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15/05/2025 | FRANCE | N°24TL01938

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 15 mai 2025, 24TL01938


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



Mme L... K..., M. et Mme D... et G... M..., M. C... J..., Mme E... F..., M. R... I..., Mme P... H..., M. Q... A... et l'association SOS Ségala Nature ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté n° PC 081 170 22 A0011 du 4 août 2023 par lequel le préfet du Tarn a accordé à la société par actions simplifiée Aimer le Ségala un permis de construire pour une unité de méthanisation agricole avec pose de panneaux photovoltaïques sur un terrain situ

lieu-dit " La Secayre " sur le territoire de la commune de Monestiés.



M. et Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme L... K..., M. et Mme D... et G... M..., M. C... J..., Mme E... F..., M. R... I..., Mme P... H..., M. Q... A... et l'association SOS Ségala Nature ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté n° PC 081 170 22 A0011 du 4 août 2023 par lequel le préfet du Tarn a accordé à la société par actions simplifiée Aimer le Ségala un permis de construire pour une unité de méthanisation agricole avec pose de panneaux photovoltaïques sur un terrain situé lieu-dit " La Secayre " sur le territoire de la commune de Monestiés.

M. et Mme O... et N... B... ont également demandé au tribunal administratif d'annuler le même arrêté.

Par un jugement nos 2306048, 2306085 du 17 mai 2024, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir joint les deux instances, a rejeté ces demandes et a mis à la charge des requérants une somme de 1 500 euros à verser à la société Aimer le Ségala en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans chacune des instances.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2024, 17 décembre 2024, 20 mars 2025 et 11 avril 2025, M. A..., représenté par Me Hudrisier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2306048 du 17 mai 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 4 août 2023 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Aimer le Ségala la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement n'est pas signé en méconnaissance de exigences prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en omettant de préciser en quoi les statuts de la société pétitionnaire démontrent qu'elle est détenue par des agriculteurs ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- il ne ressort pas des statuts de la société pétitionnaire que celle-ci serait détenue à 100 % par des exploitations agricoles et des agriculteurs associés ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier que les intrants, composés d'effluents d'élevage et de substrats d'origine végétale issus de culture intermédiaire à vocation énergétique, seront à 100 % d'origine agricole et proviendront de dix exploitations associées situées dans un rayon moyen de 15 kilomètres de l'installation ;

- les conditions prévues par l'article L. 111-4 du code l'urbanisme ne sont pas réunies alors même qu'un avis favorable a été émis par la chambre d'agriculture et la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;

- l'unité de méthanisation décrite dans le projet et le dossier de demande de permis de construire ne peut être regardée comme une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et ne pouvait être autorisée sur le terrain d'assiette du projet en application des articles L. 111-4 et L. 161-4 du code de l'urbanisme ;

- il n'est pas démontré que l'énergie produite par l'unité de méthanisation sera injectée dans le réseau public et le caractère d'équipement collectif ne peut être retenu ;

- le service instructeur n'ayant pu apprécier la vocation agricole de l'unité de méthanisation, les dispositions de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- le projet porte atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ;

- ce projet est source de nuisances olfactives ;

- il justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande de permis de construire ne respecte pas les exigences posées par les dispositions des b) et c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme en ce que, d'une part, le plan de coupe ne permet pas de connaître l'état initial du terrain et le profil du terrain après les travaux et, d'autre part, les plans et prises de vue produits à l'appui de la demande sont trop imprécis, éloignés et flous, ne permettant pas d'apprécier la présence de nombreuses constructions et maisons avoisinantes ;

