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03/06/2025 | FRANCE | N°24TL02894

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 03 juin 2025, 24TL02894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2024 par lequel le préfet du Var a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé et l'a assortie d'une interdiction de retour pour une durée de cinq ans, d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire

de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2024 par lequel le préfet du Var a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé et l'a assortie d'une interdiction de retour pour une durée de cinq ans, d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n°2403828 du 7 octobre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 et 30 novembre 2024 et les 23 et 24 décembre 2024 et le 4 mai 2025, sous le n°24TL02894, M. B... A... C..., représenté par Me Farhat-Vayssière, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement rendu le 7 octobre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2024 par lequel le préfet du Var a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé et l'a assortie d'une interdiction de retour pour une durée de cinq ans ;

3°) d'ordonner sa remise en liberté du centre de rétention administrative de Nîmes ;

4°) d'ordonner, avant dire-droit, la communication du dossier médical de l'intéressé par l'office français de l'immigration et de l'intégration, ainsi que la désignation d'un expert médical, afin de permettre à la cour d'apprécier son état de santé et les risques encourus à défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine ;

5°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation administrative en prenant une décision expresse sur un titre de séjour pour raison de santé, dans un délai de quatre mois ;

6°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 alinéas 2 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal s'est estimé suffisamment éclairé sur son état de santé et s'est abstenu de mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction en ordonnant une expertise médicale ;

- le jugement contesté n'est pas signé et est irrégulier ;

- le jugement contesté est entaché d'erreur de fait et de plusieurs erreurs dans l'appréciation de la menace que constitue sa présence sur le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son droit au séjour n'a pas, au préalable été vérifié avant l'édiction de la mesure d'éloignement ;

- son état de santé n'a pas été vérifié au préalable, en méconnaissance de l'article 25 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 ter l'accord franco-tunisien dans la mesure où il réside en France de façon continue depuis 2011 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les considérations humanitaires justifient un droit au séjour.

- compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet du Var, qui, en dépit de la mise en demeure, qui lui a été adressée, le 28 janvier 2025, n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 5 mai 2025, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2025.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 novembre, le 3 et le 23 décembre 2024, sous le n°24TL02994, M. B... A... C..., représenté par Me Farhat-Vayssière, demande à la cour :

1°) de prononcer, en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2403828 du 7 octobre 2024 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du jugement de l'affaire au fond et d'y procéder dans les huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Var de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quatre mois ;

4°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 alinéa 2 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à la contribution à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la mesure où son éloignement accentuerait ses problèmes de santé, au regard de l'offre de traitement proposée en Tunisie, pays dans lequel il ne pourra bénéficier d'un suivi médical de sa pathologie cérébrale ;

- il existe des moyens sérieux de nature à justifier, d'une part, l'annulation du jugement contesté, et, d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2024 portant obligation de quitter le territoire à destination du pays dont il a la nationalité, ainsi qu'il en a justifié dans sa requête au fond, à savoir le moyen tiré de l'irrégularité du jugement qui n'a pas été signé et les moyens de légalité soulevés contre l'arrêté du 30 septembre 2024.

La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 28 janvier 2025, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2025.

Un mémoire, présenté pour M. A... C..., a été enregistré le 4 mai 2025, soit postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Par des décisions du 13 décembre 2024, M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour les instances n°24TL02894 et n°24TL02994.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant tunisien, né le 8 décembre 1989, a fait l'objet d'une décision de renvoi vers le pays dont il a la nationalité, le 10 novembre 2022, en application d'une interdiction judiciaire du territoire français d'une durée de deux ans prononcée par le tribunal correctionnel de Toulon et confirmée, en appel, le 25 avril 2022, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après constatation du désistement de l'intéressé et la caducité de l'appel incident. Par un arrêté du 30 septembre 2024, le préfet du Var a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, assortie d'une interdiction de retour d'une durée de cinq ans. Par la requête n°24TL02894, M. A... C... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Par la requête n°24TL02994, M. A... C... en sollicite le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 24TL02894 et n° 24TL02994 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n°24TL02894 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " (...) Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience. ". Il ressort de la minute du jugement que celle-ci comporte la signature de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes et de la greffière d'audience. Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

