Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Alpha services a formé devant le tribunal administratif de Nîmes un recours en contestation de la validité de la résiliation, à ses torts exclusifs, du lot
n° 4A " étanchéité " du marché public de construction de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " de demain " à Bédoin (Vaucluse) dont elle était titulaire, prononcée par une décision du 9 mars 2020 de la société Citadis, assistante à maîtrise d'ouvrage de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland. A ce titre, elle a demandé à ce tribunal administratif d'ordonner la reprise des relations contractuelles. Cette société a également demandé au tribunal administratif de fixer le décompte définitif du marché résilié à la somme de 272 025,94 euros hors taxes et de condamner l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland au paiement du solde du marché principal et de ses deux avenants pour un montant de 151 815,23 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts de retard à compter du 31 janvier 2020. Elle a enfin demandé au tribunal de condamner cet établissement à lui restituer les retenues de garantie d'un montant de 24 149,40 euros et, à titre subsidiaire, de modérer le montant total des pénalités de retard en les plafonnant à 10% du montant total du marché.
Par un jugement n° 2003469-2203663 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Nîmes a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Alpha services tendant à la reprise des relations contractuelles avec l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Bédoin. Il a condamné l'Établissement Albert Artilland à verser à la société Alpha services la somme de 175 967,63 euros au titre du solde du décompte général définitif du marché public correspondant au lot n° 4A " étanchéité ", assortie des intérêts moratoires à compter du 14 juillet 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland, représenté par Me Daumin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 juin 2023 en tant qu'il l'a condamné à verser à la société Alpha services la somme de 175 964,63 euros au titre du solde du décompte général définitif de son marché ;
2°) de fixer le décompte général définitif du marché résilié à la somme de 160 980,42 euros et le solde restant dû à la société Alpha services à la somme de 24 670,76 euros toutes taxes comprises ;
3°) de mettre à la charge de la société Alpha services la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions de la société Alpha services contestant la validité de la résiliation de son contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; ces conclusions étaient tardives dès lors que ce recours devait être formé dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision prononçant la résiliation du contrat lui avait été notifiée ;
- les pénalités de retard appliquées à la société Alpha services par le maître d'ouvrage délégué étaient justifiées tant dans leur montant de 160 201,91 euros que dans leurs modalités de calcul ; elles doivent ainsi être retranchées du décompte général du marché résilié ; dès lors, le solde du marché restant dû à la société Alpha services doit être ramené à la somme de 24 670,76 euros toutes taxes comprises.
Par un mémoire, enregistré le 7 février 2024, la société d'économie mixte Citadis, représentée par Me Tartanson, conclut :
1°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé le solde général et définitif du marché en tant qu'il a exclu du solde du marché la somme de 160 201,91 euros au titre des pénalités de retard appliquées à la société Alpha services ;
2°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Alpha services une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les pénalités de retard appliquées à la société Alpha services pour un montant de
160 201, 91 euros, doivent être portées au débit de cette société.
Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2024, la société Alpha services, représentée par Me Bergant, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé le solde du marché résilié à la somme de 175 964,43 euros et à ce que ce montant soit porté à la somme de 184 872,67 euros, toutes taxes comprises, à mettre à la charge de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland ;
3°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les pénalités de retard seraient inscrites au décompte général et définitif à son débit, à ce que le montant de ces pénalités n'excède pas 10 % du montant total du marché ;
4°) et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgée dépendantes Albert Artilland une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement, qui n'a pas omis de répondre sur la fin de non-recevoir opposée en défense, est régulier ;
- l'application des pénalités de retard n'est pas justifiée ni détaillée dans le décompte général, que ce soit dans leur principe ou leur montant ; les prétendus retards concernent le marché distinct correspondant au lot n° 4B portant sur la maison de santé ; les retards causés par les infiltrations ne lui sont pas imputables ;
- si des pénalités de retard devaient lui être appliquées, elles ne devraient pas excéder
10 % du montant du marché ; ces pénalités, d'un montant de 160 201,91 euros, qui représentent
63 % du montant du marché, présentent un caractère excessif.
Par une ordonnance du 28 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été reportée au
10 décembre 2024 à 12 heures.
