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15/05/2025 | FRANCE | N°24TL00857

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 15 mai 2025, 24TL00857


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile de construction vente Beaumes a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 août 2021 par lequel le maire de Carpentras a retiré son arrêté du 27 mai 2021 accordant un permis de construire à la société civile de construction vente Peyrière pour l'implantation de huit maisons individuelles, lequel avait été transféré à ladite société Beaumes par un arrêté pris par la même autorité le 8 juillet 2021, et, d'a

utre part, la décision implicite par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux présenté par ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente Beaumes a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 août 2021 par lequel le maire de Carpentras a retiré son arrêté du 27 mai 2021 accordant un permis de construire à la société civile de construction vente Peyrière pour l'implantation de huit maisons individuelles, lequel avait été transféré à ladite société Beaumes par un arrêté pris par la même autorité le 8 juillet 2021, et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux présenté par cette société le 8 octobre 2021 à l'encontre de l'arrêté du 12 août 2021.

Par un jugement n° 2200353 du 27 février 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Beaumes et a mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de Carpentras en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 avril 2024, les 11 et 14 octobre 2024 et les 10 et 12 novembre 2024, la société civile de construction vente Beaumes, désormais représentée par Me Héquet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 27 février 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Carpentras du 12 août 2021 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Carpentras une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé à tort sur l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration au lieu de se fonder sur l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme s'agissant du retrait du permis de construire ;

- le tribunal a procédé d'office à une substitution de base légale sur la base d'une information des parties insuffisamment précise et trop tardive, si bien qu'elle a été privée d'une garantie en méconnaissance du principe du contradictoire ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la demande de première instance n'était pas tardive, le délai de recours contentieux ayant été prorogé par l'exercice du recours gracieux ;

- le tribunal a substitué à tort les dispositions de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carpentras applicables aux lotissements à celles, opposées par le maire, relatives aux autres constructions, dès lors que le projet présenté ne porte pas sur un lotissement, ni au demeurant sur un immeuble d'habitation collective, mais sur la construction de maisons individuelles destinées à être vendues en un bloc ;

- le procès-verbal de constat établi par une commissaire de justice, produit à l'appui de ses écritures, montre que le chemin de la Peyrière assurant la desserte du terrain présente vers l'est une largeur égale à 5 mètres en prenant en compte non seulement la bande de roulement goudronnée mais également les accotements carrossables ;

- à supposer que la cour ne retienne pas les conclusions de la commissaire de justice, le projet de construction en litige pouvait être autorisé au titre du régime des adaptations mineures prévu par l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme et par l'article 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2024 et 28 novembre 2024, la commune de Carpentras, représentée par la SELARL Territoires avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance était irrecevable car tardive ;

- les moyens invoqués par la société ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 novembre 2024.

Les parties ont été informées, le 11 avril 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré de l'irrégularité de la substitution de base légale opérée par le tribunal, dès lors que ce moyen, soulevé après l'expiration du délai d'appel, se rattache à une cause juridique distincte des moyens invoqués avant l'expiration de ce délai, lesquels concernaient uniquement le bien-fondé du jugement attaqué.

Des observations en réponse à cette information, produites pour la société Beaumes, représentée par Me Héquet, ont été enregistrées les 14 et 15 avril 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Guin, représentant la société appelante,

- et les observations de Me Télès, représentant la commune.

Une note en délibéré, produite pour la société Beaumes, représentée par Me Héquet, a été enregistrée le 22 avril 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La société Peyrière a sollicité, le 19 novembre 2020, un permis de construire pour l'implantation de huit maisons individuelles, après démolition d'une construction préexistante, sur une unité foncière constituée par les parcelles cadastrées section AR nos 111 et 112, d'une superficie totale de 2 650 m2, situées au n° 196 du chemin de la Peyrière, sur le territoire de la commune de Carpentras (Vaucluse). Par un arrêté du 27 mai 2021, le maire de cette commune lui a accordé ce permis de construire, lequel a été transféré à la société Beaumes par un arrêté pris par la même autorité le 8 juillet 2021. Le maire de Carpentras a indiqué à cette dernière société, par une lettre du 23 juillet 2021, qu'il envisageait de retirer le permis ainsi accordé en raison de son illégalité au regard des prescriptions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune relatives à la voirie. La société Beaumes a présenté des observations en réponse à ladite lettre, mais le maire a retiré l'arrêté du 27 mai 2021 par un arrêté du 12 août 2021, lequel porte également rejet de la demande de permis de construire et déclare sans objet le transfert prononcé le 8 juillet précédent. La société Beaumes a présenté, le 8 octobre 2021, un recours gracieux contre l'arrêté du 12 août 2021, lequel a été rejeté implicitement par le maire. Par la présente requête, ladite société interjette appel du jugement du 27 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2021 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Nîmes se serait fondé à tort sur l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration au lieu de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme s'agissant du retrait du permis de construire n'est susceptible de remettre en cause que le bien-fondé du jugement et reste sans incidence sur sa régularité.