5. Pour prononcer la mesure d'éloignement, le préfet du Var s'est fondé sur l'entrée irrégulière en France de M. A... C... et la menace à l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, en application des dispositions des 1° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En écartant au point 10 du jugement contesté, le moyen soulevé par M. A... C... tiré de ce que son état de santé ferait obstacle à la mesure d'éloignement, au regard, d'une part, de la circonstance que l'intéressé n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement et, d'autre part, des pièces médicales produites, qui n'établissent pas que l'affection dont il souffre pourrait lui donner droit à un titre de séjour et le protéger d'une mesure d'éloignement, la magistrate désignée, qui s'est estimée suffisamment informée, a formé sa conviction au vu des éléments versés au dossier par les parties. En procédant ainsi, sans mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction, elle n'a pas méconnu les principes rappelés au point précédent. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de son office doit être écarté.

6. En dernier lieu, au égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer sur la régularité de la décision du premier juge et sur le litige qui a été porté devant lui, les moyens soulevés par M. A... C... et tirés de ce que la magistrate désignée aurait commis une erreur de fait ou plusieurs erreurs dans l'appréciation de sa durée de séjour, la menace à l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français et des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle sont inopérants.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".

8. M. A... C..., qui n'est pas en mesure de justifier de son identité, se borne à invoquer une entrée en France au cours de l'année 2010, sans contester le caractère irrégulier de ses conditions d'entrée et ne justifie pas avoir sollicité la régularisation de sa situation depuis cette date. En outre, il ressort des pièces du dossier que, condamné, par le tribunal correctionnel de Toulon, à une peine de six mois d'emprisonnement, le 27 janvier 2021, pour des faits de violence avec arme ayant entraîné une incapacité temporaire totale n'excédant pas huit jours, il a, à nouveau, fait l'objet d'une condamnation à une peine de dix mois d'emprisonnement pour des faits de menace de mort commise à l'encontre de son ex-concubine, assortie d'une interdiction de territoire d'une durée de deux ans à titre de peine complémentaire. Enfin, il a été écroué, le 28 septembre 2024, pour des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme. Dans ces conditions, la présence de M. A... C..., qui, en outre, était entré irrégulièrement sur le territoire français, constitue une menace pour l'ordre public au vu de la réitération de faits de violence et au regard de son comportement. M. A... C... entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions du 1° et du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... C... n'est pas fondé à invoquer une décision d'acquittement prononcée en 2014, soit près de dix ans avant l'arrêté contesté, après une période de détention provisoire sans fondement ayant donné lieu à indemnisation au soutien du moyen tiré d'une erreur d'appréciation.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien : " (...) / d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : (...) / Les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".

10. L'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

11. M. A... C..., qui se borne à verser aux débats quelques documents médicaux ou attestations portant essentiellement sur les années 2022 à 2024, ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date du 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord cité au point 9. Il n'est fondé à soutenir ni qu'il remplissait les conditions pour se voir attribuer de plein le titre de séjour prévu par ces stipulations ni qu'il ne pouvait se voir opposer la mesure d'éloignement en litige.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile résultant de l'article 37 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. (...). ".

13. Par ces dispositions, le législateur a notamment eu l'intention, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires, de consacrer le principe selon lequel un étranger qui doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il a ainsi entendu imposer au préfet, avant l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français, de vérifier plus largement le droit au séjour de l'étranger au regard des informations en sa possession résultant en particulier de l'audition de l'intéressé, compte tenu notamment de la durée de sa présence sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un droit au séjour, une telle vérification constituant ainsi une garantie pour l'étranger.

