard antérieurement à la décision attaquée. En outre, l'intéressé s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 4 janvier 2019, et a déclaré lors de son audition par les services de police qu'il n'accepterait pas de nouvelle mesure d'éloignement. Ainsi, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la préfète du Gard a considéré qu'il entrait dans le champ des dispositions précitées du 1°, 4° et 5° et que le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la décision justifiait légalement de lui refuser un délai de départ volontaire. Dès lors, la circonstance qu'il disposerait de garanties de représentation au sens du 8° de cet article, à la supposer avérée, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, qui n'est pas fondée sur cette disposition.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision interdisant à M. C... le retour sur le territoire français :

8. En premier lieu, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français, ne peut qu'être écartée.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. Eu égard à la présence encore récente de M. C... en France, à l'absence de toute attache familiale sur le territoire, aux conditions de son séjour en France et à la circonstance qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfète du Gard a pu décider, alors même que sa présence ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination et ordonnant l'assignation à résidence de M. C... :

11. L'illégalité de la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre les décisions fixant le pays à destination duquel M. C... pourra être éloigné et ordonnant son assignation à résidence dans le département du Gard, ne peut qu'être écartée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent jugement, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. C... la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Nicolas Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.

La rapporteure,

A. Fougères

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02728
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Aurore Fougères
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : TERCERO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;23tl02728 ?
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