Les parties ont été informées par lettre du 4 juin 2025 qu'en application de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, la cour est susceptible de relever d'office :
-l'irrecevabilité des conclusions de la société Citadis tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé le solde général et définitif du marché sans prendre en compte la somme de 160 201,91 euros au titre des pénalités de retard appliquées à la société Alpha services dès lors que n'ayant pas été condamnée par le jugement attaqué à verser une somme à la société Alpha services au titre du décompte général et définitif du marché, ses conclusions ne peuvent être qualifiées ni d'appel principal, ni d'appel incident ni d'appel provoqué ;
-l'irrecevabilité des conclusions de la société Alpha services tendant à la condamnation de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland à lui verser la somme de 184 872, 67 euros toutes taxes comprises, d'un montant supérieur à celui demandé en première instance de 175 964,63 euros toutes taxes comprises, qui présentent, dans cette mesure, un caractère nouveau.
Des réponses aux moyens relevés d'office ont été présentées le 6 juin 2025 pour la société Alpha services et pour la société Citadis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
-et les observations de Me Daumin, représentant L'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland et celles de Me Vouilloux représentant la société Alpha services.
Considérant ce qui suit :
1. L'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland et la commune de Bédoin (Vaucluse) ont lancé, en 2017, une procédure d'appel d'offres pour l'attribution des lots d'une opération conjointe de travaux portant sur la construction, sur le territoire de la commune, d'un nouvel établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dit " De demain " et d'une maison médicale. Par deux actes d'engagement signés le 18 septembre 2017, la société Citadis, maître d'ouvrage délégué de ces deux personnes publiques, a confié à la société Alpha services la réalisation des lots n° 4A et 4B relatifs aux travaux d'étanchéité de ces ouvrages, pour des montants initiaux de 252 800 euros hors taxes (opération 2886 Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " De demain ") et 18 200 euros hors taxes (opération 2887 Maison de santé de Bédoin). Après la découverte d'infiltrations en cours de chantier, la société Alpha Services a été mise en demeure par le maître d'ouvrage délégué d'y remédier à plusieurs reprises, et en dernier lieu le 19 février 2020 sous peine de voir les travaux de son lot n°4 A exécutés à ses frais et risques. Par une décision du 9 mars 2020, la société Citadis a prononcé la résiliation du marché aux frais et risques du titulaire en application de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux. Par un acte d'engagement signé le 6 juillet 2020 valant marché de substitution, la société Citadis a confié à la société GW Etanchéité les travaux nécessaires à la poursuite du lot n° 4A - étanchéité du futur établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " De Demain ". Par un courriel du 10 novembre 2020, la société Alpha services a notifié au maître d'œuvre ses projets de décomptes généraux de ses marchés avec, en ce qui concerne le lot n° 4A, un solde en sa faveur s'élevant à 151 815,23 euros toutes taxes comprises. Par ordre de service du 25 avril 2022, la société Citadis a arrêté le décompte final du lot n° 4A à un montant de 156 420,42 euros toutes taxes comprises, avec un solde en faveur de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland s'élevant à 12 007,48 euros toutes taxes comprises. Par une première requête devant le tribunal administratif de Nîmes, la société Alpha services a contesté la validité de la décision du 9 mars 2020 résiliant son marché et a demandé la reprise des relations contractuelles, ainsi que la condamnation de l'Établissement Albert Artilland à lui régler le solde du marché principal, lot n°4A - étanchéité et de ses deux avenants, pour un montant de 151 815,23 euros toutes taxes comprises. Par une seconde requête, la société Alpha services a également demandé au tribunal de fixer le solde du lot n° 4A - étanchéité à la somme de 151 815,23 euros toutes taxes comprises en sa faveur, et de condamner l'Établissement Albert Artilland à lui payer cette somme, assortie des intérêts moratoires à compter du 31 juillet 2020, ainsi qu'à lui restituer les retenues de garantie d'un montant total de 24 149,40 euros. L'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland relève appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à la société Alpha services la somme de 175 964,63 euros au titre du solde du décompte général et définitif du marché public correspondant au lot n° 4A - étanchéité, assortie des intérêts moratoires à compter du 14 juillet 2022.
