Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 23 octobre 2020 du jury d'admission à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats de Montpellier organisé par l'institut d'études judiciaires de l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse en tant que son nom ne figure pas sur la liste des candidats admissibles, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2101386 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 15 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me Galinon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juillet 2023 ;
2°) d'annuler la délibération du jury d'admission à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats de l'institut d'études judiciaires de l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse du 23 octobre 2020 et la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au président de l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse de l'admettre à présenter de nouveau l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats pour toute session de son choix et avec la possibilité de présenter cet examen dans un autre centre régional de formation ;
4°) de mettre à la charge de l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération contestée méconnaît l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats dès lors que plusieurs membres du jury ont enseigné dans le cadre de la formation du diplôme universitaire " Préparation au Pré-capa " de l'institut d'étude judiciaire de l'université d'Avignon au cours de l'année universitaire 2019-2020 ; cette irrégularité ne peut être régularisée dès lors qu'elle ne constitue pas un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable mais affecte la composition du jury qui est l'auteur de la décision attaquée ;
- cette délibération méconnaît l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat dès lors que la composition du jury était irrégulière ; d'une part, ce jury d'examen devait être composé de trois avocats désignés par les bâtonniers des ordres du ressort de la cour d'appel de Montpellier et non de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; ce vice qui affecte la composition du jury, n'est pas régularisable ;
- d'autre part, la preuve de la composition régulière du jury d'examen n'est pas rapportée en l'absence de production du procès-verbal de la délibération faisant état de la qualité des votants, du nombre de voix et du sens des votes ;
- enfin, plusieurs examinateurs ne font pas partie du jury d'examen désigné en application de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 ;
- la délibération attaquée méconnaît l'article 6 de l'arrêté du 17 octobre 2016 en ce que la règle de l'anonymat de chaque candidat n'a pas été respectée ;
- elle méconnaît également cet article dès lors que la règle de la double correction des copies n'a pas été respectée ; un seul correcteur est mentionné sur le procès-verbal concernant l'épreuve de note de synthèse et la fiche de correction de sa copie ne mentionne pas l'identité des deux correcteurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2024, l'université d'Avignon, représentée par Me Vendé conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 relatif au principe d'impartialité des membres du jury n'a pas été méconnu ; la seule présence au sein du jury d'examen d'enseignants du diplôme universitaire " Prépa-capa " ne démontre pas le risque de partialité de ces enseignants ;
- en application de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991, le jury d'examen doit comprendre trois avocats désignés par les bâtonniers des ordres du ressort de la cour d'appel dans lequel se trouve le centre qui organise l'examen et non du centre de formation ; le centre d'examen se trouvant dans le ressort de la cour d'appel de Nîmes en application de l'article D. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, les avocats devant faire partie du jury d'examen devaient être désignés par les barreaux d'Avignon et de Carpentras ;
- aucune disposition du décret du 27 novembre 1991 n'impose que les délibérations du jury d'examen doivent donner lieu à un procès-verbal faisant état du nombre de voix, de la qualité des votants et du sens des votes ;
- l'appelante ne démontre pas qu'un certain nombre de candidats auraient été induits en erreur et auraient inscrit leur nom et prénom sur les feuilles intercalaires ;
- l'article 6 de l'arrêté du 17 octobre 2016 n'impose pas de faire figurer la signature des deux correcteurs sur la fiche de correction ; cette absence d'indication de l'identité du second correcteur n'entache pas la délibération attaquée d'irrégularité.
Par une ordonnance du 27 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces de ce dossier.
Vu :
- le code de l'organisation judiciaire ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
- l'arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ;
- l'arrêté du 6 décembre 2004 fixant le siège et le ressort des centres régionaux de formation professionnelle d'avocats ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Galinon, représentant l'appelante.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., candidate à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle des avocats et inscrite à l'Institut d'études judiciaires de l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse, a été déclarée non admissible à l'issue de la phase d'admissibilité par une délibération du jury du 23 octobre 2020. Mme C... a formé deux recours gracieux contre cette décision, qui ont été respectivement réceptionnés par l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse les 27 octobre et 16 novembre 2020, et qui sont restés sans réponse. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la délibération du 23 octobre 2020 en tant que son nom ne figure pas sur la liste des candidats admissibles, ainsi que de la décision rejetant son recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 18 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions en annulation :
2. D'une part, en dehors de l'hypothèse où un membre du jury a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l'impartialité requise, il incombe aux membres des jurys d'examen, et à eux seuls, de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés en application de la réglementation applicable.
