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15/05/2025 | FRANCE | N°24TL01949

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 15 mai 2025, 24TL01949


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. C... et Mme E... D..., M. F... G... et Mme B... A... et l'association SOS Ségala Nature ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le permis de construire tacite délivré par le préfet du Tarn le 21 juillet 2023 ensemble le certificat de permis tacite délivré le 18 août 2023 à la société par actions simplifiée Aimer le Ségala pour la construction d'une unité de méthanisation agricole avec pose de panneaux photovoltaïques sur un terrain situé lieu-

dit " Poumayrol " sur le territoire de la commune de Rosières.



La commune de Rosi...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... et Mme E... D..., M. F... G... et Mme B... A... et l'association SOS Ségala Nature ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le permis de construire tacite délivré par le préfet du Tarn le 21 juillet 2023 ensemble le certificat de permis tacite délivré le 18 août 2023 à la société par actions simplifiée Aimer le Ségala pour la construction d'une unité de méthanisation agricole avec pose de panneaux photovoltaïques sur un terrain situé lieu-dit " Poumayrol " sur le territoire de la commune de Rosières.

La commune de Rosières a également demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ce même permis de construire tacite du 21 juillet 2023 ainsi que le certificat de permis tacite délivré le 18 août 2023 par le préfet du Tarn.

Par un jugement nos 2305729, 2305730 du 17 mai 2024, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir joint les deux procédures, a rejeté ces demandes et a mis une somme de 1500 euros à la charge de M. D... et des autres requérants ainsi que la même somme à la charge de la commune de Rosières à verser à la société Aimer le Ségala au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2024, 17 décembre 2024, 20 mars 2025 et 11 avril 2025, M. et Mme D..., M. G... et Mme A..., représentés par Me Hudrisier, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2305729 du 17 mai 2024 rendu par le tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler le permis de construire tacite du 21 juillet 2023 ainsi que le certificat de permis tacite délivré par le préfet du Tarn le 18 août 2023

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Aimer le Ségala la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- la requête d'appel n'est pas irrecevable dès lors qu'ils critiquent à la fois la régularité et le bien-fondé du jugement ;

- les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées ;

Sur la régularité du jugement :

- la minute du jugement n'est pas signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en omettant de préciser en quoi les pièces du dossier démontrent que le biométhane produit sera vendu et injecté dans le réseau de distribution publique de gaz de la régie ENE'O alors que la réalité du besoin collectif de la population en gaz n'est pas établie ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- ils justifient chacun d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'ils résident à proximité du terrain d'assiette du projet et que l'unité de méthanisation sera à l'origine de nuisances liées aux odeurs et au trafic routier qui porteront atteinte aux conditions de jouissance de leurs biens ;

- le dossier de demande de permis de construire ne permet pas d'apprécier la présence de nombreuses constructions et maisons d'habitation en méconnaissance des dispositions du c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- le plan en coupe joint au dossier de demande, qui ne reflète pas de manière sincère le profil du terrain, ne respecte pas les exigences posées par les dispositions du b) de l'article R. 431-10 du même code ; en outre, cette insuffisance n'a pas permis à l'autorité administrative de se prononcer en toute connaissance de cause compte tenu du risque de mouvement de terrain qui caractérise le secteur et du risque de pollution du cours d'eau du Cérou en aval du projet ;

- il n'est pas justifié dans le dossier de demande de permis de construire que le biométhane produit sera vendu et injecté dans le réseau public de distribution de gaz ; le projet en litige ne peut être regardé comme étant d'intérêt collectif ;

- le permis de construire a été délivré en violation des dispositions de l'article A-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rosières, applicable à la zone agricole A, dès lors que l'unité de méthanisation en litige ne peut être regardée comme une installation nécessaire à l'exploitation agricole ;

- en l'absence de production des statuts de la société pétitionnaire dans la demande de permis de construire, le service instructeur n'a pas été en mesure d'apprécier si l'unité de méthanisation relève d'une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime :

- le projet en litige, qui aura pour conséquence d'augmenter considérablement les nuisances olfactives et sonores ainsi que le trafic routier, a été autorisé en méconnaissance de l'article A-2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet ne respecte pas les exigences prévues par les dispositions de l'article A-3 du même règlement compte tenu de l'étroitesse de la voie d'accès au site d'implantation du projet ; celle-ci ne permet pas le croisement des véhicules et ne répond pas à l'importance de la destination du projet ; en outre, le chemin d'Albi qui dessert le projet ne permet pas de respecter les exigences posées par l'article 12 de l'arrêté du 24 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2230 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article A-6 du même règlement relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques en ce que le projet ne respecte pas la règle de recul de 100 mètres par rapport à la route nationale 88 ; il n'est pas démontré que le projet est d'intérêt collectif permettant de déroger à cette règle ;

- en outre, le profil altimétrique du terrain d'assiette du projet représenté dans le dossier de demande de permis de construire n'est pas sincère ;

- le dossier de permis de construire ne permet pas d'apprécier l'insertion paysagère du projet.

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 octobre 2024, 10 mars 2025 et 10 avril 2025, la société Aimer le Ségala, représentée par Me Gandet, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme afin de permettre la régularisation du permis de construire en litige et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable en l'absence de toute critique utile sur le fond du jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse ;

- les appelants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- à titre infiniment subsidiaire, il appartiendra à la cour de prononcer un sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme afin de permettre, le cas échéant, la régularisation d'un vice dont serait entaché le permis de construire en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2025, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte aux écritures en défense du préfet du Tarn développées dans son mémoire de première instance et à celles de la société Aimer le Ségala développées dans ses mémoires en défense devant la cour et qui soutiennent que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 24 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2230 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Chabert

- les conclusions de M. Frédéric Diard, rapporteur public

- les observations de Me Hudrisier, représentant les appelants,

- et les observations de Me Sicoli, représentant la société Aimer le Ségala.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Aimer le Ségala a déposé le 30 décembre 2022 une demande de permis de construire pour la réalisation d'une unité de méthanisation agricole avec pose de panneaux photovoltaïques sur un terrain situé au lieu-dit " Poumayrol " sur le territoire de la commune de Rosières (Tarn). En l'absence de décision expresse du préfet du Tarn à l'issue du délai d'instruction de cette demande enregistrée sous le n° PC 081 230 22 10007, un permis de construire tacite accordé au nom de l'Etat est né le 21 juillet 2023. Le préfet du Tarn a délivré le 18 août 2023 à la société pétitionnaire un certificat de permis tacite en application de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme. Par la présente requête, M. et Mme D..., M. G... et Mme A... relèvent appel du jugement n° 2305729 du 17 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis de construire et du certificat de permis tacite et a mis à leur charge une somme de 1 500 euros à verser à la société Aimer le Ségala au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté a été signée par la présidente de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signatures de la minute du jugement, manque en fait et ne peut donc qu'être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, après avoir indiqué au point 5 les conditions d'occupation ou d'utilisation du sol interdites ou admises en zone agricole A par les dispositions des articles A-1 et A-2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rosières, ont précisé que l'unité de méthanisation en litige fonctionne grâce à la valorisation de substrats d'origine agricole et que le biométhane produit sera vendu et injecté dans le réseau de distribution publique de gaz de la régie ENEO afin de répondre aux besoins en énergie de la population et des entreprises du secteur de Carmaux. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance par le projet des articles A-1 et A-2 du règlement du plan local d'urbanisme autorisant sous condition les constructions nécessaires à l'activité agricole ainsi que les installations d'intérêt collectif. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les premiers juges n'avaient pas à se prononcer sur l'ensemble des arguments invoqués au soutien de ce moyen.