Sur la recevabilité des conclusions de la société Citadis :
2. La société Citadis, maître d'ouvrage délégué, n'a pas été condamnée par le jugement attaqué à verser une somme à la société Alpha services au titre du décompte général et définitif du marché. Dès lors, les conclusions présentées par cette société tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé le solde général et définitif du marché sans prendre en compte la somme de 160 201,91 euros au titre des pénalités de retard appliquées à la société Alpha services, ne peuvent être qualifiées d'appel principal. De plus n'ayant pas la qualité d'intimé, ces conclusions ne peuvent être qualifiées ni d'appel incident ni d'appel provoqué. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur la recevabilité des conclusions incidentes de la société Alpha services :
3. Les conclusions de la société Alpha services tendant à la condamnation de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland à lui verser la somme de 184 872, 67 euros toutes taxes comprises, d'un montant supérieur à celui demandé en première instance de 175 964,63 euros toutes taxes comprises, présentent, dans cette mesure, un caractère nouveau et sont, par suite, irrecevables.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Dans l'ordre d'examen des questions qui s'impose au juge, le non-lieu à statuer sur le litige prime la recevabilité de la requête. Dès lors, le prononcé du non-lieu à statuer sur un litige qui a perdu son objet fait obstacle à ce que le juge statue sur la requête et, le cas échéant, rejette les conclusions dont il est saisi comme étant irrecevables.
5. L'établissement appelant soutient que les premiers juges auraient irrégulièrement omis de se prononcer sur sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions de la société Alpha services contestant la validité de la résiliation de son contrat, et tendant à la reprise des relations contractuelles, qui n'ont pas été présentées par cette société dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision prononçant la résiliation du contrat lui avait été notifiée.
6. Toutefois, les premiers juges avaient constaté, au point 5 de leur jugement, que ces conclusions étaient devenues, à la date de leur décision, sans objet dès lors que le marché en litige avait été entièrement exécuté. Dès lors que les premiers juges en ont déduit à bon droit qu'il n'y avait plus lieu pour le tribunal de statuer sur les conclusions précitées, ces derniers étaient tenus de ne pas poursuivre l'examen des questions et de ne pas se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le solde du décompte du marché :
En ce qui concerne les pénalités de retard :
7. Les pénalités prévues par les clauses d'un contrat de commande publique ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles. Elles sont applicables au seul motif qu'une inexécution des obligations contractuelles est constatée et alors même que la personne publique n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge de son cocontractant qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
8. Aux termes de l'article 3.1 de l'acte d'engagement du lot n° 4A correspondant aux travaux d'étanchéité de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Demain attribués à la société Alpha services : " La durée d'exécution globale de l'ensemble des marchés est de 18 mois dont 2 mois de période de préparation à compter de la date fixée par l'ordre de service qui prescrira de commencer les prestations. La durée d'exécution du marché comprend la période de préparation et le délai d'exécution des travaux de chacun des marchés allotis. (...) Le délai d'exécution des travaux incombant au titulaire du présent marché est fixé, au sein du délai global d'exécution, dans le calendrier prévisionnel d'exécution annexé au présent acte d'engagement qui précise les dates d'intervention relatives à chacun des lots. Le maître de l'ouvrage délivrera pour chaque marché un ordre de service de démarrage de l'exécution des travaux. Conformément à l'article 19.4 du CCAG travaux, le délai d'exécution des travaux incombant au titulaire du présent marché est confirmé ou modifié pendant la période de préparation du chantier dans les conditions prévues à l'article 28.2 du CCAG et à l'article 10 du CCAP ".
9. Aux termes de l'article 10.0.1 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché public en litige : " Le calendrier détaillé d'exécution élaboré pendant la période de préparation de deux mois se substituera au calendrier prévisionnel d'exécution des travaux dans les conditions fixées à l'article 28.2.3 du CCAG travaux. Le calendrier détaillé pourra être modifié par ordre de service en cours de travaux, mais cette modification ne pourra, sauf accord des différents entrepreneurs, comporter réduction du délai d'exécution. Ce document rectifié deviendra contractuel au lieu et place du précédent et servira à l'application de l'article 7. La notification d'un nouveau calendrier prévisionnel de travaux ne préjuge pas, s'il y a lieu, de l'application de pénalités de retard à l'encontre du (des) titulaires) des marchés responsables du retard constaté et ne vaut pas acceptation d'une prolongation de délais par le maître de l'ouvrage. Toute prolongation du délai contractuel d'exécution des travaux devra faire l'objet d'une mention expresse et l'ordre de service ou l'avenant, s'il y a lieu, devra en fixer l'importance. "
10. Aux termes de l'article 7.1 de ce cahier : " Durée du marché-délais d'exécution des travaux. Les stipulations correspondantes figurent dans l'acte d'engagement et sont précisées à l'article 10.1 du présent CCAP en ce qui concerne la période de préparation ". Aux termes de l'article 7.3.1 de ce cahier : " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG travaux, l'entrepreneur subira en cas de retard dans l'exécution des prestations et travaux, les pénalités journalières suivantes à retenir sur le montant des acomptes mensuels : les pénalités journalières suivantes applicables au montant TTC de l'acompte mensuel : (...) Autres lots : Pour chacun des 10 premiers jours de retard - 250 euros (...) journalier. Pour chaque jour de retard ultérieur - 500 euros (...) journalier. La retenue sera transformée en pénalité définitive et recalculée à la valeur de cette dernière si l'une des deux conditions est remplie : - l'entrepreneur n'a pas achevé les travaux lui incombant dans le délai d'exécution propre à son lot ; l'entrepreneur, bien qu'ayant terminé les travaux dans le délai défini, a perturbé la marche du chantier ou provoqué des retards dans le déroulement des marchés relatifs aux autres lots. Ces dispositions s'appliquent aux délais intermédiaires définis dans le calendrier d'exécution. Toutefois, le maître d'ouvrage se réserve la possibilité, au cas où le retard serait résorbé, de remettre ces pénalités ".
