Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Perpignan à lui payer une somme de 80 000 euros réparant ses préjudices, et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Par un jugement n° 2102249 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 juin 2023, le 18 avril 2024 et le 14 juin 2024, Mme A... C..., représentée par Me Large-Jaeger, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mai 2023 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Perpignan à lui verser une somme de 130 000 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de fait, des erreurs d'appréciation des faits et une erreur de droit ; il a procédé à un renversement de la charge de la preuve ;
- l'expertise n'a pas été contradictoire et est entachée de partialité ;
- la responsabilité du centre hospitalier de Perpignan doit être engagée dès lors qu'aucun examen ni diagnostic pertinent n'a été effectué par le centre hospitalier de Perpignan ;
- le centre hospitalier a manqué à son devoir d'information, prévu par les articles L. 111-2 et R. 4127-35 du code de la santé publique ;
- il a décidé de limiter les soins prodigués à M. C... aux soins de confort, sans consultation préalable du patient et de son épouse, et même ceux-ci étaient inadaptés, ce qui contrevient aux recommandations des bonnes pratiques ;
- son époux (et elle-même) a subi une violation de ses droits d'accès aux soins et de son droit au choix du médecin, consacrés par les articles L. 1110-3 et L. 1110-8 du code de la santé publique, et de l'obligation faite au service public hospitalier de respecter les principes fondamentaux d'égalité, de continuité, d'équité et de mutabilité ;
- les fautes commises par l'hôpital lui ont causé un préjudice d'impréparation, ont causé à son époux une perte de chance de survie ou de guérison, et les ont privés de la possibilité d'agir devant les juridictions afin de pallier les erreurs commises, en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le dossier médical de M. C... est incomplet, au regard des articles L. 1110-4, L. 1111-7 et R. 710-2-2 du code de la santé publique ;
- M. C... a fait l'objet d'une sédation profonde méconnaissant les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles L. 1110-5-2 et L. 1110-5-3 du code de la santé publique ;
- elle a subi un préjudice d'affection résultant de la perte de son mari, un préjudice moral résultant des manquements graves du centre hospitalier de Perpignan à ses obligations, et un préjudice d'impréparation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, le centre hospitalier de Perpignan, représenté par le cabinet Le Prado et Gilbert, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Wattrisse, substituant Me Large-Jaeger, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 19 août 1933, a été admis, le 9 février 2020, au service des urgences du centre hospitalier de Perpignan (Pyrénées-Orientales) et est resté hospitalisé dans cet établissement jusqu'à son décès, survenu le 19 février suivant. Mme C..., son épouse, a adressé, par courrier du 7 janvier 2021, au centre hospitalier de Perpignan, une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en conséquence des fautes commises par cet établissement. Par courrier du 7 avril 2021, le directeur-adjoint du centre hospitalier de Perpignan a rejeté sa demande. Par ordonnance du 20 janvier 2022, le président du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert aux fins, notamment, de procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. C..., de décrire l'état de santé de ce dernier antérieurement à son admission au centre hospitalier de Perpignan et les conditions de prise en charge et de soins dans cet établissement, de décrire son état pathologique ayant conduit aux soins, aux interventions et aux traitements pratiqués, de rechercher si les diligences nécessaires à l'établissement d'un diagnostic exact ont été mises en œuvre, si les interventions et actes médicaux pratiqués ont été exécutés conformément aux règles de l'art, de se prononcer sur la ou les causes du décès de l'intéressé et de fournir toutes précisions d'ordre médical de nature à permettre au tribunal d'apprécier les circonstances du décès. Par jugement du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme C... tendant à la condamnation du centre hospitalier de Perpignan à lui payer une somme de 80 000 euros en réparation de ses préjudices. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de fait, des erreurs d'appréciation des faits et de l'erreur de droit qu'auraient commises les premiers juges, et le moyen tiré de l'inversion de la charge de la preuve, qui se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peuvent être utilement invoqués.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de l'expertise :
3. En premier lieu, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige.
4. Il n'est pas contesté que le tableau et le graphique produits par le médecin du centre hospitalier de Perpignan ayant suivi M. C... lors de son hospitalisation en février 2020, à l'occasion de la réunion d'expertise qui s'est déroulée le 3 mai 2022, ne figuraient pas dans le dossier médical communiqué à Mme C..., sur sa demande, avant l'expertise. Toutefois, cette dernière en a pris connaissance lors de la réunion, au cours de laquelle les parties se sont librement exprimées, comme l'indique l'expert dans son rapport qui reproduit intégralement lesdits documents. L'appelante ne fait, au demeurant, état d'aucune observation ou élément d'information qu'elle se serait abstenue de communiquer à l'expert du fait de cette prise connaissance tardive de ces documents. Par suite, et compte tenu par ailleurs de la nature des documents en cause, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure d'expertise doit être écarté.
5. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des termes du rapport d'expertise, que l'expert désigné par le tribunal n'aurait pas accompli sa mission avec impartialité. Le moyen tiré du " parti pris " de l'expert dans l'accomplissement de sa mission doit donc être écarté.
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Perpignan :
6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...). ".
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. C... a été admis au service d'urgence le 9 février 2020, en raison de troubles du langage associés à une perte de mobilité et d'un ralentissement psychique, et hospitalisé en suivant, étant constatée par le service d'urgence une décompensation hyperosmolaire de diabète avec déshydratation globale, accompagnée d'un bilan hépatique perturbé et d'une insuffisance rénale aiguë. Il avait auparavant subi, le 30 janvier 2020, un examen par scanner thoraco-abdomino-pelvien ayant révélé la présence de métastases hépatiques et de ganglions, qui avait conduit à la programmation d'une biopsie diagnostique, prévue le 12 février 2020, laquelle a été annulée.
8. Tout d'abord, au cours de son hospitalisation au centre hospitalier de Perpignan, pendant laquelle M. C... a été suivi par le docteur ..., praticien hospitalier généraliste, l'intéressé a fait l'objet, notamment, d'une radiographie du thorax le 9 février 2020, d'un examen cérébral par imagerie par résonance magnétique, le 13 février 2020 qui a relevé l'absence de lésion suspecte à l'étage encéphalique, et d'un scanner le 17 février 2020, qui confirmé les résultats du scanner pratiqué le 29 janvier 2020 et relevé l'apparition de plusieurs formations ganglionnaires. Concernant une éventuelle prise en charge cancérologique, le docteur ... a demandé l'avis de l'équipe mobile d'oncogériatrie, qui a confirmé, le 18 février 2020, l'absence de bénéfice d'une telle prise en charge compte tenu de l'état de santé du patient. Alors par ailleurs qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'état de santé général du patient, décrit au point précédent, ne permettait pas le maintien du rendez-vous du 12 février 2020 en vue d'une biopsie diagnostique, en dépit du souhait contraire exprimé par les époux C..., le centre hospitalier n'a pas, compte tenu de l'état de santé du patient, commis de faute en n'effectuant pas d'explorations supplémentaires.
9. Ensuite, la circonstance que les bilans biologiques et les comptes-rendus médicaux n'ont pas été effectués quotidiennement, mais seulement à certaines dates, au cours de l'hospitalisation de M. C... ne suffit pas à caractériser un manquement dans le suivi et la prise en charge de l'intéressé, tandis que, contrairement à ce que soutient l'appelante, son époux a continué de faire l'objet d'une hydratation au long de son hospitalisation, le traitement étant appliqué la nuit. Enfin, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise que l'état général de M. C... a connu une altération rapide, du fait de l'évolution rapide du cancer avec l'aggravation de la dégradation de la fonction hépatique et l'apparition de nouvelles lésions métastatiques sur des sites distants. L'expert désigné par le tribunal fait état, à cet égard, de l'absence de traitement curatif pour ce cancer évolué, et de ce que l'altération de l'état général du patient empêchait l'initiation d'une prise en charge diagnostique et palliative du cancer.
10. Enfin, la décision de limiter les soins prodigués aux soins de confort, considérée comme judicieuse et correctement menée dans le rapport d'expertise, a été prise après consultation, le 17 février 2020, d'un médecin ne prenant pas en charge le patient, et membre de l'équipe mobile d'oncogériatrie. Les soins ont notamment consisté en l'apposition d'un patch en vue de diminuer les sécrétions bronchiques et en l'administration d'une dose considérée comme faible à modérée de morphine, afin de soulager une gêne respiratoire, soins considérés comme classiques par l'expert. Ainsi, et comme le conclut le rapport d'expertise, qui n'est infirmé par aucune autre pièce produite, les diagnostics, les traitements et les soins prodigués par le centre hospitalier ont été conformes aux données de la science et adaptés à l'état du patient.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1110-3 du code de la santé publique : " Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins. / Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne, y compris refuser de délivrer un moyen de contraception en urgence, pour l'un des motifs visés au premier alinéa de l'article 225-1 ou à l'article 225-1-1 du code pénal ou au motif qu'elle est bénéficiaire de la protection complémentaire en matière de santé prévue à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, ou du droit à l'aide prévue à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles. (...) ". Aux termes de l'article L. 1110-8 du même code : " Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu'il relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, est un principe fondamental de la législation sanitaire. (...) ".
12. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait fait l'objet d'une discrimination liée à l'âge dans la prise en charge dont il a fait l'objet, alors par ailleurs que, comme l'a souligné le rapport d'expertise, les soins donnés à M. C... étaient adaptés à l'état de santé du patient. Par ailleurs, la circonstance que M. C... n'a pas été transféré du service de médecine générale vers le service d'oncologie alors qu'il était atteint d'un cancer découle de la décision de limiter les soins aux soins dits " de confort ", compte tenu de l'état de santé du patient, qui faisait obstacle à la mise en place d'un traitement cancérologique et d'explorations supplémentaires, cette décision ayant été prise après consultation du médecin de l'équipe mobile d'oncogériatrie. Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier aurait méconnu le droit d'accès aux soins et le droit du choix du médecin de M. C....
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1110-5-3 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée. / Le médecin met en place l'ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s'ils peuvent avoir comme effet d'abréger la vie. Il doit en informer le malade, sans préjudice du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches du malade. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. / Toute personne est informée par les professionnels de santé de la possibilité d'être prise en charge à domicile, dès lors que son état le permet. ". Aux termes de l'article L. 1110-5-2 du même code : " A la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants : 1° Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ; 2° Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable. / (...) La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l'équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d'application prévues aux alinéas précédents sont remplies. ".
14. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 4127-37-4 du code de la santé publique : " Le médecin accompagne la personne selon les principes et dans les conditions énoncés à l'article R. 4127-38. Il veille également à ce que l'entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire. ". Aux termes de l'article R. 4127-38 du même code : " Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. / Il n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort. ". Aux termes de l'article R. 4127-40 du même code : " Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. ".
15. Il résulte de l'instruction que M. C... a reçu, la veille de son décès, des soins consistant en l'apposition d'un patch en vue de diminuer les sécrétions bronchiques, en l'administration d'amoxicilline et d'acide clavulanique et en l'inhalation d'aérosol. A partir de 20 heures, lui a en outre été administrée une dose de morphine à hauteur de 9 mg de 20h à 5h le lendemain, ce qui est un dosage considéré comme faible à modéré par l'expert désigné par le tribunal. Compte tenu de ce niveau de dosage et de l'indication thérapeutique, liée au soulagement d'une gêne respiratoire, et en dépit des propos maladroits, et regrettables, tenus respectivement par un assistant et un infirmier, sur le fait de " mettre fin à ses jours " et sur la " mise en place d'un protocole de fin de vie ", Mme C... n'est pas fondée à soutenir que son époux a fait l'objet d'une sédation profonde au sens de l'article L. 1110-5-2 du code de la santé publique, ni que, par le traitement en cause, la mort aurait été délibérément donnée à son époux.
16. Par ailleurs, d'après le rapport d'expertise, qui souligne que l'administration de la morphine " n'a pas été la cause principale du décès mais a permis à ce qu'il décède dans un sommeil paisible ", cette administration médicamenteuse, en place en fin de journée le 18 février 2020 pour soulager une gêne respiratoire constatée, qui doit être regardée comme réfractaire au traitement déjà en place, a pu avoir pour effet d'abréger la vie de M. C.... Or il résulte de l'instruction, en particulier des observations médicales et comptes-rendus d'hospitalisation reproduits dans le dossier d'expertise que Mme C..., personne de confiance désignée par son époux, a été informée par le docteur ..., et par le médecin de l'équipe mobile d'oncogériatrie à l'issue de l'examen pratiqué le 18 février 2020, de la gravité de l'état de santé de son époux, et de ce qu'il n'était pas raisonnable de continuer les explorations diagnostiques, ce dont elle a convenu. Si l'appelante soutient n'avoir pas été informée du traitement par morphine qui serait administré à son époux, il résulte du rapport d'expertise que le docteur ... a indiqué, lors de la réunion d'expertise, avoir expliqué à Mme C... la mise en place de ce traitement pour soulager la respiration rapide de son époux, tandis que cette dernière a admis ne pas se souvenir de tous les entretiens avec ce docteur, ce qu'elle imputait à son état d'anxiété sévère au cours de cette période. Dans ces conditions, Mme C... doit être regardée comme ayant été informée quant à la mise en place du traitement analgésique en cause. Par suite, le centre hospitalier de Perpignan n'a pas commis de manquement, au regard de l'article L. 1110-5-3 du code de la santé publique.
17. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
18. Il résulte de l'instruction que Mme C..., qui a admis ne pas se souvenir de tous les entretiens avec le docteur ... du fait de son état d'anxiété, ainsi qu'il a été dit au point 16, a été informée à plusieurs reprises de l'état de santé de son époux et de son évolution, par le docteur ..., en charge du suivi de M. C..., ainsi que, le 18 février 2020, veille du décès de ce dernier, par le médecin de l'équipe mobile d'oncogériatrie. L'information donnée, qui alertait Mme C..., désignée comme personne de confiance, en particulier sur la gravité de l'état de santé de son époux, faisant obstacle à la mise en place d'un traitement cancérologique, et sur le caractère déraisonnable de la réalisation d'explorations supplémentaires, présentant un caractère loyal et approprié. Par ailleurs, eu égard à l'état de santé de M. C... et à son évolution, décrits au point 9, la circonstance, à la supposer établie, que ce dernier n'ait pas été suffisamment informé sur son état ne l'a pas privé d'une chance de se soustraire à l'issue fatale de son hospitalisation. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier Perpignan à raison du défaut d'information qu'elle allègue.
19. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : " (...) Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-7 du même code : " Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels de santé, par des établissements de santé par des centres de santé, par des maisons de naissance, par le service de santé des armées ou par l'Institution nationale des invalides qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. (...) ". L'article L. 1111-7 du code de la santé publique institue un droit, pour toute personne, d'accéder aux informations concernant sa santé détenues par des professionnels ou établissements de santé, dans les délais et conditions qu'il fixe et qui sont précisées par voie réglementaire. Aux termes de l'article R. 1111-7 du même code : " L'ayant droit, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d'une personne décédée qui souhaite accéder aux informations médicales concernant cette personne, dans les conditions prévues au neuvième alinéa de l'article L. 1110-4, doit préciser, lors de sa demande, le motif pour lequel elle a besoin d'avoir connaissance de ces informations. ". Aux termes de l'article R. 1112-2 du même code : " Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé. Ce dossier contient au moins les éléments suivants, ainsi classés : 1° Les informations formalisées recueillies lors des consultations externes dispensées dans l'établissement, lors de l'accueil au service des urgences ou au moment de l'admission et au cours du séjour hospitalier, et notamment : a) La lettre du médecin qui est à l'origine de la consultation ou, en cas d'admission, la lettre de liaison prévue à l'article R. 1112-1-1 ; b) Les motifs d'hospitalisation ; c) La recherche d'antécédents et de facteurs de risques ; d) Les conclusions de l'évaluation clinique initiale ; e) Le type de prise en charge prévu et les prescriptions effectuées à l'entrée ; f) La nature des soins dispensés et les prescriptions établies lors de la consultation externe ou du passage aux urgences ; g) Les informations relatives à la prise en charge en cours d'hospitalisation : état clinique, soins reçus, examens para-cliniques, notamment d'imagerie ; h) Les informations sur la démarche médicale, adoptée dans les conditions prévues à l'article L. 1111-4 ; (...) m) Les éléments relatifs à la prescription médicale, à son exécution et aux examens complémentaires ; n) Le dossier de soins infirmiers ou, à défaut, les informations relatives aux soins infirmiers ; o) Les informations relatives aux soins dispensés par les autres professionnels de santé ; p) Les correspondances échangées entre professionnels de santé ; q) Les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11 ou, le cas échéant, la mention de leur existence ainsi que les coordonnées de la personne qui en est détentrice. 2° Les informations formalisées établies à la fin du séjour. (...). ".
20. Il résulte de l'instruction que, Mme C... en ayant sollicité la communication par courrier du 10 mars 2020, le dossier médical de son époux lui a été adressé le lendemain par le centre hospitalier de Perpignan. Si des documents complémentaires ont été présentés ultérieurement dans le cadre de la mission d'expertise diligentée par le tribunal, faisant apparaître que le dossier transmis le 11 mars 2020 n'était pas complet, l'expert a pu avoir accès à toutes les pièces utiles pour remplir la mission que le tribunal administratif de Montpellier lui a confiée. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'omission de ces documents dans le cadre de la transmission initiale à Mme C... du dossier médical de son époux procède d'une manœuvre du centre hospitalier destinée à occulter ses erreurs, alors, en tout état de cause, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'aucune faute de l'établissement de santé ne peut être retenue. Par suite, le caractère incomplet du dossier médical communiqué à Mme C... sur sa demande n'est à l'origine d'aucun préjudice spécifique pour cette dernière.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité du centre hospitalier de Perpignan ne peut être engagée. Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
22. D'une part, il y a lieu de laisser les frais d'expertise à la charge définitive de Mme C.... D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Perpignan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL01458