Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière KSA a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le maire de Baillargues a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier de huit logements et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 21 mars 2022.
Par un jugement n° 2202609 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté et la décision implicite de rejet du recours gracieux, a enjoint au maire de Baillargues de délivrer le permis de construire sollicité à la société KSA dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de la commune de Baillargues une somme de 1 500 euros à verser à la société KSA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2024, la commune de Baillargues, représentée par Me Hemeury, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société KSA devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de la société KSA une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a pris en compte des pièces non déposées auprès de l'autorité compétente pour censurer le motif tiré du non-respect par le projet en litige de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté attaqué a été signé par une personne ayant compétence à cet effet ;
- le projet méconnaît l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme et la jurisprudence Thalamy dès lors que le plan de masse fourni ne montre pas les constructions réellement présentes sur la parcelle cadastrée section AM n° 314, et notamment une pergola, la transformation de la villa existante en résidence d'affaires et touristique et l'absence d'indication de démolition d'un local technique ;
- le projet ne respecte pas l'article 1UD4 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne prévoit pas un dispositif approprié permettant l'évacuation directe et sans stagnation des eaux pluviales vers un déversoir désigné à cet effet ;
- le projet méconnaît l'article 1UD6 du même règlement dès lors qu'il n'est implanté ni en limite séparative, ni à 5 mètres de l'alignement de la rue Marcellin Albert ;
- le projet méconnaît l'article 1UD12 de ce règlement dès lors que la parcelle cadastrée section AM n° 314 n'est pas traversante, la configuration des places numérotées 6 et 7 ne permet pas aux véhicules stationnés sur ces places de faire demi-tour, une fois le portail et/ou le portillon situés sur la rue Marcellin Albert ouverts, la place numérotée 2 n'est plus accessible et la place numérotée 21 ne propose pas la surface de 12,5 m² règlementairement exigée, tout comme la place réservée aux personnes à mobilité réduite numérotée 22 inférieure à 16,5 m².
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2024, la société civile immobilière KSA, représentée par Me Latapie, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2021 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 21 mars 2022, à ce qu'il soit enjoint au maire de Baillargues de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Baillargues une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est régulier ;
- les moyens soulevés et les substitutions de motifs demandées par la commune de Baillargues ne sont pas fondés ;
Par ordonnance du 29 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Hemeury, représentant la commune de Baillargues,
- et les observations de Me Latapie, représentant la société KSA.
Considérant ce qui suit :
1. La société KSA est propriétaire des parcelles cadastrées section AM n° 314 et n° 315 sur la commune de Baillargues (Hérault), rue Jean Baptiste Calvignac. Elle a déposé le 5 juillet 2021 un dossier de permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier de huit logements collectifs sur ces parcelles. Par un arrêté du 18 novembre 2021, le maire de Baillargues a refusé de lui délivrer le permis sollicité. Par jugement du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Montpellier a, sur la demande de la société pétitionnaire, annulé cet arrêté et la décision implicite de rejet du recours gracieux, a enjoint au maire de Baillargues de délivrer le permis de construire sollicité à la société KSA dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de la commune de Baillargues une somme de 1 500 euros à verser à la société KSA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la présente requête, la commune de Baillargues relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la commune appelante soutient que le tribunal administratif s'est fondé sur des pièces produites dans l'instance mais non déposées auprès de l'autorité compétente dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire en litige pour écarter le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1UD6 du règlement du plan local d'urbanisme, une telle contestation relève du bien-fondé du jugement en litige et non de sa régularité. Par suite, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par le tribunal :
3. En l'espèce, pour annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 du maire de Baillargues, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que le motif initial de refus du permis de construire en litige, tenant à la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme en ce que le plan de masse ne correspond pas aux constructions existantes sur la parcelle cadastrée section AM n° 314, était entaché d'illégalité. Il a, de même, considéré que les demandes de substitution de motifs présentées par la commune de Baillargues, tirées de la méconnaissance par le projet des dispositions des articles 1UD3 du règlement du plan local d'urbanisme quant aux accès, de l'article 1UD4 du même règlement quant à la gestion des eaux pluviales, de l'article 1UD6 de ce règlement quant à l'implantation par rapport aux voies et emprises publiques, de l'article 1UD12 du même règlement quant aux places de stationnement et de l'article 1UD11 dudit règlement quant à l'aspect extérieur des constructions n'étaient pas fondées.
4. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ".
5. Pour refuser le permis de construire en litige, le maire de Baillargues a estimé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme dès lors que les constructions existantes représentées sur le plan de masse fourni ne correspondent pas aux constructions existantes réellement présentes sur la parcelle cadastrée section AM n° 314.
6. En l'espèce, la commune n'établit pas, par les pièces qu'elle produit et qui sont postérieures à la date d'édiction du refus de permis de construire en litige, que la construction située à l'angle sud-ouest de la parcelle cadastrée section AM n° 314, laquelle présente au demeurant un caractère temporaire et démontable, était présente à la date d'édiction du refus de permis de construire en litige. Ces mêmes éléments produits par la commune ne permettent pas non plus d'établir que l'ensemble immobilier de cinq logements présents sur la parcelle cadastrée section AM n° 314 aurait fait l'objet d'un changement de destination à la date d'édiction du refus de permis de construire en litige. Enfin, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le local technique accueillant l'arrivée des différents réseaux indiqué au niveau de la parcelle cadastrée section AM n°315 sur le plan de masse de constructions existantes n'empêche pas la réalisation du projet. Par suite, le maire ne pouvait pas légalement opposer à la société KSA le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme.
