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10/06/2025 | FRANCE | N°25TL00115

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 10 juin 2025, 25TL00115


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête enregistrée sous le n° 2403742, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juin 2024 par lequel la préfète du Lot lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans

. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2403820, M. A... a demandé au tribunal d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2403742, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juin 2024 par lequel la préfète du Lot lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2403820, M. A... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 21 juin 2024 par lequel la préfète du Lot l'a assigné à résidence dans le département du Lot pendant une durée de six mois et l'a astreint à se présenter trois fois par semaine auprès de la direction départementale de la police nationale du Lot.

Par un jugement n°s 2403742 - 2403820 du 18 décembre 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces deux arrêtés et enjoint à la préfète du Lot de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2025, sous le n° 25TL00115, la préfète du Lot demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 2403742 - 2403820 du 18 décembre 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation des arrêtés précités des 18 et 21 juin 2024.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision par laquelle elle a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour ainsi que les décisions subséquentes contenues dans les deux arrêtés en litige des 18 et 21 juin 2024 en se fondant sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans tenir compte de la circonstance que le comportement de l'intéressé représente une menace actuelle, réelle, sérieuse et persistante pour l'ordre public compte tenu du caractère systématique des infractions, de gravité croissante, commises par l'intéressé sur une période allant de 2008 à 2023 ;

- le tribunal s'est borné, dans le jugement attaqué, à reprendre la liste des condamnations prononcées à l'encontre de M. A... sans en tirer les conséquences sur le droit au séjour de l'intéressé alors que son comportement constitue une menace grave et durable pour l'ordre public, ce dernier ayant commis de multiples infractions sur une période significative ;

- M. A... est défavorablement connu des services de sécurité intérieure depuis 2008 à raison des infractions délictuelles suivantes : des faits de vol commis en 2010 et en 2012, des faits de fraude à l'identité et de conduite sans permis d'un véhicule non assuré commis en 2013, des faits de vol en réunion, des faits de recel, des faits de violences avec usage d'arme suivies d'une incapacité n'excédant pas huit jours, des faits de transport et de détention de stupéfiants commis en 2013, des faits de mise en danger d'autrui par risque immédiat de mort ou d'infirmité par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence commis en 2014, des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, des faits de destruction des biens d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes commis en 2017, des faits de vol aggravé par deux circonstances commis en 2019 ainsi que des faits de menaces de mort réitérées commis le 14 octobre 2023 ;

- la menace pour l'ordre public que représente le comportement de M. A... a également été retenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui, par une décision du 10 novembre 2020, a mis fin à son statut de réfugié après avoir estimé que la gravité, la réitération et l'aggravation des faits commis par l'intéressé depuis plus de dix ans constituent des raisons de penser que sa présence en France constitue une menace grave et actuelle pour la société française ; cette menace pour l'ordre public a également été retenue par la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision rejetant le recours de M. A... et par le juge des libertés et de la détention près la cour d'appel de Toulouse dans sa décision du 24 juin 2024 se prononçant sur le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

- le tribunal s'est fondé sur la situation de concubinage de M. A... avec une ressortissante française alors que l'intéressé n'a pas porté cet élément à la connaissance des services préfectoraux et n'apporte pas la preuve de l'effectivité de ce concubinage ; ce dernier s'est même déclaré célibataire et sans enfant dans le cadre de sa demande de titre de séjour et présenté une demande de reconnaissance par anticipation de son enfant postérieurement à sa convocation devant la commission du titre de séjour et quatorze jours avant la naissance de son enfant ;

- il y a également lieu pour la cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il prononce l'annulation des décisions subséquentes contenues dans les arrêtés préfectoraux du 18 juin 2024.

La requête a été communiquée à M. A..., lequel n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, le 25 mars 2025, sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 6 mai 2025, par une ordonnance du même jour, prise sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête, enregistrée le 3 février 2025, sous le n° 25TL00240, la préfète du Lot demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n°s 2403742 - 2403820 rendu par le tribunal administratif de Toulouse le 18 décembre 2024.