3. Le moyen tenant à ce que le tribunal aurait procédé d'office à une substitution de base légale sur la base d'une information des parties insuffisamment précise et trop tardive, en méconnaissance du principe du contradictoire, lequel n'est pas d'ordre public, n'a été soulevé par la société requérante que dans son mémoire en réplique enregistré le 11 octobre 2024, soit après l'expiration du délai d'appel, alors que sa requête ne contenait aucun moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, mais uniquement des moyens concernant son bien-fondé. Il en résulte que le moyen ainsi soulevé est irrecevable et qu'il doit donc être écarté comme tel.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. / (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carpentras, applicable à la zone urbaine UD où se situe le terrain d'assiette du projet en litige : " Accès et voirie : / (...) / Voirie : / Les voies doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. / Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles doivent desservir. / En particulier, l'obtention du permis de construire est subordonnée à une desserte d'une emprise minimum de : / 7,50 m pour les immeubles destinés à l'habitation collective, pour les lotissements, ainsi que pour les bâtiments dédiés au commerce ou à l'activité dépassant 300 m² A..., / 5,00 m pour les autres constructions. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par la société Peyrière le 19 novembre 2020 tendait à l'obtention d'un permis de construire pour la réalisation de huit maisons individuelles jumelées par paires, sans toutefois prévoir une division en propriété ou en jouissance du terrain d'assiette du projet. Par suite et alors même que les plans produits par la société pétitionnaire à l'appui de sa demande de permis comportaient la mention de " lots ", le projet en litige ne constitue pas un lotissement au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme. Il en résulte que le projet relève de la catégorie des " autres constructions " pour l'application cet article et qu'il est donc soumis à l'exigence d'une voie de desserte présentant une emprise minimale de 5 mètres.

7. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des plans de situation joints à la demande de permis de construire, que le terrain d'assiette du projet en litige est accessible, par l'ouest et par l'est, par le chemin de la Peyrière. Dans son avis émis le 11 décembre 2020 sur ce projet, le service départemental d'incendie et de secours de Vaucluse a estimé que ledit chemin présentait une largeur de 4,50 mètres. Il n'est pas contesté que, comme l'a indiqué le maire dans l'arrêté attaqué, la partie ouest du chemin ne dépasse que rarement la largeur de 4,50 mètres, si bien que cette portion ne satisfait pas aux exigences précitées de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme. La société requérante soutient que la partie est de ce chemin serait en revanche suffisamment large pour autoriser le projet litigieux et verse au dossier à cet égard un procès-verbal de constat établi par une commissaire de justice le 8 février 2024, présentant des mesures de la largeur de l'" espace de roulage des véhicules ", réalisées tous les 30 mètres le long de cette partie de la voie, lesquelles sont toutes égales à 5 mètres. Il ressort toutefois des photographies insérées dans ce procès-verbal de constat, d'une part, que, pour parvenir à ces valeurs égales à 5 mètres, la commissaire de justice a pris en compte non seulement la bande de roulement proprement dite, mais également des accotements non goudronnés et présentant de larges ornières, et, d'autre part, que, même en y intégrant les accotements praticables, le chemin présente une largeur sensiblement inférieure à 5 mètres entre certains des points de mesure, en raison de la présence d'arbres ou de talus et ce, notamment, après les 100 premiers mètres. Il s'ensuit que le chemin de la Peyrière ne répond, ni sur sa portion ouest, ni sur sa portion est, à l'exigence d'une voie de desserte d'une emprise d'au moins 5 mètres à laquelle l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme conditionne l'obtention d'un permis de construire.

8. Enfin, aux termes de l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme : / 1° Peuvent faire l'objet d'adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ; / (...) ". L'article 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de Carpentras dispose que : " Des adaptations mineures à l'application stricte des articles 3 à 12 du règlement peuvent être autorisées en raison de la nature du sol, de la configuration des parcelles ou du caractère des constructions avoisinantes (...). ".

9. Il n'est pas contesté, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la largeur du chemin de la Peyrière ne dépasse que rarement 4,50 mètres sur sa partie ouest, soit un écart d'au moins 10 %, sur toute la longueur de cette partie, par rapport à la norme minimale de 5 mètres prévue par l'article UD 3 précité du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment des photographies contenues dans le procès-verbal de constat de la commissaire de justice, que l'emprise du chemin présente, sur sa partie est, en de nombreux points et sur une longueur cumulée significative, notamment sur les 140 derniers mètres avant l'entrée du projet, des valeurs inférieures d'au moins 20 % par rapport à cette même norme minimale. Dans ces conditions, alors que le chemin en cause assure la desserte d'un nombre significatif de propriétés et bien que l'impossibilité d'atteindre la largeur minimale requise soit partiellement justifiée par la configuration des parcelles limitrophes de la voie, l'écart relevé par rapport à la règle prévue par le plan local d'urbanisme ne peut être regardé comme revêtant, en l'espèce, un caractère mineur. Dans ces conditions, la société Beaumes n'est pas fondée à se prévaloir du bénéfice d'une adaptation mineure au titre de l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme ou de l'article 5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, le maire de Carpentras a pu légalement, par son arrêté du 12 août 2021, procéder au retrait du permis de construire accordé le 27 mai 2021, dans le respect du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du même code, tel que rappelé au point 4 du présent arrêt.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Carpentras, que la société Beaumes n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 27 février 2024, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Carpentras du 12 août 2021 et de la décision implicite portant rejet du recours gracieux présenté contre cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la commune de Carpentras, laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque au bénéfice de la société Beaumes au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme réclamée par la commune intimée sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Beaumes est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Carpentras sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de construction vente Beaumes et à la commune de Carpentras.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24TL00857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL00857
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : KNOEPFLI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24tl00857 ?
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