11. Il résulte de l'instruction que la justification de l'application à la société Alpha services de pénalités de retard repose sur le décompte du retard pris par cette société dans l'exécution de son lot n° 4A effectué le 8 septembre 2020 par le coordonnateur du chantier. Ce décompte faisait état d'une date d'achèvement des travaux fixée au 16 août 2019 et d'un retard de 12,5 mois dans la réalisation des travaux hors d'eau, lesquels n'ont pris fin que le 1er septembre 2020 dans le cadre du marché de substitution confié à une société tierce.
12. Il résulte de l'instruction que par un ordre de service n° 4 du 17 juillet 2018, la société Citadis, assistant au maître de l'ouvrage, a notifié à la société Alpha service la date de démarrage des travaux pour une durée de 16 mois à compter du 4 septembre 2018 avec une date de réception fixée au 4 janvier 2020. Par un ordre de service n° 8 du 3 février 2020, le délai d'exécution des travaux a été prolongé pour une durée de trois mois, ce qui reportait la date de réception au
4 mai 2020. Contrairement à ce qu'affirme la société Alpha services, la circonstance que son marché de travaux d'étanchéité ait été résilié à ses torts exclusifs le 9 mars 2020, dans le délai global d'exécution des travaux, n'a aucune incidence sur l'appréciation de son propre retard à la date de cette résiliation eu égard au délai d'exécution propre à son lot, et sur l'application de pénalités à ce titre.
13. Par ailleurs, si l'établissement appelant ne produit pas le calendrier détaillé d'exécution des travaux fixant le délai imparti à chaque intervenant pour réaliser ses propres prestations, il résulte néanmoins des comptes-rendus de réunion n° 62 du 19 novembre 2019 et n° 74 du 10 mars 2020, établis par le coordonnateur des travaux, que les travaux d'étanchéité de la maison de retraite confiés à la société Alpha services avaient débuté le 13 mai 2019. Par ailleurs, alors que dans son courrier du 8 septembre 2020, le coordonnateur indique que ces travaux auraient dû être achevés le 16 août 2019 et précise qu'ils n'avaient pas été terminés le 24 septembre 2019, date d'une réunion de chantier du 24 septembre 2019 constatant le retard, la société Alpha service, qui indique seulement que ses ouvrages étaient terminés depuis la fin du mois de novembre 2019, ne conteste pas que le 16 août 2019 était bien la date d'achèvement de ses travaux, fixée par le calendrier d'exécution, et contractuellement prévue.
14. Il résulte de l'instruction que, malgré les alertes hebdomadaires du coordonnateur du chantier à compter de la réunion du 24 septembre 2019 et les mises en demeure émises par ce coordonnateur et l'assistant à maîtrise d'ouvrage à l'issue d'une réunion du 8 octobre 2019, la société Alpha services n'avait toujours pas procédé, le 26 novembre 2019, dans les délais impartis, à l'exécution de l'ensemble des travaux de reprises d'étanchéité nécessaires pour remédier aux désordres. En outre, à la date de résiliation de son marché, le 9 mars 2020, cette société n'avait toujours pas entièrement exécuté les travaux de reprise pour remédier aux pénétrations d'eau dans le bâtiment, de sorte que le maître de l'ouvrage a dû faire exécuter les travaux nécessaires à l'achèvement des prestations dues par cette dernière, à ses frais et risques, par la société GW étanchéité. De plus, il résulte des comptes-rendus du coordonnateur de chantier que, lors des réunions des 15 et 29 octobre 2019, le façadier était en attente de la réalisation des travaux de reprises de la société Alpha services. Enfin, si la société Alpha services soutient que les infiltrations ne lui sont pas imputables, l'expertise dont elle se prévaut conclut cependant à un défaut généralisé dans la mise en œuvre des deux couches d'étanchéité des toitures-terrasses, lesquelles entraient dans les prestations lui incombant. Si cette expertise incrimine l'organisation des tâches, et plus particulièrement la pose des doublages intérieurs avant d'avoir assuré le parfait hors d'eau, et suspecte une mise en œuvre défaillante des châssis des menuiseries, les fuites provoquées par ces défaillances, à les supposer établies, ne concernent cependant pas les travaux d'étanchéité des toitures des ailes Ouest et Est qui seuls ont fait l'objet de reprises tardives par la société Alpha services.