Sur bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la composition du dossier de demande de permis de construire :

4. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / (...) b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; (...) ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la société Aimer le Ségala a produit à l'appui de sa demande de permis de construire deux plans en coupe cotés PC 3 montrant le profil en pente du terrain naturel au droit du projet et matérialisant, en jaune, les parties qui seront décaissées et, en vert, les parties qui seront exhaussées. Les appelants invoquent le caractère non sincère de ces plans en coupe et produisent un profil altimétrique de la partie arrière du terrain passant d'une altitude de 290 mètres environ à 270 mètres environ sur une distance de plus de 150 mètres. Toutefois, alors que les plans en coupe montrent que le terrain naturel présente une déclivité marquée, la différence alléguée entre ces plans et le profil altimétrique versé au débat ne suffit pas, à la supposer établie, à établir que l'autorité administrative n'aurait pas été en situation de porter une appréciation sur la conformité du projet aux règles d'urbanisme compte tenu notamment des risques de mouvement de terrain liés au phénomène de retrait et gonflement des argiles ou de pollution du cours d'eau du Cérou situé en aval.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la société Aimer le Ségala a joint à sa demande de permis de construire deux documents graphiques cotés PC 6 permettant d'apprécier l'insertion du projet dans l'environnement proche et lointain sur lesquels apparaissent des constructions avoisinantes. Le dossier comprend également une carte à l'échelle 1/25 000ème qui localise précisément le projet sur le territoire de la commune de Rosières ainsi que les différents hameaux situés à proximité. Enfin, une photographie aérienne du terrain d'assiette montre l'implantation des constructions projetées ainsi qu'un bâtiment d'exploitation déjà existant situé à proximité. Dans ces conditions, le dossier de demande de permis de construire répond aux exigences des dispositions précitées du c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme permettant à l'autorité administrative d'apprécier notamment les conditions d'insertion du projet dans son environnement.

En ce qui concerne le respect du plan local d'urbanisme de la commune de Rosières :

S'agissant du respect des articles A-1 et A-2 du règlement du plan local d'urbanisme :

8. Aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme : " I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages / (...) ; II.- Dans les zones agricoles ou forestières, le règlement peut autoriser les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. / III.- Lorsque le règlement n'interdit pas les constructions ou les installations mentionnées au II du présent article, les installations de méthanisation mentionnées à l'article L. 111-4 sont considérées comme de telles constructions ou de telles installations. Ces projets d'installations sont préalablement soumis pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. ". L'article L. 111-4 du même code dispose que : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, (...) ; / (...) Pour l'application du présent article, les installations de production et, le cas échéant, de commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation qui respectent les conditions fixées à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime sont considérées comme des constructions ou des installations nécessaires à l'exploitation agricole mentionnées au 2° du présent article. ".

9. L'article A-1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rosières, applicable à la zone agricole A dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet, dispose que : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol suivantes : / (...) Toutes les constructions et installations à l'exception : / des constructions ou installations nécessaires à l'exploitation agricole sous réserve qu'elles respectent les mentions de l'article A-2 ci-après ; / des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ; / (...) ". Aux termes de l'article A-2 du même règlement, sont admises sous conditions notamment : " Dans le secteur A : / (...) la création, l'extension et l'aménagement des constructions à usage agricole existantes sous réserve de ne pas augmenter les nuisances pour les secteurs d'habitat environnants et que les constructions s'intègrent de manière harmonieuse à leur environnement ; / (...) ".

10. Par ailleurs, l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. (...) Il en est de même de la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles. (...)". Aux termes de l'article D. 311-18 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour que la production et, le cas échéant, la commercialisation de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation soient regardées comme activité agricole en application de l'article L. 311-1, l'unité de méthanisation doit être exploitée et l'énergie commercialisée par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles. Ces exploitants agricoles sont, soit des personnes physiques inscrites au registre mentionné à l'article L. 311-2, soit des personnes morales dont au moins l'un des associés, détenant au moins 50 % des parts de la société, est un exploitant agricole inscrit à ce registre. / Le respect de la condition de provenance des matières premières à partir desquelles l'énergie est produite est apprécié, par exercice, au niveau de la structure gestionnaire de l'unité de méthanisation, et en masse de matières brutes présentées sous leur forme habituelle, sans transformation ni hydratation supplémentaires. (...) ".

11. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des statuts de la société pétitionnaire, lesquels ne sont pas au nombre des pièces devant être jointes à l'appui d'une demande de permis de construire, que la société Aimer le Ségala a été créée par des personnes physiques et des personnes morales telles que des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), des exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) et des sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA) dans le but notamment de mettre en place et d'exploiter une ou plusieurs unités de méthanisation agricole et de vendre tous produits issus de la méthanisation. Il ressort également des pièces du dossier de demande, notamment de la notice descriptive jointe à la demande de permis de construire, que l'unité de méthanisation traitera un tonnage annuel total de 10 913 tonnes, soit 29,90 tonnes par jour d'effluents d'élevage et de substrats d'origine végétale constitués de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) d'hiver, de fumiers de bovins, d'ovins, de palmipèdes et de poulets ainsi que de lisier de palmipèdes. Par ailleurs, cette même notice descriptive précise que la totalité du gisement se trouve dans un rayon moyen de 15 kilomètres et le dossier de déclaration au titre des installations classées pour la protection de l'environnement indique que le site se situe à proximité immédiate de l'exploitation d'un des porteurs du projet et occupe une situation centrale par rapport à tous les autres apporteurs d'effluents et que les substrats ou intrants proviennent à 100 % des structures engagées dans le projet. S'il est vrai que la société pétitionnaire revêt la forme sociale commerciale de société par actions simplifiée et qu'est prévue la vente de tous produits issus de la méthanisation ainsi qu'il vient d'être indiqué, ces circonstances n'ont pas pour conséquence de faire perdre au projet en litige son caractère agricole au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Dans ces conditions, cette unité de méthanisation doit être regardée comme une installation nécessaire à l'exploitation agricole en application de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme dont la construction est admise sous conditions en zone A du plan local d'urbanisme de la commune de Rosières.

12. D'autre part, tant la notice descriptive jointe à la demande de permis de construire que le dossier de déclaration au titre des installations classées pour la protection de l'environnement mentionnent que la valorisation envisagée est l'injection du biométhane dans le réseau de distribution géré par la régie locale ENEO pour un débit envisageable de 100 normo mètres cubes par heure (Nm3/h). Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas davantage de précision sur les conditions de valorisation du biométhane produit par l'unité de méthanisation et d'injection dans le réseau public ne suffit pas à remettre en cause l'intention de la société pétitionnaire sur ce point, permettant ainsi de regarder ce projet comme une installation d'intérêt collectif au sens et pour l'application de l'article A-1 du règlement du plan local d'urbanisme cité au point 8.

13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la première habitation située au nord du projet en litige se situe à une distance de 210 mètres de la limite du périmètre identifié au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, 225 mètres du digesteur et 257 mètres du bâtiment d'incorporation et de stockage des fumiers et du digestat solide. Si les appelants soutiennent que le projet va considérablement augmenter les nuisances olfactives, les nuisances sonores et créer également des nuisances en raison de l'augmentation du trafic routier, la seule référence aux observations générales émises par le Collectif Scientifique National Méthanisation Raisonnable (CSNMR) ne suffit pas à démontrer que le projet augmenterait les nuisances pour les secteurs d'habitats environnants.

14. Il résulte de ce qui vient d'être exposé aux trois points précédents que l'unité de méthanisation en litige pouvait être légalement autorisée en zone agricole A du plan local d'urbanisme sans méconnaître les dispositions précitées des articles A-1 et A-2 du règlement de ce plan.