Elle soutient que :

- la requête en appel par laquelle elle a saisi la cour comporte des moyens sérieux de nature à justifier, en l'état de l'instruction, outre l'annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées à l'appui de la demande soumise aux premiers juges ;

- l'exécution immédiate du jugement attaqué porterait une atteinte irrémédiable à l'intérêt général et aux impératifs de sécurité publique en lui imposant la délivrance anticipée d'un titre de séjour conférant des droits durables à M. A... alors même que la cour n'a pas encore statué sur la légalité des arrêtés en litige et que le comportement de l'intéressé représente une menace pour l'ordre public.

La requête a été communiquée à M. A..., lequel n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, le 25 mars 2025, sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 6 mai 2025, par une ordonnance du même jour, prise sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant russe d'origine tchétchène, né le 4 juillet 1990 à Grozny, déclare être entré en France au cours de l'année 2001 avec ses parents, lesquels ont ensuite déposé une demande d'asile. Par une décision du 4 novembre 2008, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a accordé le statut de réfugié sur le fondement du principe de l'unité de famille après que ses parents eurent obtenu le même statut à titre principal. Par la suite, M. A... a séjourné en France sous couvert d'une carte de résident. Toutefois, par une décision du 10 novembre 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a retiré le statut de réfugié en raison de la menace grave que constituait son comportement pour l'ordre public. Le recours que M. A... a formé contre cette décision a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 novembre 2021. Le 13 janvier 2022, M. A... a présenté une demande de titre de séjour auprès de la préfecture du Lot, département dans lequel il avait fixé sa résidence, laquelle demande a donné lieu à la délivrance de récépissés valant autorisation provisoire de séjour. Le 17 juin 2024, la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à la délivrance du titre de séjour sollicité. Par un arrêté du 18 juin 2024, la préfète du Lot a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et prononcé à l'encontre de ce dernier une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. Par un arrêté du 21 juin 2024, la préfète du Lot l'a assigné à résidence dans le département du Lot pendant une durée de six mois et l'a astreint à se présenter trois fois par semaine auprès de la direction départementale de la police nationale du Lot. Sous le n° 25TL00115, la préfète du Lot relève appel du jugement n°s 2403742 - 2403820 du 18 décembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces deux arrêtés et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Sous le n° 25TL00240, la préfète du Lot demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes précitées n° 25TL00115 et n° 25TL00240, qui concernent la situation d'un même étranger, sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger de questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 25TL00115 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Pour annuler les arrêtés en litige des 18 et 21 juin 2024, le tribunal a jugé qu'il avait été porté droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le préfet.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Aux termes des dispositions du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, désormais codifiées à l'article L. 511-7 de ce code : " Le statut de réfugié est refusé ou il est mis fin à ce statut lorsque : (...) / 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". L'article L. 412-5 du même code institue une réserve générale liée à l'ordre public, au titre des conditions générales de séjour, en ces termes : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". L'article L. 432-1 du même code précise que : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

6. L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

7. Par l'arrêté en litige du 18 juin 2024, la préfète du Lot a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire sur le fondement des dispositions précitées du 3° et du 5° de l'article L. 611-1 du même code au motif que son comportement représente une menace grave pour l'ordre public.

8. En l'espèce, pour juger que la préfète du Lot avait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a relevé que, si les différentes infractions commises par l'intéressé caractérisent bien un comportement constitutif d'une menace grave pour la société française, et quand bien même tout risque de récidive de sa part ne peut être écarté, M. A... justifie néanmoins, en France, d'une durée de séjour ancienne et de liens familiaux intenses, tandis qu'il n'a gardé aucun lien avec la Tchétchénie et que les éléments récents dont il se prévaut sont de nature à établir le sérieux de son insertion socio-professionnelle sur le territoire français.

