Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 août 2023 par lequel le préfet de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2305923 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2024, Mme C... épouse B..., représentée par Me Sergent, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de l'Aude du 18 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a regagné l'Argentine le 22 septembre 2023 et entend seulement contester la légalité de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté préfectoral du 18 décembre 2023 ;
- cette décision est insuffisamment motivée en fait ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle, notamment, quant à sa communauté de vie avec son époux de nationalité française ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits et d'erreur de droit quant à la régularité de son entrée et de son séjour en France depuis le 13 novembre 2021 et à la réalité de sa communauté de vie ;
- elle méconnaît l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aude lequel n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, par un courrier du 5 juin 2024, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 11 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mars 2025, à 12 heures.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse B..., ressortissante vénézuélienne, née le 4 décembre 1969, déclare être entrée en France le 13 novembre 2021 avant de contracter mariage avec un ressortissant français à Narbonne (Aude) le 7 mai 2022. Le 27 septembre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjointe de Français. Par un arrêté du 18 août 2023, le préfet de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. Mme C... épouse B... indique avoir quitté le territoire français le 22 septembre 2023 en exécution de l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre. Par un jugement du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme C... épouse B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de l'Aude du 18 août 2023 précité.
2. En premier lieu, la décision en litige vise les dispositions applicables à la situation de Mme C... épouse B..., en particulier l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquels a été examinée sa demande de titre de séjour. Elle mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressée en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, les raisons de fait pour lesquelles sa demande de titre de séjour est rejetée, sans que l'autorité préfectorale ait été tenue de les détailler. La décision en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est dès lors suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale, qui n'était pas tenue de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation familiale et personnelle de Mme C... épouse B..., se serait abstenue de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
5. L'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l'article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an (...) ". L'article L. 312-3 dudit code prévoit que : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Enfin, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas soumise à la condition de détention d'un visa de long séjour prévue dans le cadre d'une demande sur le fondement de l'article L. 423-1 du même code, à laquelle s'applique l'article L. 412-1, elle est en revanche subordonnée, d'une part, à une entrée régulière du demandeur sur le territoire français, d'autre part, à une vie commune et effective d'au moins six mois en France.
7. Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 dit code frontières Schengen : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière (...) ; / b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil, sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour ou d'un visa de long séjour en cours de validité ; / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; / d) ne pas être signalé aux fins de non-admission dans le SIS ; / e) ne pas être considéré comme constituant une menace pour l'ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l'un des États membres et, en particulier, ne pas avoir fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans les bases de données nationales des États membres pour ces mêmes motifs ". En application des dispositions combinées de l'article 3 et de l'annexe II du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, texte codifiant le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001, le Venezuela relève de la liste des pays tiers dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres.
8. Aux termes de l'article R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. À cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage (...) ".
9. Ainsi que cela ressort du titre de voyage de l'intéressée, Mme C... épouse B... est entrée en Espagne le 13 novembre 2021, via l'aéroport de Madrid, en provenance d'Argentine où elle résidait avec son fils sous couvert d'une carte de résident délivrée par les autorités argentines. S'il est constant que l'intéressée était dispensée de l'obligation de détenir un visa de long séjour en qualité de ressortissante vénézuélienne dont le mariage avec un ressortissant français a été célébré en France, cette circonstance ne la dispensait pas de respecter l'ensemble des conditions d'entrée sur le territoire français prévues par les dispositions citées aux points 5 à 8. Or, sur ce point, aucune pièce du dossier ne permet d'établir avec certitude la date de son entrée sur le territoire français, en l'absence notamment de déclaration d'entrée sur le territoire français souscrite, en application des articles L. 621-3 et R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... serait entrée en France de manière régulière alors qu'elle envisageait d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas davantage démontré que Mme C... épouse B... respectait, à la date à laquelle elle indique être entrée sur le territoire français, laquelle n'est pas établie par les pièces du dossier, l'ensemble des conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 dit code frontières Schengen.
10. Dès lors que, indépendamment de la réalité et de l'ancienneté de sa communauté de vie avec un ressortissant français, Mme C... épouse B... ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français à la date de l'arrêté en litige, elle ne pouvait pas prétendre, de plein droit, à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français. Par suite, le préfet de l'Aude n'a pas entaché sa décision d'une inexactitude matérielle des faits et n'a pas davantage fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Mme C... épouse B... se prévaut de son entrée en France le 13 novembre 2021, de sa communauté de vie avec son époux et de la scolarisation de son fils, né d'une précédente union, au sein d'un lycée à Narbonne. Elle produit, en outre, des photographies avec son conjoint, un justificatif de vaccination contre le virus du Covid-19, des attestations de témoins, une facture d'eau, une licence d'athlétisme souscrite au titre de l'année 2022-2023, un contrat de travail et des bulletins de paie. Toutefois, ces éléments, qui ne sont pas diversifiés et dont la force probante est limitée en l'absence, notamment, de quittance de loyer ou de facture d'énergie au nom des époux, ne permettent pas de caractériser l'ancienneté et la stabilité des liens personnels et familiaux développés en France où l'appelante est entrée de manière récente, à l'âge de 52 ans, par rapport à ceux qu'elle a conservés dans son pays d'origine ou en Argentine. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de son entrée en France et du caractère récent de son mariage à la date de la décision en litige, il n'existe aucun obstacle à ce que Mme C... épouse B... regagne temporairement son pays d'origine en vue de régulariser les conditions de son entrée en France, son fils majeur pouvant le cas échéant l'accompagner ou poursuivre sa scolarité en France. Outre que la séparation du couple sera temporaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée serait totalement dépourvue d'attaches familiales au Venezuela pas plus qu'il n'est démontré que son conjoint ne serait pas en mesure de l'accompagner. Dans ces conditions, en refusant à Mme C... épouse B... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Aude n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de Mme C... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... C... épouse B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL00263