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06/05/2025 | FRANCE | N°23TL01279

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 06 mai 2025, 23TL01279


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière l'Esperelle a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 mai 2021, par lequel le préfet de la région Occitanie l'a autorisée partiellement à exploiter un bien agricole sur la parcelle cadastrale AH35 de la commune de Sorbs, à hauteur de 2,4296 hectares, ensemble la décision du 9 septembre 2021 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2105887 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Mont

pellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière l'Esperelle a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 mai 2021, par lequel le préfet de la région Occitanie l'a autorisée partiellement à exploiter un bien agricole sur la parcelle cadastrale AH35 de la commune de Sorbs, à hauteur de 2,4296 hectares, ensemble la décision du 9 septembre 2021 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2105887 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, la société L'Esperelle, représentée par Me Brunel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mars 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté portant autorisation partielle d'exploiter un bien agricole du 7 mai 2021, ainsi que la décision du 9 septembre 2021 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le motif tenant à l'ordre de priorité est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que M. B... n'était pas associé du groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal ;

- le motif tenant à ce que l'opération envisagée compromet la viabilité économique du groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que celui-ci n'était plus preneur du bail à ferme à la date de la décision attaquée et qu'il n'est pas démontré que l'opération compromettrait sa viabilité économique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé, et que c'est à tort que le tribunal a considéré que le motif tenant à l'ordre de priorité est entaché d'erreur d'appréciation.

Par une ordonnance en date du 15 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fougères,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société L'Esperelle est propriétaire de 503,9596 hectares de terres, situées sur les communes de Sorbs (Hérault) et de Vissec (Gard), qu'elle a données à bail à ferme depuis 2002 à la société civile d'exploitation agricole " Domaine de Latude ", dont le gérant a cédé ses parts aux époux B..., lesquels ont transformé la structure en groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal. En 2019, la société L'Esperelle a donné congé à celui-ci pour reprise, puis a sollicité auprès du préfet de la région Occitanie l'autorisation d'exploiter l'intégralité de la surface de terrain lui appartenant. Le groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal a présenté une demande concurrente d'autorisation d'exploiter ces terres, à hauteur de 501,53 hectares, en vue de l'installation de M. A... B..., fils des associés du groupement. Saisi de ces deux demandes, le préfet de région a autorisé le groupement de l'Oustal à exploiter les 501,53 hectares demandés, et a autorisé la société L'Esperelle, par un arrêté du 7 mai 2021, à exploiter partiellement les terres, à hauteur des 2,4296 hectares restant seulement. Par la présente requête, la société L'Esperelle relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision du 9 septembre 2021 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " (...) II.- La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1. / Lorsque l'autorisation n'est que partielle, la décision précise les références cadastrales des surfaces dont l'exploitation est autorisée et celles des surfaces pour lesquelles cette autorisation n'est pas accordée (...) ".

3. La décision attaquée, qui comporte une annexe parcellaire, vise les textes dont elle fait application, en particulier l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle mentionne notamment que l'opération envisagée par le groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal, concurrente de celle envisagée par la société L'Esperelle, correspond à un rang de priorité supérieur et que l'opération envisagée par cette dernière compromettrait l'installation de M. A... B... et la viabilité économique du groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal, preneur en place, en entraînant notamment la perte de plusieurs bâtiments essentiels à l'exploitation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations (...) d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (...) ; 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence : (...) b) De priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 de ce code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place (...) ". L'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Languedoc-Roussillon, publié le 1er décembre 2015, classe au rang de priorité n° 2 l' " installation d'agriculteurs dans des conditions de viabilité économique et répondant aux critères d'âge de la DJA, ou installation progressive avec DJA " et en rang de priorité n° 3 l' " installation d'agriculteurs dans des conditions de viabilité économique ", tandis que son article 4.1 fixe à 36 hectares le seuil au-delà duquel l'installation est soumise à autorisation.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime : " Le preneur a droit au renouvellement du bail (...) à moins que le bailleur (...) n'invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L. 411-57 à L. 411-63, L. 411-66 et L. 411-67 (...) ". Aux termes de l'article L. 411-58 de ce code : " Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même (...). / Si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive. (...) / Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle l'autorisation devient définitive (...) ". Le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Languedoc-Roussillon définit le preneur en place comme " [l']exploitant agricole individuel mettant en valeur, à titre exclusif ou non, une exploitation agricole en qualité de titulaire de tout bail rural sur les terres de ladite exploitation " et précise que " Lorsque le bien pris à bail est mis, par son détenteur, à disposition d'une société d'exploitation dans laquelle il est associé, il y a lieu de prendre en compte, en comparaison de situation demandeur(s)/preneur, la situation de la société ". L'article 3.2 de ce schéma directeur dispose que, pour l'application du 2° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, " on considère qu'une opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place dès lors qu'elle conduit à réduire sa surface pondérée en dessous du seuil de contrôle de surface mentionné à l'article 4.1, soit 45,2 hectares et que cette réduction représente plus de 20 % de la surface pondérée initiale de l'exploitation ".