9. Par une décision du 10 novembre 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin au statut de réfugié de M. A..., sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant, d'une part, que l'intéressé avait été condamné de manière définitive par le tribunal correctionnel de Toulouse, les 17 octobre 2013 et 12 septembre 2017, pour des faits punis de peines allant jusqu'à dix ans d'emprisonnement, visés aux articles 222-37 alinéa 1er et 450 alinéas 1 et 2 du code pénal, et, d'autre part, que sa présence en France constitue une menace grave et actuelle pour la société française au regard de la multiplicité des condamnations dont il a fait l'objet au cours des années passées, notamment les douze condamnations prononcées entre 2008 et 2013, de la gravité croissante et de la réitération des infractions commises par l'intéressé depuis plus de dix ans.

10. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 9 novembre 2021 rejetant le recours formé contre la décision mettant fin à son statut de réfugié, que M. A... a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 17 octobre 2013, devenu définitif, à une peine de douze mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 16 octobre 2013, de détention non autorisée de stupéfiants prévus et réprimés par l'article 222-37 du code pénal. Par un jugement du 12 septembre 2017, le tribunal l'a également condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement pour des frais, commis au cours de l'année 2016, de transport, de détention, d'offre ou de cession non autorisée de stupéfiants en situation de récidive, et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. Il ressort également des mentions contenues dans le bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A..., dont le contenu est rappelé dans l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile précité, que ce dernier totalise dix condamnations entre 2009 et 2016, notamment le 17 novembre 2009 pour des faits de vol commis en récidive, le 17 septembre 2013 pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, le 25 juin 2010 pour conduite d'un véhicule sans permis et de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et le 24 juin 2011 pour vol. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... a encore été condamné pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance en état de récidive, de conduite d'un véhicule sans permis en état de récidive et de recel de bien provenant d'un vol en état de récidive commis le 1er novembre 2011, des faits de mise en danger d'autrui (risque immédiat de mort ou d'infirmité) par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence commis le 30 décembre 2011, des faits de vol en réunion commis le 6 avril 2012 ainsi que des faits de conduite d'un véhicule sans permis le 25 août 2012.

11. De même, ainsi qu'il a été dit au point 9, M. A... a été condamné à une peine de douze mois d'emprisonnement, par un jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 17 octobre 2013, pour des faits de transport, détention offre ou cession non autorisée de stupéfiants commis en situation de récidive le 16 octobre 2013, et à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement par un jugement du même tribunal du 12 septembre 2017 pour transport, détention, offre et cession non autorisées de stupéfiants en état de récidive et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement commis en juillet 2016. Sur ce point, il ressort de ce jugement du 12 septembre 2017, dont les motifs sont repris par la décision de la Cour nationale du droit d'asile précitée, que les services des douanes ont intercepté un véhicule conduit par M. A... transportant une douzaine de kilogrammes d'herbe de cannabis, les investigations menées par les services de police ayant permis d'établir qu'un convoi de plusieurs voitures, en lien avec un trafic organisé de stupéfiants, avait été mis en place pour assurer le transport de la drogue, et qu'il s'est agi d'un trafic d'une certaine ampleur pour lequel l'intéressé a été condamné, ainsi qu'il a été dit, pour participation à une association de malfaiteurs.

12. En outre, il ressort de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile précité que M. A..., qui totalisait douze condamnations entre 2008 et 2013, avait déjà été condamné, d'une part, par le tribunal correctionnel d'Auch le 12 janvier 2009, pour des faits de port prohibé d'arme de sixième catégorie commis le 4 novembre 2008 et, d'autre part, par le tribunal correctionnel de Toulouse le 28 mai 2013 pour transport à titre particulier et sans motif légitime d'une arme de poing de catégorie 7, le juge pénal ayant souligné, dans l'une de ses décisions, la " véritable appétence [de l'intéressé] pour les armes ".

