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17/06/2025 | FRANCE | N°23TL01386

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 17 juin 2025, 23TL01386


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



I.- Sous le n°2301121, Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé son admission exceptionnelle au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-

Orientales d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et famili...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I.- Sous le n°2301121, Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé son admission exceptionnelle au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

II.- Sous le n°2301122, M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales d'ordonner la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

III.- Sous le n°2301124, Mme G... F... née B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales d'ordonner le réexamen de situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

IV.- Sous le n°2301125, M. H... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales d'ordonner le réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n°2301121, 2301122, 2301124 et 2301125 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire des consorts F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, deux mémoires en production de pièces et un mémoire complémentaire, ce dernier n'ayant pas été communiqué, respectivement enregistrés les 14 juin 2023, 29 août 2023, 30 août 2023 et 14 mars 2025, M. A... F..., Mme G... F... née B..., Mme C... F... et M. H... F..., représentés par Me Summerfield, demandent à la cour :

1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 mai 2023 ;

3°) d'annuler les arrêtés du 9 février 2023 par lesquels le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... F... et à Mme C... F..., les a tous les quatre obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés ;

4°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à M. A... et Mme C... F... un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer la situation de Mme G... F... née B... et celle de M. H... F... dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

6°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de leur accorder un délai de départ volontaire qui ne saurait être inférieur à six mois ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés de ce que la décision portant refus d'admission exceptionnelle de Mme C... F... méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- ils n'ont pas non plus répondu aux moyens tirés de ce que la décision par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a obligé M. H... F... à quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- les premiers juges n'ont pas procédé à un examen individuel de la situation de M. H... F... ;

En ce qui concerne M. A... F... :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est à tort cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne Mme G... F... née B... :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne Mme C... F... :

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- le délai de départ volontaire ne saurait être inférieur à six mois ;

En ce qui concerne M. H... F... :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le délai de départ volontaire ne saurait être inférieur à six mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de délivrer à M. A... F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2025 à 12 heures.

Le 21 mai 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit, à la demande de la cour, l'entier dossier médical de M. A... F... sur la base duquel a été rendu l'avis du collège de médecins du 23 novembre 2022. Ces pièces ont été communiquées aux parties en application des dispositions de l'article L. 613-1-1 du code de justice administrative.

M. A... F... et Mme C... F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 20 septembre 2023.

Par deux décisions du 20 septembre 2023, les demandes d'aide juridictionnelle présentées respectivement par Mme G... F... née B... et M. H... F... ont été rejetées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F... et Mme G... B... épouse F..., ressortissants albanais respectivement nés les 23 juillet 1973 à Fushë e Vogël (Albanie) et 16 septembre 1977 à Maqellarë (Albanie), déclarent être entrés sur le territoire français le 7 septembre 2018 accompagnés de leurs deux enfants alors mineurs, C..., née le 21 décembre 2002 et H..., né le 25 novembre 2004. Les époux ont déposé des demandes d'asile, qui ont été rejetées par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides le 14 février 2019, puis pour irrecevabilité par la cour nationale du droit d'asile le 5 juillet 2019. Le 26 février 2019, M. A... F... a présenté une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en se prévalant de son état de santé. Suivant un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 juillet 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable du 22 juillet au 21 octobre 2019. Le 10 juin 2021, il a déposé une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et, suivant un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 juillet 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable du 27 juillet 2021 au 26 janvier 2022, laquelle a ensuite été renouvelée du 26 janvier au 25 juillet 2022. Le 18 août 2022, M. A... F... a de nouveau demandé un titre de séjour en se prévalant de son état de santé et suivant un nouvel avis, cette fois défavorable, du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 novembre 2022, par un arrêté du 9 février 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 18 août 2022, sa fille, C..., a pour sa part sollicité son admission exceptionnelle au séjour et par un arrêté du 9 février 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Par deux autres arrêtés du même jour, le préfet des Pyrénées-Orientales a obligé Mme G... F... née B... et M. H... F... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Les consorts F... relèvent appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les demandes d'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Par deux décisions du 20 septembre 2023, M. A... F... et Mme C... F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et par deux autres décisions du même jour, les demandes d'aide juridictionnelle présentées par Mme G... F... née B... et M. H... F... ont été rejetées. Dès lors, leurs conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".