- le projet, qui s'implante en zone non constructible où toute construction est interdite, méconnaît la carte communale de Monestiés approuvée le 5 janvier 2010 ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors que l'arrêté aurait dû imposer des plantations d'une hauteur d'au moins 10 mètres sur l'ensemble des faces du projet ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dès lors que la voie d'accès est étroite et ne permet ni le passage des véhicules de secours ni leur stationnement ; aucune des prescriptions reprises dans l'avis du service départemental d'incendie et de secours du Tarn n'est respectée s'agissant du positionnement de la bâche incendie et du risque particulier que les installations photovoltaïques peuvent présenter ; le projet porte atteinte à la salubrité publique en raison des nuisances olfactives dégagées, sans que l'arrêté contesté ne comporte de prescription spéciale à ce titre ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, dès lors que la voie d'accès est étroite et ne permet ni le passage des véhicules de secours ni leur stationnement ;

- en outre, la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel doit être écartée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 octobre 2024, 10 mars 2025, et 10 avril 2025, la société Aimer le Ségala, représentée par Me Gandet, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer sur la légalité du permis de construire en litige en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les moyens formulés en première instance ;

- le requérant ne justifie pas d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens n'est fondé ;

- il y aura lieu, le cas échéant, de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme afin de permettre la régularisation du permis de construire en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2025, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte aux écritures en défense du préfet du Tarn développées dans son mémoire de première instance et à celles de la société Aimer le Ségala développées dans ses mémoires en défense devant la cour et qui soutiennent que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président

- les conclusions de M. Frédéric Diard, rapporteur public

- les observations de Me Hudrisier, représentant M. A...,

- et les observations de Me Sicoli, représentant la société Aimer le Ségala.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Aimer le Ségala a déposé le 28 décembre 2022 une demande de permis de construire pour la réalisation d'une unité de méthanisation agricole avec pose de panneaux photovoltaïques sur un terrain situé au lieu-dit " La Secayre " sur le territoire de la commune de Monestiés (Tarn). Par un arrêté n° PC 081 170 22 A0011 du 4 août 2023, le préfet du Tarn a délivré le permis de construire sollicité. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement n° 2306048 du 17 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande qu'il avait formée avec d'autres requérants tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté a été signée par la présidente de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signatures de la minute du jugement, manque en fait et ne peut donc qu'être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, après avoir cité au point 4 notamment les dispositions des articles L. 161-4 et L. 111-4 du code de l'urbanisme ainsi que celles de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, ont précisé les éléments de fait permettant de regarder le projet en litige comme étant nécessaire à l'exploitation agricole au regard des statuts de la société pétitionnaire et au sens de ces dispositions. Alors que le tribunal n'a pas à répondre à l'ensemble des arguments des parties, il a relevé que, selon les statuts de la société pétitionnaire, celle-ci est exclusivement détenue par des exploitations agricoles et des agriculteurs associés. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le jugement est ainsi suffisamment motivé sur ce point.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la composition du dossier de demande de permis de construire :

4. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / (...) b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; (...) ".

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée par la société Aimer le Ségala comporte un plan coté PC 3 montrant le profil du terrain naturel avec les modifications qui seront apportées à ce profil par des décaissements et des exhaussements matérialisés respectivement par les couleurs jaune et verte. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que la société pétitionnaire a produit à l'appui de sa demande une photographie aérienne du terrain d'assiette qui matérialise l'implantation de la future unité de méthanisation et montre des bâtiments agricoles existants situés à proximité. Le dossier de demande comprend également un document graphique coté PC 6 relatif à l'insertion paysagère lointaine du projet en litige. Ce dernier document indique la localisation du projet et fait apparaître une construction avoisinante. S'il est vrai que le document graphique permettant d'apprécier l'insertion des futurs bâtiments dans leur environnement proche ne fait apparaître aucune construction avoisinante, cette circonstance résulte du positionnement du projet sur le haut du terrain devant sa partie boisée d'où aucune autre construction n'est visible. Dans ces conditions et alors qu'il n'est exigé qu'un seul document graphique, le dossier de demande de permis de construire répond aux exigences prévues par les dispositions précitées des b) et c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen soulevé à ce titre ne peut qu'être écarté.