13. De même, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté en litige du 18 juin 2024 et de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile précité qui fait état des mentions contenues dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, que M. A... est également défavorablement connu des services de police pour des faits de vol par effraction commis le 9 août 2008, des faits de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours et de port prohibé d'arme, de munition ou de leurs éléments de catégorie 1 ou 4 commis le 24 août 2008, des faits de recel de bien provenant d'un vol commis le 1er octobre 2008, des faits de vol à l'étalage commis le 4 novembre 2008, des faits de destruction ou détérioration importante du bien d'autrui commis le 1er février 2011, des faits de menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique commis le 29 avril 2014, des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique commis le 8 janvier 2015. Enfin, selon une note des services de renseignement du 17 juin 2021, mentionnée dans l'arrêté en litige du 18 juin 2024, M. A... a fait l'objet de plusieurs avertissements et sanctions disciplinaires au cours de son incarcération au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses en 2016. En particulier, le 15 novembre 2016, l'intéressé a fait l'objet d'une sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire avec sursis actif pendant six mois après la découverte, dans sa cellule, de deux téléphones portables munis d'un chargeur, d'une clé USB et de produits stupéfiants. Le 16 novembre 2016, il a fait l'objet d'un avertissement pour avoir dégradé le téléviseur de son codétenu, et le 7 décembre 2016, il a été sanctionné de vingt jours de cellule disciplinaire, dont dix jours avec sursis actif pendant six mois, pour avoir rejoint la cellule d'un codétenu, la note précitée faisant également mention de menaces proférées par l'intéressé à l'encontre de membres du personnel pénitentiaire. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le 14 octobre 2023, M. A... a été jugé et condamné, dans le cadre d'une comparution immédiate, à une peine d'emprisonnement effectuée sous bracelet électronique pendant une durée de six mois pour des faits de menaces de mort réitérées.

14. Eu égard à la multiplicité des atteintes aux personnes et aux biens commises par l'intéressé jusqu'à une période récente, à leur gravité croissante et à leur caractère répété sur de très nombreuses années, révélant une trajectoire délinquante significative, la présence en France de M. A..., dont le comportement permet de conclure à un risque de récidive, doit être regardée comme constitutive d'une menace pour l'ordre public. Quant aux dispositions précitées des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et celles du 3° de l'article L. 611-1 même code, elles n'exigent pas que cette menace présente un caractère de gravité particulier pour refuser à un étranger la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ou pour l'obliger à quitter le territoire français.

15. S'agissant des éléments de vie privée et familiale dont peut se prévaloir M. A... et qui ont été retenus par le tribunal, il est constant que l'intéressé est entré en France alors qu'il était mineur et que ses parents, bénéficiaires du statut de réfugié, ainsi que ses deux sœurs, résident régulièrement sur le territoire français. Toutefois, ces liens privés et familiaux, notamment leur réalité, leur stabilité et leur intensité, ne présentent pas un caractère absolu au regard des impératifs inhérents à la préservation de l'ordre public et de la sécurité publique et doivent, dès lors, nécessairement être mis en balance avec la menace pour l'ordre public que représente le comportement de l'intéressé tel qu'il a été décrit aux points 8 à 14. Or, sur ce point, si M. A... se prévaut de son entrée en France en 2001 à l'âge de 10 ans, de la présence de membres de sa famille sur le territoire français, de son concubinage avec une ressortissante française et de la naissance de son enfant le 21 juin 2024, il ne produit toutefois aucun élément circonstancié et probant, qu'il s'agisse de témoignages, de justificatifs ou de photographies, quant à la nature et à l'intensité des liens affectifs et familiaux qu'il entretiendrait avec ses parents, ses sœurs, sa concubine et sa fille qui vivent en France. Interrogé dans le cadre d'une audition pour vérification de son droit au séjour à la suite de son interpellation par les services de police de Cahors le 19 juin 2024, en exécution d'une fiche de recherche inscrite au fichier des personnes recherchées, M. A... s'est montré hésitant lorsqu'il lui a été demandé de donner l'adresse de ses parents et indiqué ne plus se souvenir des lieux de résidence de ses deux sœurs.

16. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le concubinage dont se prévaut M. A... avec une ressortissante française présente un caractère relativement récent à la date de l'arrêté en litige, les pièces censées attester d'une communauté de vie étant peu diversifiées et datées du mois de janvier 2024 pour les plus anciennes, soit peu de temps avant l'intervention des décisions en litige. En outre, si M. A... soutient être le père d'une fille de nationalité française née le 21 juin 2024, cette circonstance est postérieure à l'arrêté en litige et donc sans incidence sur sa légalité, tandis qu'il ne produit aucun élément de nature à établir la nature des liens qu'il entretiendrait depuis avec son enfant et la réalité de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de celui-ci dont il ne fournit, du reste, pas la date de naissance ni l'acte de naissance. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la reconnaissance de paternité dont se prévaut M. A... a été souscrite en mairie de Pradines (Lot), commune où il réside, le 7 juin 2024, soit dix jours seulement avant la réunion de la commission du titre de séjour devant laquelle il avait été préalablement convoqué le 31 mai 2024, tandis que son enfant est né non pas dans le département du Lot mais en Haute-Garonne à Toulouse. Or, M. A... a indiqué être célibataire et sans charge de familles dans le cadre de sa demande de titre de séjour déposée en préfecture. Les liens privés et familiaux noués en France dont se prévaut M. A... n'étant, dans les circonstances de l'espèce, pas suffisamment caractérisés par leur stabilité, leur ancienneté et leur intensité, ils ne sont pas de nature à contrebalancer la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français eu égard à la trajectoire de délinquant multirécidiviste qu'il a empruntée depuis plus d'une décennie dans les conditions rappelées aux points 8 à 14, et au risque avéré de réitération du passage à l'acte délictueux.

17. Dans ces conditions, en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France, la préfète du Lot n'a pas édicté une mesure disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par ces décisions et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

18. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Lot est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 18 juin 2024 ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 21 juin 2024. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués devant le tribunal à l'encontre des décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 18 juin 2024 :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

19. En premier lieu, la décision en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. A..., en particulier les articles L. 412-5, L. 432-1, L. 424-1 et L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels a été examiné son droit au séjour, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne l'ensemble des éléments relatifs à sa situation administrative et personnelle en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, le sens de l'avis de la commission du titre de séjour réunie le 17 juin 2024 ainsi que les raisons de fait pour lesquelles il n'est pas fait droit à sa demande de titre de séjour tenant, notamment, au retrait de son statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France. La décision en litige, qui contient l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est, par suite, suffisamment motivée.

20. En second lieu, la décision en litige n'ayant pas, en elle-même, pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel M. A... est susceptible d'être éloigné, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant et doit, dès lors, être écarté.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".

22. D'une part, dès lors que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français, fondée sur les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise à la suite d'une décision relative au séjour elle-même motivée, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. D'autre part, après avoir visé les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision en litige mentionne les considérations de fait permettant de caractériser la menace pour l'ordre public que représente le comportement de M. A.... La mesure d'éloignement en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivée.

23. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits quant à la menace pour l'ordre public que représenterait le comportement de M. A..., et les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 412-5 et L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à supposer ce dernier moyen opérant à l'encontre de la mesure d'éloignement, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 à 14.

24. En troisième lieu, dès lors que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4 à 18, l'autorité préfectorale pouvait légalement refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... en raison de la menace pour d'ordre public qu'il présente, elle n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français. De plus, cette mesure d'éloignement est également fondée sur les dispositions du 5° du même article selon lesquelles l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsque son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit ainsi être écarté.

25. En quatrième et dernier lieu, la décision en litige n'ayant, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de se prononcer sur le pays de renvoi, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés comme inopérants.

S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

26. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire (...) édictées le cas échéant sont indiqués ". La décision en litige, après avoir visé les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles de l'article L. 612-3 du même code, et énuméré les nombreuses infractions commises par M. A... sur le territoire français, précise que le comportement de ce dernier, et le risque de récidive associés, représentent une menace pour l'ordre public. La décision en litige est, par suite, suffisamment motivée.

27. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Sur renvoi de ces dispositions, l'article L. 612-3 du même code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

28. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal établi par les services de police de Cahors le 19 juin 2024 dans le cadre d'une mesure de vérification de son droit au séjour, que, lors de son interpellation le même jour en exécution d'une fiche de recherche inscrite au fichier des personnes recherchées, M. A..., après que l'équipage de police lui a décliné sa qualité et les motifs de son intervention, a reculé, puis s'est retourné brusquement pour prendre la fuite en courant en percutant un fonctionnaire de police avant qu'un autre agent ne le rattrape et l'immobilise au sol. Selon ce même procès-verbal, M. A... a alors fait preuve de résistance en se recroquevillant et en contractant ses muscles afin de ne pas être interpellé. Le risque de fuite étant, dans ces circonstances, matériellement établi, la préfète du Lot n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A.... En tout état de cause, la décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire peut également être fondée sur la menace à l'ordre public qu'il représente et trouver alors sa base légale dans les dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles pourraient alors être substituées à celles du 3° du même article dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions, et qu'elle aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur celles du 1° de cet article.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

29. En premier lieu, après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision en litige mentionne la nationalité de M. A... et relève qu'il ne produit aucun nouvel élément de nature à établir qu'il serait exposé à des peines et traitements inhumains contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible. La décision fixant le pays de renvoi litigieux, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est, dès lors, suffisamment motivée.

30. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

31. Il appartient au préfet chargé de fixer le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, en application de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'il prend n'exposent pas l'étranger à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La personne à qui le statut de réfugié a été refusé ou retiré ne peut être éloignée que si, au terme d'un examen approfondi et complet de sa situation, et de la vérification qu'elle possède encore ou non la qualité de réfugié, il est conclu, en cas d'éloignement, à l'absence de risque au regard des stipulations précitées. Si le préfet est en droit de prendre en considération les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger d'une demande de protection internationale, l'examen et l'appréciation par ces instances des faits allégués par le demandeur et des craintes qu'il énonce, au regard des conditions mises à la reconnaissance de la qualité de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et à l'octroi de la protection subsidiaire par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne lient pas le préfet, et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu de l'ensemble du dossier dont il dispose, que les mesures qu'il prend ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 721-4 précité. S'il est saisi, au soutien de conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, d'un moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, dans les mêmes conditions, la réalité des risques allégués, sans qu'il importe à cet égard que l'intéressé invoque ou non des éléments nouveaux par rapport à ceux présentés à l'appui de sa demande d'asile. Si, à l'issue de cet examen, le juge de l'excès de pouvoir annule la décision distincte fixant le pays de renvoi, une telle décision ne s'impose pas avec l'autorité absolue de la chose jugée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Cour nationale du droit d'asile, eu égard à leurs compétences propres et à leur office. Toutefois cette décision constitue un élément nouveau au sens de l'article L. 531-42 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de nature à rendre recevable la demande de réexamen présentée, le cas échéant, par l'étranger concerné.

32. D'une part, il ressort de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige que la préfète du Lot a procédé à un examen approfondi et complet de la situation de M. A... au regard des risques qu'il encourt en cas d'éloignement vers la Russie, l'autorité préfectorale ayant estimé que l'intéressé ne démontrait pas la réalité des menaces et persécutions qu'il allègue. Il ressort également du procès-verbal de la commission du titre de séjour que, questionné sur l'hypothèse d'un éloignement, l'intéressé a indiqué ne pas avoir d'attaches dans son pays d'origine et ne pas savoir lire ni écrire le russe, qu'il maîtrise seulement à l'oral, sans évoquer de risques de subir des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, si M. A... a soutenu devant le tribunal, sans autre précision, être exposé à des traitements contraires à ces stipulations en cas de retour en Russie, notamment du fait de l'envoi de combattants d'origine tchétchène au front dans le cadre de la guerre en Ukraine, il ne verse aucun document précis permettant d'estimer qu'il serait directement et personnellement exposé à des risques. En outre, il ressort des pièces du dossier que seuls les parents de M. A... ont sollicité et obtenu l'asile, tandis que l'intéressé n'a obtenu le statut de réfugié qu'en vertu du principe de la réunification familiale sans invoquer de craintes personnelles de subir de tels traitements, statut auquel il a ensuite été mis fin au regard de la menace grave à l'ordre public que son comportement représente pour la société française. Il ressort également des pièces du dossier que le recours formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides mettant fin au statut de réfugié de M. A... a été rejeté par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 9 novembre 2021. Enfin, en se bornant à invoquer son origine tchétchène et la circonstance que les éloignements vers la Russie représentent de manière générale un danger, l'intéressé ne fait état d'aucun élément précis et circonstancié sur la nature exacte, la réalité, la gravité et l'actualité des risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine, ainsi qu'il a déjà été dit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

33. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les motifs des décisions relatives (...) à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ". La décision litige, après avoir visé les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la date d'entrée en France de M. A..., les éléments établissant la menace à l'ordre public que représente son comportement et que sa situation ne fait apparaître aucun motif humanitaire particulier. Elle précise, en outre, que la durée de l'interdiction de retour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé. La décision en litige, qui contient l'exposé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, est, par suite, suffisamment motivée.

34. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

35. Dès lors que M. A... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, l'autorité préfectorale était tenue de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français conformément aux dispositions précitées de l'article L. 612-6. En outre, ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 14, la présence de l'intéressé sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public au regard de sa trajectoire délinquante depuis plus de dix ans, tandis qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa situation caractériserait des motifs humanitaires particuliers. Par suite, la préfète du Lot n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de M. A... en édictant une interdiction de retour d'une durée de cinq ans à son endroit.

36. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4 à 17 du présent arrêt.

37. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 20.

En ce qui concerne l'arrêté préfectoral du 21 juin 2024 portant assignation à résidence :

38. En premier lieu, aux termes de l'article R. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente pour assigner un étranger à résidence en application de l'article L. 731-1 est le préfet de département où se situe le lieu d'assignation à résidence et, à Paris, le préfet de police ". Par un arrêté du 20 novembre 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, et en vigueur à la date de la décision litige, la préfète du Lot a délégué sa signature à Mme Adeline Bard, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer l'ensemble des décisions relevant des attributions de l'État dans le département à l'exception des actes de réquisition du comptable et de la force armée. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision en litige manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

39. En deuxième lieu, l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". La décision assignant à résidence M. A... vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à sa situation, notamment les dispositions de l'article L. 730-1 et celles du 1° de l'article L. 731-1, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8. Elle mentionne, en outre, que l'intéressé fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, qu'il ne peut immédiatement quitter le territoire français en l'absence de documents d'identité et de voyages valides, mais que l'exécution de son éloignement demeure une perspective raisonnable, et, enfin, qu'il présente des garanties de représentation en raison de sa domiciliation sur le territoire national. La décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent en le fondement, est, par suite, suffisamment motivée.

40. En troisième lieu, aux termes des dispositions du 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Dès lors que la mesure d'assignation à résidence en litige trouve sa base légale dans la décision par laquelle la préfète du Lot lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et se justifie par les perspectives raisonnables de son éloignement, indépendamment de son comportement sur le territoire français, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la circonstance que son comportement ne représenterait pas une menace grave pour l'ordre public.

41. En quatrième et dernier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi que cela ressort des motifs retenus aux points 3 à 18 et 21 à 25, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence, illégale ne peut qu'être écarté.

42. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Lot est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulouse a annulé ses arrêtés des 18 et 21 juin 2024 et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour.

Sur la requête n° 25TL00240 :

43. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n°s 2403742 - 2403820 du 18 décembre 2024 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la préfète du Lot tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement n°s 2403742 - 2403820 du 18 décembre 2024 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée dans le cadre de la requête n° 25TL00240.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Lot.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 25TL00115 - 25TL00240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 25TL00115
Date de la décision : 10/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : CHOUMAN FRANCK

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-10;25tl00115 ?
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