6. Pour refuser d'octroyer à la société L'Esperelle l'autorisation d'exploiter l'intégralité de la surface qu'elle sollicitait, le préfet de la région Occitanie a d'abord considéré que sa demande relevait du rang de priorité n° 3 " installation d'agriculteurs dans des conditions de viabilité économique " inférieur à celui de la demande présentée par le groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal qui relevait, du fait du projet d'installation A... B... en son sein, du rang de priorité n° 2 " installation d'agriculteurs dans des conditions de viabilité économique et répondant aux critères d'âge de la DJA, ou installation progressive avec DJA ". Le préfet a également considéré que l'octroi de l'autorisation d'exploiter pour une surface supérieure à celle accordée compromettrait la viabilité de l'exploitation du groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal, preneur en place.

7. D'une part, si le schéma directeur régional des exploitations agricoles du Languedoc-Roussillon classe au rang de priorité n° 2 les projets tendant à l'installation de jeunes agriculteurs, il ne résulte ni de ce schéma ni d'aucun autre texte que l'octroi de l'autorisation d'exploiter des terres serait subordonné à l'installation effective et préalable de l'agriculteur à la date d'intervention de la décision. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la demande d'autorisation d'exploiter les terres présentée par le groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal, que celle-ci comportait un projet de modification des statuts pour intégrer M. A... B..., fils des exploitants, la justification de la validation des diplômes nécessaires à son installation, ainsi qu'un prévisionnel économique en vue de celle-ci, qui rendaient suffisamment crédible ce projet d'installation. Par suite, la circonstance que M. A... B... n'était pas encore associé du groupement de l'Oustal à la date de la décision attaquée ne faisait pas obstacle à ce que la demande présentée par celui-ci fût prise en compte et classée au rang de priorité n° 2. C'est sans commettre d'erreur d'appréciation, dès lors, que le préfet de région a considéré que la demande présentée par la société appelante relevait d'un rang de priorité inférieur à celle présentée par le groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal.

8. D'autre part, si la société L'Esperelle a adressé, le 25 juin 2019, un congé pour reprise au groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal, celui-ci a contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, lequel a sursis à statuer sur cette contestation par un jugement du 13 janvier 2022, prorogeant ainsi de plein droit le bail rural dont le groupement disposait. La société appelante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que ce dernier n'était plus titulaire d'un bail rural à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier du tableau des surfaces produit pour la première fois en appel par le défendeur et dont l'exactitude n'est pas contestée, que l'octroi à la société L'Esperelle d'une autorisation d'exploiter l'intégralité des terres qu'elle sollicitait aurait eu pour effet de réduire à 630,16 hectares la surface disponible pour l'exploitation du groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal soit, compte tenu des coefficients de pondération applicables, à une surface pondérée de 73,29 hectares, inférieure de près de 50 % à la surface pondérée initialement détenue de 135,6 hectares. Le groupement comportant, à la date de la décision attaquée, deux associés exploitants, la surface pondérée allouée à chacun d'eux ne se serait ainsi élevée qu'à 36,65 hectares, soit une surface inférieure à celle de 45,2 hectares alors prévue par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Dès lors, le préfet de région n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation en considérant que l'octroi de l'autorisation sollicitée aurait été de nature à compromettre la viabilité de l'exploitation du groupement agricole d'exploitation en commun de l'Oustal, preneur en place.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société L'Esperelle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société L'Esperelle la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société L'Esperelle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière l'Esperelle et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet de la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

A. Fougères

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01279
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01-02 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Cumuls et contrôle des structures. - Cumuls d'exploitations. - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Aurore Fougères
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BRUNEL - PIVARD - REGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;23tl01279 ?
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