Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Villeneuve-les-Béziers à leur verser la somme de 81 974,81 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis. La société Mutuelle Assurance Instituteurs France a demandé au tribunal administratif le remboursement de la somme de 13 670,10 euros correspondant aux frais et honoraires d'expertise qu'elle a acquittés pour le compte des deux autres appelants.
Par un jugement n° 2103511 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 août 2023, et deux mémoires, enregistrés les
20 et 22 novembre 2024 n'ayant pas été communiqués, Mme C..., M. E... et la société Mutuelle Assurance Instituteur France, représentés par Me Bertrand, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2023 ;
2°) de condamner la commune de Villeneuve-les-Béziers du fait de la carence fautive de son maire, au paiement, en réparation des préjudices subis, de la somme de 81 974,81 euros correspondant à la part de responsabilité de cette commune dans la réalisation du dommage ;
3°) de condamner cette commune à verser à la société Mutuelle Assurance Instituteur France les frais et honoraires de l'expertise judiciaire taxés et liquidés à la somme de 13 670,10 euros ;
4°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la faute du maire de la commune de Villeneuve-les-Béziers résulte de l'exécution tardive des prescriptions figurant dans son arrêté de péril imminent du 16 mars 2018, et engage la responsabilité de cette commune ; les travaux de sécurisation des immeubles n'ont, en effet, été réalisés que plus d'un an après le dégât des eaux survenu en mars 2018 ;
- la saisine d'un bureau d'études techniques par la commune, afin de définir les mesures provisoires prescrites par l'arrêté de péril imminent, n'est pas établie ; à la supposer établie, cette seule saisine ne peut suffire à exonérer la commune de sa responsabilité ;
- le lien de causalité entre la faute du maire et les préjudices qu'ils ont subis est établi ; la carence fautive du maire dans la réalisation des travaux de sécurisation a eu pour effet d'aggraver les désordres subis du fait de l'action des intempéries entre 2016 et 2019 ; la contribution de cette faute dans la réalisation du dommage peut être évaluée à 25 % selon le rapport d'expertise ;
- ils sont en droit de prétendre à une indemnité au titre des travaux de confortation et de reprise structurelle des immeubles, des travaux d'électricité et de peinture, et des travaux de reprise du sol de la chambre ;
- ils ont subi, pour la période du 5 mars 2018 au 2 décembre 2022, un préjudice de jouissance, un préjudice financier, résultant des dépenses occasionnées par leur déménagement à Vendres-Plage compte tenu du caractère inhabitable de leur habitation durant cette période, et un préjudice moral qui a également affecté leurs enfants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2024, la commune de Villeneuve-les-Béziers, représentée par Me Maillot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- dans l'exercice de ses pouvoirs de police, son maire n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; le maire a effectué les diligences qu'imposaient les prescriptions de l'arrêté du 16 mars 2018 dès lors qu'à sa demande, un bureau d'étude a visité les lieux le
31 mai 2018 mais n'a pas souhaité donner suite ; des visites sur les lieux ont ensuite été organisées les 28 et 30 novembre 2018 pour évaluer les travaux à réaliser avec la société Eiffage qui a remis une proposition le 11 décembre 2018, laquelle a été acceptée par son maire le 13 décembre 2018 ;
- à titre subsidiaire, à supposer que sa responsabilité pour faute puisse être recherchée, elle ne pourrait couvrir que la période commençant à la date d'expiration du délai d'un mois imparti au propriétaire pour exécuter les mesures provisoires, soit le 16 avril 2018, et s'achevant à la date de réalisation des travaux de mise en sécurité de l'immeuble, soit en mars 2019 ;
- les désordres affectant le mur mitoyen en litige résultent exclusivement de ses défaillances structurelles dès lors que ce mur, selon l'expertise, était non-conforme en raison d'une quantité de bois insuffisante ;
- s'agissant des autres préjudices financiers résultant de l'interdiction totale et immédiate des appelants d'habiter leur immeuble, cette indisponibilité a pour cause l'arrêté de péril imminent, et a pris fin avec l'arrêté de mainlevée du péril imminent le 17 avril 2019 consécutif à la réalisation des travaux de mise en sécurité ;
- le lien de causalité entre la prétendue carence du maire et le préjudice moral invoqué, n'est pas établi.
Par une ordonnance du 14 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 décembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Castagnigno, représentant la commune de Villeneuve-les-Béziers.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... et M. E... sont propriétaires d'un immeuble situé ... sur le territoire de la commune de Villeneuve-les-Béziers (Hérault). A la suite de la réalisation, en 2016, de travaux de dépose de la toiture de l'immeuble mitoyen, propriété de M. A..., située au
... de la même rue, des dégâts des eaux ont été constatés dans leur propriété. Puis, en mars 2018, des parties des murs de leur bâtiment et des bâtiments mitoyens se sont effondrés. Saisi par la commune de Villeneuve-les-Béziers, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert, qui, par un rapport du 16 mars 2018, a constaté un péril grave et imminent. Le 16 mars 2018, le maire de Villeneuve-les-Béziers a, sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, pris un arrêté de péril imminent qui a notamment prescrit à
M. A... de confier une étude de confortation de la maçonnerie de son bâtiment à un bureau d'étude technique aux fins d'envisager l'intervention rapide d'une entreprise qualifiée en travaux de sécurité et de confortation, et qu'à défaut d'exécution de ces mesures dans le délai d'un mois, il y serait procédé d'office et à ses frais par l'administration communale. Cet arrêté du 16 mars 2018 a également prescrit à l'encontre de Mme C... et de M. E... une interdiction totale et immédiate d'habiter leur immeuble. Mme C... et M. E... relèvent appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Villeneuve-les-Béziers à leur verser la somme de 81 974, 81 euros en réparation du quart des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la carence fautive du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police des immeubles menaçant ruine, laquelle carence a contribué selon eux à l'aggravation des désordres affectant leur immeuble. La société Mutuelle Assurance Instituteurs France relève, pour sa part, appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de remboursement des frais et honoraires d'expertise qu'elle a acquittés pour le compte des deux autres appelants.