4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Pour refuser de faire droit à la demande de renouvellement du titre de séjour sollicité M. F... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Pyrénées-Orientales s'est notamment fondé sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 23 novembre 2022, selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'enfin, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que M. F... souffre d'épilepsie et d'une spondylarthrite ankylosante avec atteinte du rachis, des sacro iliaques, des épaules, des genoux et des métacarpo-phalangiennes et qu'au titre de cette seconde affection de longue durée, il bénéficie d'un suivi régulier au centre hospitalier de Perpignan. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de prescriptions médicales et de nombreux certificats médicaux établis pour la plupart par le docteur E..., que M. F... a bénéficié en Albanie de traitements ayant échoué et qu'au jour de la décision litigieuse, son état de santé nécessitait notamment une injection sous-cutanée mensuelle d'un médicament appelé golimumab, commercialisé sous le nom " D... ", lequel a permis d'améliorer son état de santé et notamment de reprendre la marche. Il ressort par ailleurs d'un certificat médical établi par le même médecin le 17 février 2023 que ce traitement ne peut être substitué par une autre molécule. Enfin, M. F... produit une attestation établie le 20 février 2023 par une polyclinique spécialisée en Albanie, portant un en-tête du ministère de la santé et de la protection sociale de république d'Albanie, selon laquelle le médicament D... ou golimumab n'existe pas en Albanie. En défense, le préfet des Pyrénées-Orientales se borne à indiquer que le médicament golimumab, que M. F... a commencé à se voir administrer en Italie, est disponible hors du territoire français et qu'il n'est pas établi qu'il était indisponible en Albanie au jour de son arrêté. De plus, le dossier médical communiqué par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte aucune indication quant à la disponibilité du médicament golimumab en Albanie. Dans ces conditions, les éléments produits par M. F... sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et par le préfet sur la possibilité d'accéder à un traitement approprié à son état de santé en Albanie. Par suite, il est fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Pyrénées-Orientales a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est entré en France avec son épouse et leurs deux enfants, qui étaient alors mineurs. Eu égard à l'annulation du refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade pris à l'encontre de M. F..., qui implique, eu égard à son motif, qu'un titre de séjour lui soit délivré, son épouse est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre par le préfet concomitamment au refus qui a été opposé à son époux, au motif notamment que le titre de séjour de ce dernier ne sera pas renouvelé et qu'il a fait le même jour qu'elle l'objet d'une mesure d'éloignement, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

8. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la fille aînée des époux F..., C..., qui était âgée de 20 ans au jour l'arrêté la concernant, a suivi une scolarité exemplaire depuis son entrée sur le territoire français, a obtenu à de nombreuses reprises les félicitations de son conseil de classe, a obtenu son baccalauréat général avec la mention bien en 2022 et poursuivait au jour de l'arrêté litigieux des études supérieures de langues étrangères appliquées à l'université de Perpignan Via Domitia, obtenant au premier semestre de licence une moyenne de 16 sur 20. Son implication scolaire et universitaire est soulignée par les attestations établies par nombre de ses professeurs et les attestations établies par plusieurs camarades, son petit-ami, la mère et le frère de ce dernier témoignent également de son intégration sociale en France. Dans ces conditions, et eu égard à l'annulation du refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade pris à l'encontre de son père, qui implique, eu égard à son motif, qu'un titre de séjour lui soit délivré, et, de l'annulation de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de sa mère, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Pyrénées-Orientales a porté au droit de Mme C... F... une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

9. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le fils des époux F..., H..., qui était âgé de 18 ans au jour de l'arrêté pris à son encontre, est scolarisé en France depuis l'année scolaire 2018-2019 et était au jour de cet arrêté inscrit en classe de terminale professionnelle en installation des systèmes énergétiques et climatiques. Il produit, outre ses bulletins scolaires, plusieurs attestations du corps enseignant soulignant son assiduité, sa motivation et son sérieux. Dans ces conditions, et dès lors qu'il résulte de ce qui précède que ses parents et sa sœur ont vocation à se maintenir sur le territoire français, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Pyrénées-Orientales a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et ceux relatifs à la régularité du jugement attaqué, que les consorts F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales du 9 février 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs d'annulation retenus, que le préfet des Pyrénées-Orientales délivre à M. A... et Mme C... F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

12. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

13. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs d'annulation retenus, que le préfet des Pyrénées-Orientales réexamine la situation de Mme G... F... née B... et celle de M. H... F.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de les munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

14. Mme G... F... et M. H... F... n'ayant pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de la présente procédure d'appel, leur conseil ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 les concernant. En revanche, M. A... et Mme C... F... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocate peut se prévaloir, les concernant, des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Summerfield renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle des consorts F....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°2301121, 2301122, 2301124 et 2301125 du 16 mai 2023 et les arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales du 9 février 2023 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à M. A... F... et à Mme C... F... un titre de séjour chacun, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer la situation de Mme G... F... née B... et celle de M. H... F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de leur délivrer à chacun une autorisation provisoire de séjour.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me Summerfield, avocat des consorts F..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à Mme G... F... épouse B..., à Mme C... F..., à M. H... F..., à Me Summerfield, au préfet des Pyrénées-Orientales et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL01386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01386
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;23tl01386 ?
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