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06/05/2025 | FRANCE | N°24TL01830

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 06 mai 2025, 24TL01830


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois mois, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " conjoint de

française " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astrei...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois mois, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " conjoint de française " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2402135 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet de l'Hérault du 1er décembre 2023, a enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " conjoint de française " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédures devant la cour :

I. - Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2024 sous le n° 24TL01829, le préfet de l'Hérault demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 juin 2024 et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Il soutient que c'est à tort que pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal a retenu que M. B... était entré régulièrement sur le territoire français, de sorte que la décision portant refus de titre de séjour méconnaissait le 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; le titre de séjour délivré à M. B... par les autorités belges, initialement valable du 12 mars 2019 au 12 mars 2024, a expiré le 12 octobre 2022, soit avant son entrée sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2024, M. A... B..., représenté par Me Badji Ouali, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la confirmation du jugement attaqué ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le préfet n'établit pas qu'il serait entré sur le territoire français postérieurement à l'expiration de son titre de séjour délivré par les autorités belges.

Par une ordonnance du 20 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2025 à 12 heures.

II. - Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2024 sous le n° 24TL01830, le préfet de l'Hérault demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2402135 du 20 juin 2024.

Il soutient que :

- c'est à tort pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal a retenu que M. B... était entré régulièrement sur le territoire français, de sorte que la décision portant refus de titre de séjour méconnaissait le 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; le titre de séjour délivré à M. B... par les autorités belges, initialement valable du 12 mars 2019 au 12 mars 2024, a expiré le 12 octobre 2022, soit avant son entrée sur le territoire français ;

- l'exécution du jugement du tribunal attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2024, M. A... B..., représenté par Me Badji Ouali, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le préfet n'établit pas l'existence de conséquences difficilement réparables auxquelles l'exécution du jugement dont le sursis à exécution est demandé l'exposerait ;

- le préfet ne fait pas état de moyens sérieux, dès lors que si son titre de séjour délivré par les autorités belges a expiré le 12 octobre 2022, il a pu entrer sur le territoire français avant cette date.

Par une ordonnance du 28 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 janvier 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 mai 2023, M. B..., ressortissant algérien né le 13 novembre 1988 à Kerrata (Algérie), a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 1er décembre 2023, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois. Par un jugement n °2402135 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien portant la mention " conjoint de française " dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par la requête n° 24TL01829, le préfet de l'Hérault relève appel de ce jugement et, par sa requête n° 24TL01830, il demande qu'il soit sursis à son exécution.

2. Les requêtes n° 24TL01829 et n° 24TL01830 présentées par le préfet de l'Hérault sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions en annulation présentées par le préfet de l'Hérault dans la requête n° 24TL01829 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 9 de cet accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".

4. Il résulte de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence d'un an à un ressortissant algérien en qualité de conjoint de français est subordonnée à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français. En revanche, elle n'est pas subordonnée à la détention d'un visa de long séjour.

5. En l'espèce, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que, pour refuser de délivrer à M. B... le certificat de résidence algérien qu'il sollicitait en qualité de conjoint d'une ressortissante française, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur deux motifs, à savoir d'une part, qu'il ne justifiait pas détenir un visa de long séjour et, d'autre part, qu'il ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français.

6. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté litigieux, le tribunal administratif de Montpellier a retenu que M. B... avait bénéficié d'un titre de séjour délivré par les autorités belges valable du 12 mars 2019 au 12 mars 2024 en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, de sorte qu'il devait être regardé comme étant entré régulièrement sur le territoire français le 31 octobre 2022. Toutefois, il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le préfet de l'Hérault que le titre de séjour délivré à M. B... par les autorités belges a expiré le 12 octobre 2022. Si en défense, l'intimé se borne à soutenir que le préfet n'établit pas que son entrée en France serait postérieure à l'expiration de ce titre de séjour, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à l'occasion de sa demande de titre de séjour auprès de la préfecture de l'Hérault en date du 2 mai 2023, il a déclaré être entré sur le territoire français le 31 octobre 2022, ce qu'il a également affirmé devant le tribunal administratif, en indiquant avoir, le jour de son entrée en France, pris un train de Lille à Montpellier, pour y rejoindre son épouse. Ainsi, c'est à bon droit que le préfet de l'Hérault a retenu que M. B... était entré irrégulièrement sur le territoire français.

7. Si, eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, le préfet de l'Hérault ne pouvait légalement opposer à M. B... l'absence de détention d'un visa de long séjour pour refuser de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il résulte toutefois de l'instruction qu'il aurait pris la même décision de s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de l'entrée irrégulière de l'intéressé sur le territoire français. Dès lors, le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la décision portant refus de titre de séjour était entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de ces stipulations.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté litigieux vise les textes dont le préfet a entendu faire application, mentionne les éléments propres à la situation personnelle et familiale de M. B..., en particulier les conditions de son entrée et de son séjour en France et indique les motifs justifiant le refus de séjour qui lui est opposé. Par suite, et dès lors que le préfet n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation de l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté comme manquant en fait.

10. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. B.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour contenue dans cet arrêté serait entaché d'un tel défaut d'examen réel et sérieux doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

12. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, M. B... est entré sur le territoire français le 31 octobre 2022, de sorte que son séjour présentait un caractère récent au jour de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, si son mariage avec une ressortissante française, célébré le 8 janvier 2018 en Tunisie, présente un caractère ancien, l'intéressé affirme lui-même dans ses écritures que son épouse, avec laquelle il résidait en Belgique depuis le 28 janvier 2019, s'est installée chez sa sœur en France en novembre 2019, tandis que lui a dû rester en Belgique pour des motifs professionnels. Ainsi, le couple a vécu séparément de novembre 2019 au 31 octobre 2022, soit pendant presque trois ans, et M. B... n'apporte aucune précision quant aux liens qu'il aurait pu entretenir avec son épouse durant cette période. En outre, l'intéressé a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, où il ne conteste pas détenir des attaches familiales. Enfin, il ne justifie d'aucune intégration professionnelle ou sociale sur le territoire français. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté attaqué, qui vise le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Le moyen doit, par suite, être écarté.

14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, à le supposer soulevé, celui tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation, doivent également être écartés.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ".

17. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

18. En premier lieu, l'arrêté litigieux du 1er décembre 2023, qui mentionne les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique la durée de la présence de M. B... en France et mentionne la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France. Par ailleurs, le préfet n'avait pas à préciser expressément que l'intéressé n'avait pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois mois est suffisamment motivée.

19. En deuxième lieu, la circonstance que dans son article 4 prononçant une interdiction de retour d'une durée de trois mois, l'arrêté attaqué mentionne à une unique reprise le nom d'un tiers plutôt que celui de M. B... constitue une simple erreur de plume et n'est pas de nature à entacher d'illégalité cette décision.

20. En dernier lieu, eu égard au caractère récent de la présence en France de M. B... et de l'absence d'intensité de ses attaches, telles que décrites au point 12, bien qu'il n'ait jamais fait l'objet de précédente mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas de menace pour l'ordre public, et en l'absence de circonstance humanitaire, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant à l'encontre de l'appelant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois mois.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de son arrêté du 1er décembre 2023, lui a enjoint de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " conjoint de française " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Sur la demande de sursis à exécution présentée par le préfet de l'Hérault dans la requête n° 24TL01830 :

22. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2402135 du 20 juin 2024, les conclusions du préfet de l'Hérault tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les sommes réclamées par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2402135 du 20 juin 2024 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée par le préfet de l'Hérault dans la requête n° 24TL01830.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24TL01829, 24TL01830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01830
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : BADJI OUALI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24tl01830 ?
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