15. Il résulte ainsi de l'instruction que la société Alpha services n'a pas achevé les travaux lui incombant dans le délai d'exécution propre à son lot qui s'achevait 16 août 2019 et que, par son retard, elle a perturbé la bonne marche du chantier. Dès lors, les conditions posées par l'article 7.3.1 du cahier des clauses administratives particulières étant réunies, des pénalités de retard pouvaient être appliquées à la société Alpha services pour la période courant du 16 août 2019, date d'achèvement des travaux prévue par le calendrier d'exécution, jusqu'à la date de résiliation de son marché le 9 mars 2020. Dès lors que sur cette période il s'est écoulé 206 jours, le montant des pénalités de retard, conformément à l'article 7.3.1, s'élève, pour les dix premiers jours, à 2 500 euros et à 98 000 euros pour les 196 jours suivants, soit au total à 100 500 euros.
16. Il résulte de ce qui précède que compte tenu du montant non contesté des travaux effectués s'élevant à la somme de 321 182,33 euros toutes taxes comprises à laquelle s'ajoutent la révision des prix et la restitution de la retenue garantie, pour les montants respectifs de 11 145,48 euros toutes taxes comprises et de 16 059,26 euros toutes taxes comprises, et desquels doivent être déduits les acomptes versés par le maître d'ouvrage pour un montant de 163 514,26 euros toutes taxes comprises et les pénalités de retard pour un montant de 100 500 euros, le solde du marché que l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland doit être condamné à payer à la société Alpha services doit être ramené à la somme de 84 372,81euros toutes taxes comprises et le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société Alpha services tendant à la modulation des pénalités de retard :
17. Le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.
18. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
19. La société Alpha services qui soutient que les pénalités de retard applicables ne peuvent excéder 10 % du montant global du marché, n'apporte aucun élément relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige de nature à l'établir. Toutefois, compte tenu du caractère manifestement excessif du montant de ces pénalités qui, s'élevant à 100 500 euros, représentent 31,29 % du montant global du marché, il y a lieu de ramener le montant des pénalités de retard que l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland est fondé à appliquer à la société Alpha services à 20 % du montant global du marché, soit à la somme de 64 236,46 euros.
20. Il en résulte que compte tenu du montant non contesté des travaux s'élevant à la somme de 321 182,33 euros toutes taxes comprises à laquelle s'ajoutent la révision des prix et la restitution de la retenue sur garantie pour les montants respectifs de 11 145,48 euros toutes taxes comprises et de 16 059,26 euros toutes taxes comprises, et desquels doivent être retranchés les acomptes versés par le maître d'ouvrage pour un montant de 163 514,26 euros toutes taxes comprises et les pénalités de retard pour un montant de 64 236,46 euros, le solde du marché que l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland doit être condamné à payer à la société Alpha services doit être ramené à la somme de 120 636,35 euros toutes taxes comprises et le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure.
21. Il résulte de tout ce qui précède que l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à la société Alpha services la somme de 175 964,63 euros au titre du solde du décompte général définitif du lot n° 4A du marché de construction de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Demain, assortie des intérêts moratoires, au lieu de la somme de 120 636,35 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland, qui ne peut être regardé, dans la présente instance, comme la partie perdante, la somme que la société Alpha services demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société
Alpha services la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1er : La somme que l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland est condamné à verser à la société Alpha services au titre du solde du décompte général et définitif du marché public correspondant au lot n° 4A " Étanchéité " est ramenée à
120 636,35 euros toutes taxes comprises.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société Alpha services versera à l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Albert Artilland, à la société par actions simplifiée Alpha services et à la société d'économie mixte Citadis.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faîck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23TL01988