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15/05/2025 | FRANCE | N°23TL02425

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 15 mai 2025, 23TL02425


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de l'éloignement.



Par un jugement n° 2301119 du 7 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a re

nvoyé les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour devant une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de l'éloignement.

Par un jugement n° 2301119 du 7 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour devant une formation collégiale de ce même tribunal et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2023, M. B... A..., représenté par Me Ducos-Mortreuil, demande à la cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 7 juin 2023 ;

3°) d'annuler l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 7 décembre 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Tarn, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans le même arrêté, laquelle se trouve entachée d'erreurs de fait et de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à sa vie privée en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la même décision est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2023, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 9 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes signée le 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 26 juin 2000 à Bangolo (Côte d'Ivoire), entré en France au plus tard au cours du mois d'octobre 2017, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Haute-Garonne à compter du 13 octobre 2017 et ce jusqu'à sa majorité le 26 juin 2018. Il a bénéficié ensuite d'un contrat " jeune majeur " avec les services du même département. Il a sollicité, le 11 janvier 2019, son admission au séjour en tant qu'ancien mineur isolé. Par un arrêté du 25 mars 2019, le préfet du Tarn lui a opposé un refus de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, mais cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Toulouse par un jugement du 13 novembre 2019. Réexaminant la situation de M. A... ainsi que le lui avait ordonné le tribunal, le préfet du Tarn lui a accordé, le 13 décembre 2019, un titre de séjour portant la mention " étudiant " pour une période d'un an, à l'issue de laquelle l'intéressé s'est vu délivrer le 13 décembre 2020 un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", renouvelé jusqu'au 12 septembre 2022. M. A... a sollicité, le 22 juillet 2022, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté pris le 7 décembre 2022, le préfet du Tarn lui a opposé un refus de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en vue de l'exécution de l'éloignement. Par un jugement rendu le 7 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, saisi par M. A... d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral, a renvoyé les conclusions dirigées contre le refus de séjour devant une formation collégiale et a rejeté le surplus des conclusions présentées par l'intéressé. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement en ce qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par décision en date du 9 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à M. A.... Par suite, sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire est devenue sans objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., arrivé mineur sur le territoire français un peu plus de cinq ans avant l'édiction de l'arrêté en litige, a suivi à compter du 30 mai 2018 un parcours scolaire lui ayant permis d'obtenir, dès la session de juin 2019, le certificat d'aptitude professionnelle dans la spécialité " maçonnerie ". Il a séjourné régulièrement en France depuis sa majorité comme il a été indiqué au point 1 du présent arrêt et a travaillé sur le territoire national sous couvert de contrats d'apprentissage au titre de la formation au brevet professionnel de maçonnerie entre le 26 janvier 2021 et le 31 août 2022. Le requérant s'est prévalu, à l'appui de la demande de renouvellement de son titre de séjour, de trois contrats de mission temporaire de moins de trois mois conclus avec une société d'intérim et couvrant la période du 3 mai 2022 au 31 octobre 2022. Par un courrier du 17 août 2022, les services du préfet du Tarn ont demandé à l'intéressé de compléter son dossier de demande de titre de séjour en leur communiquant, avant le 30 septembre suivant, " l'autorisation de travail correspondant au poste occupé ". Il ressort des pièces produites par M. A... au soutien de ses écritures que son employeur a saisi les services préfectoraux dès le lendemain, le 18 août 2022, mais que l'administration lui a répondu, par un message en date du même jour, qu'il n'était " pas nécessaire de solliciter d'autorisation de travail pour les contrats de mission d'intérim de moins de trois mois ". Les indications ambiguës ainsi transmises par l'administration préfectorale ont été de nature à induire l'appelant en erreur sur les conséquences que pourrait avoir l'absence de production de l'autorisation de travail sur l'issue de sa demande de titre de séjour. Il ressort, au surplus, de ces mêmes pièces que le requérant a été en capacité de conclure un contrat de travail à durée déterminée avec une autre société, dès le 1er décembre 2022, soit avant l'édiction de l'arrêté en litige, pour un poste de manœuvre en bâtiment, pour lequel son employeur a sollicité une autorisation de travail.

4. Eu égard à l'ensemble de ces considérations, le refus opposé par le préfet du Tarn à la demande de renouvellement du titre de séjour " travailleur temporaire " de M. A... doit être regardé comme résultant d'une appréciation manifestement erronée de la situation personnelle de l'intéressé. L'illégalité du refus de séjour ainsi constatée a pour effet de priver de base légale l'obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi pour l'exécution de l'éloignement, lesquelles doivent être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté pris par le préfet du Tarn le 7 décembre 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard à l'objet même du présent appel, lequel ne porte pas sur le refus de séjour, le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet du Tarn d'accorder le titre de séjour sollicité par M. A..., mais implique nécessairement que cette autorité réexamine la situation de l'intéressé à la lumière des motifs de cet arrêt. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet du Tarn de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, Me Ducos-Mortreuil, son avocate, peut se prévaloir des dispositions du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Ducos-Mortreuil, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : L'arrêté pris par le préfet du Tarn le 7 décembre 2022 est annulé en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de renvoi.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Tarn de réexaminer la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Ducos-Mortreuil sur le fondement du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Ducos-Mortreuil.

Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL02425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02425
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;23tl02425 ?
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