S'agissant du respect de la carte communale de la commune de Monestiés :

6. Aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme : " I.- La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception : / (...) 2° Des constructions et installations nécessaires : / (...) / b) A l'exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production ; (...) / Les constructions et installations mentionnées au 2° ne peuvent être autorisées que lorsqu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages. / Les constructions et installations mentionnées aux b et d du même 2° sont soumises à l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. / Pour l'application du présent article, les installations de méthanisation mentionnées à l'article L. 111-4 sont considérées comme des constructions ou des installations nécessaires à l'exploitation agricole au sens du b du 2° du présent article. (...) ". Le dernier alinéa de l'article L. 111-4 du même code auquel il est fait référence par les dispositions précitées dispose que : " Pour l'application du présent article, les installations de production et, le cas échéant, de commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation qui respectent les conditions fixées à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime sont considérées comme des constructions ou des installations nécessaires à l'exploitation agricole mentionnées au 2° du présent article. ".

7. Enfin, aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les activités de cultures marines et d'exploitation de marais salants sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle. Il en est de même de la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles. Les revenus tirés de la commercialisation sont considérés comme des revenus agricoles, au prorata de la participation de l'exploitant agricole dans la structure exploitant et commercialisant l'énergie produite. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret. ". Aux termes de l'article D. 311-18 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour que la production et, le cas échéant, la commercialisation de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation soient regardées comme activité agricole en application de l'article L. 311-1, l'unité de méthanisation doit être exploitée et l'énergie commercialisée par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles. Ces exploitants agricoles sont, soit des personnes physiques inscrites au registre mentionné à l'article L. 311-2, soit des personnes morales dont au moins l'un des associés, détenant au moins 50 % des parts de la société, est un exploitant agricole inscrit à ce registre. / Le respect de la condition de provenance des matières premières à partir desquelles l'énergie est produite est apprécié, par exercice, au niveau de la structure gestionnaire de l'unité de méthanisation, et en masse de matières brutes présentées sous leur forme habituelle, sans transformation ni hydratation supplémentaires. (...) ".

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des statuts de la société pétitionnaire, lesquels ne sont pas au nombre des pièces devant être jointes à l'appui d'une demande de permis de construire, que la société Aimer le Ségala a été créée par des personnes physiques et des personnes morales telles que des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), des exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) et des sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA) dans le but notamment de mettre en place et d'exploiter une ou plusieurs unités de méthanisation agricole et de vendre tous produits issus de la méthanisation. Il ressort également des pièces du dossier, notamment du dossier de déclaration du projet en litige au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, que la production du biogaz par les exploitants agricoles associés au sein de la société Aimer le Ségala sera assurée par la collectes d'intrants provenant à 100 % des structures engagées dans le projet pour un tonnage annuel de 10 937 tonnes, soit 29,96 tonnes par jour, constitués de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) d'hiver, de fumiers de bovins, d'ovins, de palmipèdes et de poulets ainsi que de lisier de palmipèdes. S'il est vrai que la société pétitionnaire revêt la forme sociale commerciale de société par actions simplifiée et qu'est prévue la vente de tous produits issus de la méthanisation ainsi qu'il vient d'être indiqué, ces circonstances n'ont pas pour conséquence de faire perdre au projet en litige son caractère agricole au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Dans ces conditions, l'unité de méthanisation en litige doit être regardée comme une installation nécessaire à l'exploitation agricole en application de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de l'unité de méthanisation en litige, d'une superficie de 4,8 hectares environ, se situe dans un secteur agricole de la commune de Monestiés qui comprend déjà des bâtiments d'exploitation, dont les plus proches sont implantés de l'autre côté du chemin de Monestiès qui dessert le projet, ainsi que des maisons d'habitation plus éloignées, à une distance d'environ 300 mètres. Ce secteur, qui ne revêt pas un intérêt particulier, ne bénéficie d'aucune protection de nature paysagère ou patrimoniale. Il ressort également des pièces du dossier que les bâtiments et constructions de l'unité de méthanisation doivent être implantés sur la partie haute du terrain de façon à les adosser à une partie boisée, permettant ainsi une meilleure insertion paysagère. Le projet prévoit enfin un aménagement paysager par la mise en place d'une végétation sur le devant des constructions. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'appelant, ce projet ne peut être regardé comme portant atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages.