3. D'autre part, aux termes de l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dans sa rédaction applicable à la décision attaquée : " Le jury de l'examen est composé ainsi qu'il suit : 1° Deux professeurs des universités ou maîtres de conférences et personnels assimilés, chargés d'un enseignement juridique, dont le président du jury, désignés par le responsable du centre qui organise l'examen ; 2° Un magistrat de l'ordre judiciaire désigné conjointement par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve situé le centre qui organise l'examen et par le procureur général près ladite cour ainsi qu'un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel désigné par le président de la cour administrative d'appel dans le ressort de laquelle se trouve situé le centre qui organise l'examen, le cas échéant sur proposition du président du tribunal administratif si le président de la cour administrative d'appel entend désigner un membre du tribunal administratif ; 3° Trois avocats désignés en commun par les bâtonniers des ordres d'avocats concernés. 4° Des enseignants en langues étrangères désignés dans les conditions prévues au 1°, qui ne siègent que pour les candidats qu'ils ont examinés. Un nombre égal de suppléants est désigné dans les mêmes conditions. Les membres du jury, à l'exception de ceux qui sont mentionnés au 4°, ne peuvent siéger plus de cinq années consécutives. Au cas où le nombre des candidats le justifie, plusieurs jurys peuvent être constitués. Les sujets des épreuves orales d'admission sont choisis par le jury de chaque centre d'examen. L'épreuve portant sur la protection des libertés et des droits fondamentaux est subie devant trois examinateurs désignés par le président du jury dans chacune des catégories mentionnées aux 1°, 2° et 3°. Les épreuves de langues sont subies devant un examinateur désigné par le président du jury dans la catégorie mentionnée au 4°. Le jury peut s'adjoindre des examinateurs spécialisés avec voix consultative. "
4. Il résulte de ces dispositions que le jury de l'examen est notamment composé de deux professeurs des universités ou maîtres de conférences dont le président du jury, d'un magistrat de l'ordre judiciaire, d'un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de trois avocats et d'un nombre égal de suppléants.
5. Il ressort des procès-verbaux de surveillance d'examen que les 20 copies de l'épreuve de procédure civile, les 17 copies de l'épreuve de cas pratiques de droit des affaires et les 20 copies de l'épreuve de droit des obligations ont été remises à des correcteurs qui avaient été désignés comme faisant partie du jury d'examen. En revanche, il ressort du procès-verbal de surveillance d'examen de l'épreuve de note de synthèse que les 20 copies de cette épreuve, dont celle de Mme C..., ont été corrigées par Mme B... A.... Dès lors qu'il est constant que cette correctrice ne faisait pas partie des membres titulaires ou suppléants du jury de l'examen, les dispositions de l'article 53 du décret du 27 novembre 1997 ont été méconnues et la délibération en litige du 23 octobre 2020 est entachée d'illégalité. Dès lors que le vice entachant la délibération contestée ne concerne pas une procédure administrative préalable, mais touche à la composition même du jury, qui est l'auteur de cette délibération, il n'y a pas lieu de rechercher si le vice commis a privé l'appelante d'une garantie ou exercé une influence sur la décision attaquée.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du jury du 23 octobre 2020 en tant que son nom ne figure pas dans la liste des candidats admissibles, ainsi que celle de la décision implicite de rejet de son recours.
Sur les conclusions en injonction :
7. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de Mme C... se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention des décisions attaquées, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement que le jury de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats, régulièrement composé, se prononce à nouveau sur le cas de Mme C... au titre de la session 2020. Il y a donc lieu d'enjoindre au président de l'université d'Avignon de réunir le jury, régulièrement composé, afin qu'il soit procédé à une nouvelle correction de la copie de la note de synthèse rédigée par Mme C.... Au vu des résultats de Mme C... sur cette épreuve, il incombera au jury de se prononcer de nouveau sur l'admissibilité de cette dernière à cet examen au titre de la session 2020, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'université d'Avignon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
9. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'université d'Avignon une somme de 1 500 euros à verser à Mme C....
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juillet 2023 en tant qu'il rejette les conclusions en annulation de la délibération du 23 octobre 2020 en tant que le nom de
Mme C... ne figure pas dans la liste des candidats admissibles, la délibération du jury de l'examen du 23 octobre 2020, en tant que le nom de Mme C... ne figure pas dans la liste des candidats admissibles, et la décision de rejet du recours gracieux, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président de l'université d'Avignon de réunir le jury d'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats au titre de la session 2020, régulièrement composé, afin qu'il soit procédé à une nouvelle correction la copie de la note de synthèse rédigée par Mme C..., puis qu'au vu de ses résultats sur cette épreuve, il se prononce de nouveau sur l'admissibilité de cette dernière à cet examen au titre de la session 2020, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'université d'Avignon versera une somme de 1 500 euros à Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à l'université d'Avignon.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02354