S'agissant du respect de l'article A-3 du règlement du plan local d'urbanisme :

15. Aux termes de l'article A-3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les caractéristiques des voies de desserte publique et privées doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte, de protection civile, brancardage, ramassage des ordures ménagères, et objets encombrants, ainsi que la défense contre l'incendie (plate-forme minimale de 3,50 m, hauteur sous porche minimale de 3,50 m, rayon minimal de 11 m). ".

16. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est constitué de deux parcelles cadastrées section ZH nos 66 et 67 située au lieu-dit Poumayrol sur le territoire de la commune de Rosières. Il est vrai que ce lieu-dit est traversé par une voie communale dénommée chemin d'Albi, dont les requérants soutiennent qu'elle ne répond pas aux exigences prévues par l'article A-3 précité compte tenu de sa faible largeur, de son profil en courbe, de sa déclivité et des risques en cas de pluie. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que cette voie communale n'est pas celle qui dessert directement le terrain d'assiette du projet. Il ressort en effet des plans joints à la demande de permis de construire que l'accès au projet se fera, à partir du chemin d'Albi, en deux points différents en empruntant un chemin existant dont il n'est établi ni même allégué que sa plate-forme serait d'une largeur inférieure à 3,50 mètres alors que le procès-verbal de constat d'un commissaire de justice établi en dernier lieu le 9 avril 2025 se borne à relever les difficultés de croisement sur le chemin d'Albi, lequel n'est pas, ainsi qu'il vient d'être exposé, la voie de desserte du projet. Dans ces conditions, le permis de construire en litige ne peut être regardé comme ayant été délivré en méconnaissance de l'article A-3 du règlement du plan local d'urbanisme.

S'agissant du respect de l'article A-6 du règlement du plan local d'urbanisme :

17. L'article A-6 du règlement du plan local d'urbanisme dispose que : " Les constructions devront s'implanter en retrait de 5 mètres minimum de l'alignement des rues, emprises publiques ou de la limite d'emprise qui s'y substitue pour les voies privées et à 100 m minimum de part et d'autre de l'axe de la RN88 (L. 111-1-4 du code de l'urbanisme). / (...) / Sont exclus de ces dispositions, les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif. ".

18. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé au point 11 du présent arrêt, que l'unité de méthanisation autorisée par le permis de construire en litige permettra la production de biométhane, lequel sera injecté dans le réseau public de distribution de biogaz géré par la régie ENEO, répondant ainsi aux besoins en énergie de la population et des entreprises présentes dans le secteur de Carmaux. Cette unité de méthanisation peut être ainsi regardée comme une installation d'intérêt collectif au sens de l'article A-6 précité du règlement du plan local d'urbanisme pour laquelle la distance de retrait de 100 mètres de part et d'autre de l'axe de la route nationale n° 88 n'est pas applicable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne le respect de l'arrêté du 24 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2230 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement

19. En raison du principe d'indépendance des législations, les appelants ne peuvent utilement invoquer à l'encontre du permis de construire en litige la méconnaissance des exigences posées en matière d'accessibilité par l'article 12 de l'arrêté du 24 avril 2017 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2230 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 de cet arrêté du 24 avril 2017 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. et Mme D... et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire tacite n° PC 081 230 22 10007 du 21 juillet 2023 ainsi que du certificat de permis tacite délivré le 18 août 2023 par le préfet du Tarn.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de la société Aimer le Ségala et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. et Mme D... et les autres requérants et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme D... et des autres requérants une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Aimer le Ségala et non compris dans les dépens sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : M. et Mme D... et les autres requérants verseront à la société Aimer le Ségala une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et E... D..., premiers dénommés pour l'ensemble des requérants, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la société par actions simplifiée Aimer le Ségala.

Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le président-rapporteur,

D. ChabertL'assesseur le plus ancien,

F. Jazeron

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24TL01949 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01949
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : THESIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24tl01949 ?
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