Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, Mme A... E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet de la Haute-Garonne sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.
Par une seconde demande, Mme B... a demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement nos 2206403, 2300222 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente pour ce faire ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 26 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2023.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fougères, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante pakistanaise entrée en France le 15 janvier 2020 selon ses déclarations, à l'âge de trente-six ans, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Le préfet de la Haute-Garonne a gardé le silence sur cette demande, faisant naître une décision implicite de rejet, contestée devant le tribunal administratif de Toulouse. En cours d'instance, s'est substitué à cette décision un arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, contesté également devant le tribunal administratif. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme D... C..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne, qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté n° 31-2022-10-18-00001 du 18 octobre 2022, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du lendemain, aux fins de signer, notamment, les décisions défavorables au séjour ainsi que l'ensemble des décisions d'éloignement et des décisions les assortissant. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme B... soutient qu'elle est entrée en France le 15 janvier 2020 pour y rejoindre son conjoint, compatriote titulaire d'une carte de résident, dans l'espoir de pouvoir connaître une maternité. Toutefois, à supposer même établie la continuité de son séjour en France depuis cette date, laquelle ne ressort pas des quelques pièces versées au dossier, il est constant que les époux sont restés séparés plus de dix ans avant son arrivée sur le territoire français, où l'intéressée a vécu moins de trois ans à la date de la décision attaquée. En outre, la seule circonstance que le conjoint de Mme B... a vécu la plus grande partie de sa vie en France, où se trouvent ses parents, et est titulaire d'une carte de résident n'est pas de nature, à elle seule, à faire obstacle à ce que le foyer puisse se reconstituer au Pakistan, eu égard aux très faibles revenus que lui procurent ses activités professionnelles et alors qu'il n'est pas établi qu'il serait dépourvu de toute attache dans ce pays, où il l'a d'ailleurs épousée, ni soutenu qu'il n'en maîtriserait pas la langue. Mme B... elle-même n'est pas dépourvue d'attaches au Pakistan, où résident au moins ses parents et où elle-même a vécu au moins trente-six ans. L'appelante affirme néanmoins que l'arrêté attaqué porte atteinte à sa vie privée et familiale en ce que ce que son exécution réduirait à néant ses chances de concevoir un enfant eu égard à son âge avancé. Cependant, l'intéressée ne justifie avoir accompli aucune démarche, en dehors du détournement supposé d'un permis de séjour pour études délivré par les autorités suédoises, pour se rapprocher de son conjoint durant leurs dix années de séparation, notamment avoir échoué à obtenir des visas de court séjour ou un regroupement familial. Elle ne produit pas davantage de document médical attestant qu'au cours des trois ans ayant précédé la décision attaquée, elle se serait inscrite dans une démarche active de conception d'un enfant. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent jugement, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de Mme B... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02360