Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a, le 8 août 2022 rejeté son recours gracieux du 7 avril 2022 dirigé contre l'arrêté du 3 février 2022 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2204157 du 10 novembre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Balg, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet par le préfet de la Haute-Garonne le 8 août 2022, de son recours gracieux du 7 avril 2022 dirigé contre l'arrêté du 3 février 2022.
3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- la décision de rejet de son recours gracieux ne saurait être considérée comme étant purement confirmative de l'arrêté du 3 février 2022 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours dès lors qu'elle a porté à la connaissance du préfet, dans son recours gracieux du 7 avril 2022, un élément nouveau tenant au fait qu'elle était enceinte de six mois au jour dudit recours gracieux, ayant justifié cette circonstance par la production d'un certificat établi le 17 mai 2022 par son médecin traitant, indiquant par ailleurs qu'elle n'était pas en état de voyager ;
- en ce qui concerne la légalité externe, cette décision de rejet de son recours gracieux contestée est entachée d'un défaut d'examen effectif de sa situation en l'absence de prise en compte de son état de grossesse ;
- en ce qui concerne la légalité interne, la décision de rejet de son recours gracieux porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu du fait qu'elle vit en France depuis cinq ans, que son mari y est titulaire d'une carte de résident depuis février 2012, qu'il travaille en France sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, qu'il n'a pas la même nationalité qu'elle, ce qui fait obstacle à son éloignement ; la vie maritale avait par ailleurs commencé un an avant le mariage et leur enfant est née le 17 juillet 2022 en France ; si le préfet lui oppose une absence d'intégration particulière en France, elle a produit une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de Mme A....
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse C..., ressortissante algérienne née le 15 juillet 1998, est, selon ses déclarations, entrée en France le 7 septembre 2016 avec un visa touristique. Mme A... a sollicité, le 4 août 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 3 février 2022 , le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance du certificat de résidence sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... a formé, le 7 avril 2022, un recours gracieux à l'encontre de cette décision, reçu par le préfet le 8 avril 2022, qui a été implicitement rejeté.
2. Mme A... relève appel du jugement du 10 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 7 avril 2022.
3. En premier lieu, le préfet de la Haute-Garonne fait valoir que Mme A..., déjà enceinte à la date de l'arrêté du 3 février 2022, ne s'était pas prévalue de cette circonstance auprès de ses services. En admettant même que Mme A... ait justifié d'une circonstance nouvelle lorsqu'elle a indiqué qu'elle était enceinte dans son recours gracieux du 7 avril 2022, ce qui devrait faire regarder la décision implicite de rejet en litige comme n'étant pas purement confirmative de l'arrêté du 3 février 2022, il est constant qu'elle n'a pas, en tout état de cause, demandé au préfet la communication des motifs de cette décision implicite. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier du demandeur, soulevé à l'encontre de la décision implicite de rejet, doit être écarté.
4. En second lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., épouse C..., est entrée en France le 7 septembre 2016 munie d'un simple visa touristique et non d'un visa de long séjour. Si elle a épousé en France, le 12 juillet 2019, un ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident, elle a attendu le 4 août 2021, soit plus de deux ans après son mariage, pour chercher à régulariser sa situation en sollicitant son admission au séjour. Alors que son mariage était encore relativement récent à la date de la décision attaquée, elle ne démontre pas une intégration particulière sur le territoire français ni qu'elle serait isolée dans son pays d'origine où résident plusieurs membres de sa famille. Au demeurant, son mari, qui séjourne régulièrement en France où il travaille sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, est en droit d'initier une procédure de regroupement familial. Dans ces conditions, alors même que Mme A... a donné naissance à une enfant le 17 juillet 2022 en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de cette dernière à une vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MmeChehri épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL02910 2