Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ainsi que la décision du 27 juillet 2022 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2206133 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Badji Ouali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 du préfet de l'Hérault, ensemble la décision du 27 juillet 2022 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou de l'article 7. b) du même accord dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande de titre de séjour sur le fondement des mêmes stipulations et dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en contrepartie de son désistement à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant que l'arrêté était suffisamment motivé alors que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée dès lors notamment que la simple mention du fichier des traitements d'antécédents judiciaires n'est pas de nature à caractériser une menace à l'ordre public ;
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a été relaxé des faits de violence dont il était accusé ;
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un certificat de résidence sur ce fondement ;
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ce que l'arrêté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2025, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
La clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Des pièces, produites par M. A..., représenté par Me Badji Ouali, ont été enregistrées le 10 juin 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision modificative du 4 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 20 septembre 1989, est entré sur le territoire français le 15 décembre 2021 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 15 décembre 2021 au 11 juin 2022. L'intéressé a sollicité le 13 janvier 2022 la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de français. Par arrêté du 1er juillet 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par décision du 27 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté son recours gracieux. Par la présente requête, M. A... fait appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ensemble la décision du 27 juillet 2022 rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule que : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2) au ressortissant algérien, marié à un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". L'article L. 432-1 du même code dispose que : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". L'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que pour refuser de délivrer un certificat de résidence algérien à M. A... en qualité de conjoint d'une personne de nationalité française, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur les dispositions précitées des articles L. 412-5 et L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après avoir relevé que l'intéressé a été entendu le 8 mars 2022 dans le cadre d'une procédure de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. A... a déposé plainte auprès des services de police le 14 février 2022 en dénonçant un comportement violent de son conjoint et en produisant un certificat médical décrivant un hématome à la main gauche à l'origine d'une interruption temporaire de travail d'un jour. Toutefois, à l'exception de ce certificat médical et du dépôt de plainte de l'épouse de M. A... et alors que l'intéressé a d'ailleurs été relaxé des faits qui lui étaient reprochés par un jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Montpellier du 8 février 2023, il ne ressort d'aucune autre pièce du dossier que la présence en France de l'appelant pouvait être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public. Il s'ensuit que M. A... est fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que sa présence sur le territoire français constituait une menace à l'ordre public pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en application des dispositions précitées des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de refus de titre de séjour du 1er juillet 2022 doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination ainsi que la décision du 27 juillet 2022 rejetant son recours gracieux.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêté n'implique pas nécessairement, compte tenu de ses motifs, que le préfet de l'Hérault délivré à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". En revanche, il implique nécessairement que le préfet procède au réexamen de la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui délivre sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais lié au litige :
7. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Badji Ouali au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 1er juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à M. A... un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination, la décision du 22 juillet 2022 rejetant le recours gracieux de M. A... et le jugement n° 2206133 du 31 janvier 2023 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise, sous quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Badji Ouali la somme de 1 200 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Badji Ouali, au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Jazeron, premier conseiller,
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
L'assesseur le plus ancien,
F. Jazeron La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 23TL02556