14. En l'espèce, le préfet du Var a, après avoir rappelé son entrée irrégulière, ses condamnations et la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français, l'absence de preuve de son séjour habituel sur le territoire depuis 2010, la circonstance qu'il est désormais célibataire et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, a prononcé à l'encontre de M. A... C... la mesure d'éloignement en litige. En outre, en se bornant à invoquer des circonstances humanitaires et en ne produisant, au soutien de cette allégation, que des documents médicaux d'une antériorité de plus de deux ans, ce dernier n'apporte pas des éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que son état de santé était susceptible de le faire bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de retenir que le préfet du Var aurait été contraint de saisir le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Dans ces conditions, son droit au séjour a été examiné au préalable de sorte que M. A... C... a donc bénéficié de la garantie rappelée au point précédent. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard d'une absence de vérification du droit au séjour, doit être écarté.

15. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...). " Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

16. Ni l'attestation, établie, au demeurant, le 15 novembre 2024, par l'association varoise d'aide aux toxicomanes et à leurs familles, selon laquelle M. A... C... aurait été reçu régulièrement par ses équipes entre 2015 et 2021, ni les quelques documents médicaux produits ne suffisent à justifier d'un séjour habituel. Si M. A... C... invoque également la circonstance que la vie commune avec son ex-concubine aurait désormais repris, l'attestation, rédigée le 31 octobre 2024, fait état d'une reprise de la vie commune " depuis sa sortie de prison " sans indication de date ni de durée. En outre, il ne peut se prévaloir d'aucun droit au séjour pour la période au cours de laquelle il a fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire d'une durée de deux ans et sa présence sur le territoire, ainsi qu'il a été dit au point 8, constitue une menace pour l'ordre public. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé, des motifs d'ordre public qui fondent la mesure d'éloignement, et en l'absence de motifs exceptionnels particuliers, le préfet du Var n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, M. A... C... n'ayant pas démontré l'illégalité de la mesure d'éloignement, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ".

19. La décision contestée vise les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne la nationalité de M. A... C..., et fait état de ce que ce dernier n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces mêmes stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision comporte les éléments de droit et de fait qui la fondent de sorte que l'insuffisance de motivation doit être écartée.

20. En dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

21. M. A... C... n'établit ni même n'allègue subir des risques personnels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine et n'établit pas davantage la gravité de l'affection dont il se dit atteint ni même qu'elle induirait une interruption de traitement l'exposant à des traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce le préfet du Var a fixé le pays de renvoi en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

S'agissant de la légalité de l'interdiction de retour d'une durée de cinq ans :

22. En premier lieu, M. A... C... n'ayant pas démontré l'illégalité de la mesure d'éloignement, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'interdiction de retour.

23. En deuxième lieu, en application des dispositions de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant interdiction de retour doit être motivée. Selon l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

24. La décision prononçant à l'encontre de M. A... C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée cinq ans vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 612-6. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet du Var a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, estimé que, eu égard à l'absence de preuve du caractère habituel de son séjour en France, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français, la durée de l'interdiction de retour d'une durée de cinq ans ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Par suite le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

25. En dernier lieu, le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer, à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français, une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision litigieuse rappelle, en se référant aux dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... C... a été condamné plusieurs fois, est défavorablement connu des services de police et qu'il présente une menace à l'ordre public. Elle précise en outre que l'intéressé a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et est célibataire sans charge de famille. Par suite, en fixant à cinq ans, soit la durée maximale, la durée de l'interdiction de retour prononcée contre l'intéressé, le préfet du Var n'a entaché sa décision d'aucune disproportion.

26. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication du dossier médical de l'intéressé ni d'ordonner une expertise médicale, que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, présentées à titre principal comme à titre subsidiaire, et au besoin, sous astreinte, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n°24TL02994 :

27. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n°2403828 du 7 octobre 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de la requête n° 24TL02994 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés aux litiges :

28. D'une part, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dans la présente instance, M. A... C... n'est pas fondé, en tout état de cause, à en solliciter le remboursement.

29. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, dans les présentes instances, les sommes demandées par M. A... C... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°24TL02994 de M. A... C... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n°2403828 du 7 octobre 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes ni sur les conclusions à fin d'injonction.

Article 2 : La requête n°24TL02894 de M. A... C... et les conclusions de la requête n°24TL02994 présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sur l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C..., à Me Farhat-Vayssière et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°24TL02894 et N°24TL02994 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02894
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : FARHAT-VAYSSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;24tl02894 ?
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