10. Il résulte de qui vient d'être exposé ci-dessus qu'en délivrant le permis de construire pour ce projet situé dans un secteur non constructible de la carte communale de la commune de Monestiés, le préfet du Tarn n'a pas méconnu les dispositions du b) du 2° du I de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme.

S'agissant du respect du règlement national d'urbanisme :

11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

12. D'une part, M. A... se prévaut des observations générales figurant dans un rapport du Collectif Scientifique National Méthanisation Raisonnable (CNSM) et se borne à soutenir que les nuisances olfactives dégagées du fonctionnement de l'unité de méthanisation portent atteinte à la salubrité publique et qu'aucune prescription spéciale n'a été prise à ce titre. Il n'apporte toutefois aucune précision ou justification complémentaire permettant de caractériser la nature et l'importance des risques pour la salubrité publique liés aux nuisances olfactives de l'unité de méthanisation en litige.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est desservi par le chemin de Monestiés dont le profil ne présente aucune difficulté de visibilité au point d'accès. Ce chemin a été par ailleurs qualifié de voie-engin à l'occasion de l'avis favorable émis le 17 juillet 2023 par le service départemental d'incendie et de secours du Tarn et aucune des pièces du dossier ne vient démontrer que ce chemin ne permettrait pas d'assurer la sécurité des usagers compte tenu des flux de véhicules induits par l'exploitation de l'unité de méthanisation. Sur ce point, la notice de présentation du projet jointe à la demande de permis de construire mentionne un trafic journalier compris entre trois et sept aller/retour par jour ouvré et le dossier de déclaration au titre des installations classées pour la protection de l'environnement précise l'utilisation de tracteurs agricoles avec bennes étanches pour le transport des intrants solides et avec tonnes à lisier pour les transferts de lisier et de digestats. Dans ces conditions, alors même que l'appelant se prévaut en dernier lieu d'un procès-verbal d'un commissaire de justice établi le 10 avril 2025 mentionnant une largeur de chaussée d'environ 3,20 mètres, les conditions d'accès et de desserte du projet ne peuvent être regardées comme étant de nature à créer un risque pour la sécurité publique.

14. Enfin, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le relève M. A..., que l'avis précité du service départemental et d'incendie et de secours du Tarn mentionne le risque particulier lié aux installations photovoltaïques en toiture ainsi que la trop grande proximité de la bâche incendie à moins de 10 mètres du bâtiment de nature à générer un risque thermique en cas d'incendie. L'article 2 de l'arrêté de permis de construire en litige impose toutefois le respect par la société pétitionnaire des prescriptions relatives aux dispositions en matière de sécurité mentionnées par le service départemental d'incendie et de secours du Tarn dans son avis du 17 juillet 2023. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'installation de panneaux photovoltaïques en toiture serait par elle-même de nature à créer un risque pour la sécurité publique ni que l'éloignement de la bâche incendie à plus de 10 mètres du bâtiment ne pourrait être assuré compte tenu de la superficie du terrain d'assiette du projet de 48 047 m².

15. Il résulte de ce qui a été exposé aux trois points précédents que le préfet du Tarn n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire en litige.

16. En deuxième lieu, l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet ne serait pas desservi par une voie répondant à la destination des constructions projetées. Par suite, le permis de construire en litige n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

18. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

19. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le projet d'unité de méthanisation en litige ne peut être regardé comme étant de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux environnants. Par suite, le préfet du Tarn n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire en litige.

21. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet du Tarn a délivré un permis de construire à la société Aimer le Ségala.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de la société Aimer le Ségala et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Aimer le Ségala et non compris dans les dépens sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la société Aimer le Ségala une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Q... A..., au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la société par actions simplifiée Aimer le Ségala.

Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le président-rapporteur,

D. ChabertL'assesseur le plus ancien,

F. Jazeron

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24TL01938 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01938
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : THESIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24tl01938 ?
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