Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2303628 du 2 février 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 février 2024, M. B... A..., représenté par le cabinet d'avocats VMAE, agissant par Me Marcel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 2 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel la préfète de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen au regard de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... a produit des pièces complémentaires le 17 février 2025, qui n'ont pas été communiquées.
Par une ordonnance du 23 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant togolais né le 10 juillet 1975 à Kpalimé (Togo), déclare être entré en France en février 2019. Le 24 avril 2023, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er juin 2023, la préfète de Vaucluse a refusé de faire droit à cette demande, a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 2 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ".
3. Si M. A... soutient que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa demande présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier qu'il aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions et la préfète de Vaucluse n'était pas tenue d'examiner d'office s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... est présent sur le territoire français depuis le premier trimestre de l'année 2019. Toutefois, il est constant que son entrée en France est irrégulière et qu'il n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour que le 24 avril 2023. De plus, s'il se prévaut de la présence régulière de son frère et de l'épouse de ce dernier ainsi que de sa relation avec une ressortissante française avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 31 mars 2021 et avec qui il vit chez la mère de cette dernière, cette relation présentait un caractère relativement récent au jour de la décision litigieuse et il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses deux enfants mineurs. Si à ce titre, l'appelant soutient ne plus entretenir de relation avec ses deux enfants et qu'en cas de retour au Togo, il sera empêché de les voir, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Enfin les contrats de travail à durée déterminée pour un emploi d'employé commercial conclus avec la société ETS René Vall pour les périodes comprises du 3 au 21 mai 2023 et du 29 mai au 4 juin 2023, le contrat conclu avec l'association Musical'Isle pour un emploi d'animateur en musiques actuelles, à hauteur d'une heure trente par semaine entre le 20 septembre 2022 et le 30 juin 2023, alors qu'il ne disposait au demeurant d'aucune autorisation de travail, et sa participation à l'activité de plusieurs associations dans le domaine musical et artistique, ne sauraient caractériser une intégration professionnelle ou sociale particulière sur le territoire français. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, la préfète de Vaucluse n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette mesure. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
7. Compte tenu des éléments mentionnés au point 5 du présent arrêt, en considérant que M. A... ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, la préfète de Vaucluse n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de Vaucluse n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation de l'intéressé.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. D'une part, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. D'autre part, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'égard de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui, par elle-même, n'implique pas le retour de M. A... dans son pays d'origine.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
12. M. A... soutient avoir dû quitter son pays d'origine en 2017 en raison de son engagement politique, qu'il était alors recherché par la police et par ses opposants politiques et qu'en cas de retour au Togo, il ne pourra pas vivre auprès de ses enfants et n'aura ni domicile, ni emploi. Toutefois, s'il produit un article de presse et une attestation établie par l'organisation Wanep Togo selon laquelle, à la suite d'une manifestation contre la hausse des prix des produits pétroliers en date du 28 février 2017, il a été recherché par la police et par des opposants politiques, ces éléments ne permettent pas à eux-seuls d'établir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait directement et personnellement exposé à un risque actuel de subir des traitements contraires aux stipulations précitées, alors qu'au demeurant, il est constant que sa demande d'asile présentée auprès des autorités italiennes a été rejetée et qu'il n'a pas présenté de demande d'asile depuis son entrée sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de Vaucluse du 1er juin 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme C..., présente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°24TL00538