7. Par ailleurs, la commune de Baillargues précise tant en première instance qu'en appel qu'une construction non autorisée située à l'angle sud-ouest de la parcelle cadastrée section AM n° 314 n'apparaît pas sur le plan de masse contrairement aux constatations numériques réalisées, que la modification de la destination des cinq logements conservés sur cette même parcelle en résidence d'affaires et touristique n'avait pas été déclarée et qu'un local technique accueillant l'arrivée des différents réseaux n'était pas indiqué alors que son emplacement sur la parcelle cadastrée section AM n° 315 empêche la réalisation du projet de huit nouveaux logements. A supposer qu'elle ait ainsi entendu opposer à la société KSA le fait qu'elle aurait dû déposer une demande de permis de construire portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment présent sur la parcelle cadastrée section AM n° 314, le maire de Baillargues ne pouvait légalement opposer un tel motif pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point précédent du présent arrêt.
8. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. La commune de Baillargues fait valoir en appel que le refus de permis de construire litigieux pouvait trouver son fondement dans les dispositions de l'article 1UD4 du règlement du plan local d'urbanisme quant à la gestion des eaux pluviales, de l'article 1UD6 du même règlement quant à l'implantation par rapport aux voies et emprises publiques et de l'article 1UD12 de ce règlement quant aux places de stationnement.
10. Aux termes des dispositions de l'article 1UD4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Baillargues, applicables à la zone 1UD dans laquelle se situe le projet en litige, relatives à la gestion des eaux pluviales : " Les eaux pluviales de toute construction ou installation nouvelle ainsi que de toute réhabilitation devront être raccordées au réseau d'eaux pluviales s'il est existant et suffisant. En l'absence d'un réseau d'eaux pluviales, le constructeur devra réaliser sur son terrain et à sa charge, des dispositifs appropriés et proportionnés permettant l'évacuation directe et sans stagnation des eaux pluviales vers un déversoir désigné à cet effet. Ces aménagements ne doivent pas faire obstacles au libre écoulement des eaux de ruissellement conformément aux dispositions du code civil. ".
11. Il est tout d'abord constant qu'il n'existe pas de réseau d'eaux pluviales permettant le raccordement du projet en litige. Il ressort ensuite des pièces du dossier que la notice descriptive du projet, y compris sa version modifiée en août 2021, prévoit que les eaux de pluie seront laissées en ruissellement naturel vers la rue Marcellin Albert, permettant l'évacuation directe des eaux pluviales sans stagnation. Alors que le projet imperméabilise une partie de la parcelle cadastrée section AM n°315, ce dernier ne peut être regardé comme comportant un dispositif approprié et proportionné permettant l'évacuation directe et sans stagnation des eaux pluviales vers un déversoir désigné à cet effet au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1UD4 précité du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort en outre des pièces du dossier que les services de Montpellier Méditerranée Métropole, compétents notamment en matière d'assainissement pluvial, ont émis un avis défavorable au projet en précisant que l'aspect de compensation n'est pas étudié, qu'il est nécessaire de prévoir une telle compensation sur la base de 120 litres par mètre carré imperméabilisé et que le principe du rejet sur la voirie n'est acceptable en l'état que si un système de compensation est proposé. Par ailleurs, la circonstance que, postérieurement à la date d'édiction de l'arrêté en litige, la société KSA ait modifié son projet pour y inclure un dispositif de rétention des eaux pluviales en toiture est sans incidence sur la légalité de ce dernier. Enfin, la société pétitionnaire ne peut utilement soutenir que le maire de Baillargues pouvait lui délivrer le permis sollicité en l'assortissant d'une prescription permettant de rendre le projet conforme aux dispositions de l'article 1UD4 du plan local d'urbanisme. Par suite, le projet en litige méconnaît ces dispositions. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le maire aurait pris la même décision de refus sur la demande de permis de construire s'il s'était initialement fondé sur ce motif, lequel suffisait à justifier légalement ledit refus. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres demandes de substitution de motif, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par la commune appelante, laquelle n'a pour effet de priver le pétitionnaire d'aucune garantie procédurale.
12. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'intimée, tant en première instance qu'en appel, au soutien de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par l'intimée :
13. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé, pour le maire de Baillargues, par M. B... A..., quatrième adjoint, qui bénéficiait d'une délégation de signature consentie à cet effet en vertu d'un arrêté du maire du 10 juin 2020 régulièrement affiché le 11 juin 2020 et reçu en préfecture le même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...). ". Aux termes de l'article A. 424-1 du même code : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté. ". Aux termes de l'article A. 424-4 du même code : " (...) l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...) ".
15. Contrairement à ce que soutient la société intimée, la circonstance que la commune de Baillargues demande en cours d'instance devant le tribunal administratif de Montpellier une substitution de motif, comme il lui est loisible de le faire ainsi qu'il a été rappelé au point 8 du présent arrêt, ne saurait caractériser un défaut de motivation de la décision attaquée.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Baillargues est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel elle a refusé de délivrer à la société KSA un permis de construire et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 21 mars 2022, lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité à la société KSA dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la société KSA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Baillargues, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société KSA une somme quelconque à verser à la commune appelante au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202609 du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société KSA devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Baillargues sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière KSA et à la commune de Baillargues.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24TL02146