Sur les conclusions en responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable du 1er octobre 2006 au 1er janvier 2021 : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. "
3. La responsabilité de la commune est engagée pour faute simple en cas de carence par son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police des édifices menaçant ruine.
4. L'article 2 de l'arrêté de péril imminent du 16 mars 2018 prévoit que faute pour le propriétaire visé d'avoir exécuté les mesures provisoires prescrites par cet arrêté dans le délai d'un mois, la commune de Villeneuve-les-Béziers y procéderait d'office aux frais de l'intéressé ou à ceux de ses ayants droit. Il résulte ainsi de l'article 2 de cet arrêté qu'en cas de défaillance de ce propriétaire, la commune serait tenue de procéder, en lieu et place de ce dernier, à ces mesures provisoires. Si cet article ne fixe aucun délai à la commune pour réaliser ces mesures, dans l'hypothèse où le propriétaire n'exécuterait pas ses obligations dans le délai qui lui était imparti, il résulte toutefois de l'arrêté de péril imminent du 16 mars 2018 que la sécurité publique était gravement menacée par l'état de l'immeuble situé ... à Villeneuve-les Béziers, et qu'il était ainsi urgent d'intervenir pour parer à tout risque. Compte tenu de ce contexte d'urgence, les mesures provisoires devaient, dès lors, être mises en œuvre à brève échéance, à compter du 16 avril 2018, par la commune à la suite de la défaillance du propriétaire constatée à cette date.
5. S'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'historique des événements contenu dans les rapports d'expertise du 31 janvier 2020 et du 29 mars 2021, que la commune de Villeneuve-les-Béziers a fait état, dans son courrier du 18 juillet 2018, de ce qu'elle serait dans l'attente des solutions techniques d'un bureau d'études techniques structure, cette dernière ne justifie cependant ni avoir effectivement saisi ce bureau d'étude ni des suites infructueuses de cette saisine. De plus, il résulte de l'instruction que par un arrêté du 13 décembre 2018, intervenu presque huit mois après le 16 avril 2018, le maire de Villeneuve-les-Béziers a décidé de confier la réalisation des prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence et faire cesser le péril à la société Eiffage et a accepté le devis de travaux proposé par cette entreprise. Compte tenu de l'imminence et de la gravité du péril qui imposaient, selon le rapport d'expertise du 13 mars 2018, d'intervenir en urgence pour y remédier, et alors que la commune ne justifie pas des raisons l'ayant empêchée d'agir plus tôt, ce délai de huit mois pris par cette commune avant d'engager les mesures provisoires prescrites par l'arrêté du 16 mars 2018 ne peut être regardé comme raisonnable mais présente, au contraire, un caractère excessivement long. En tardant ainsi à intervenir pour remédier à ce péril, malgré sa parfaite connaissance de l'urgence de la situation, le maire de Villeneuve-les-Béziers a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
6. Les appelants soutiennent que la tardiveté de l'intervention du maire a eu pour effet d'aggraver leurs préjudices et a concouru à leur réalisation à hauteur de 25 %. Si dans le rapport du 31 janvier 2020, l'expert indique que la prise en charge tardive, par la commune des travaux de stabilité des volumes sinistrés, aurait contribué à une aggravation de l'action des intempéries à hauteur de 25 %, il ne retient toutefois, dans son rapport du 29 mars 2021, plus aucune part de responsabilité de la commune de Villeneuve-les-Béziers dans la survenance du sinistre qu'il impute à 100 % au propriétaire de l'immeuble mitoyen de celui des appelants. De plus, il relève dans ce dernier rapport que le mur mitoyen appartenant à Mme C... est affecté d'une non-conformité et comporte une quantité de bois insuffisante à l'origine des dommages. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que la faute commise par le maire de Villeneuve-les-Béziers, du fait de son intervention tardive, aurait aggravé les préjudices subis par les appelants. Dès lors, faute d'établir le lien de causalité direct et certain entre cette faute et l'aggravation de leurs préjudices, les appelants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité pour faute de la commune de Villeneuve-les-Béziers et leurs conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande indemnitaire et de mise à la charge définitive de la commune de Villeneuve-les-Béziers les frais d'expertise.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villeneuve-les-Béziers qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les appelants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... et de M. E..., d'une part, et de la société Mutuelle assurance instituteurs France, d'autre part, la somme de 750 euros à verser à la commune de Villeneuve-les-Béziers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme C..., de M. E... et de la société Mutuelle assurance instituteurs France est rejetée.
Article 2 : Mme C... et M. E..., d'une part, et la société Mutuelle assurance instituteurs France, d'autre part, verseront à la commune de Villeneuve-les-Béziers une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à M. B... E..., à la société Mutuelle assurance instituteurs France et à la commune de Villeneuve-les-Béziers.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02093