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15/04/2025 | FRANCE | N°23TL02039

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 avril 2025, 23TL02039


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, dans le dernier état de ses écritures, de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse devant se prononcer sur son appel formé contre le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 11 août 2022 ayant rejeté son action en revendication de propriété du " chemin C... " situé à Lanta (Haute-Garonne). Elle a également demandé au tribunal administratif d'annuler la décision du 18 m

ai 2020 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a refusé d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, dans le dernier état de ses écritures, de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse devant se prononcer sur son appel formé contre le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 11 août 2022 ayant rejeté son action en revendication de propriété du " chemin C... " situé à Lanta (Haute-Garonne). Elle a également demandé au tribunal administratif d'annuler la décision du 18 mai 2020 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a refusé de désaffecter à la circulation publique la route départementale 54A empiétant sur sa propriété et d'enjoindre à ce département de faire démolir cette route départementale et de fermer cet espace à la circulation des véhicules, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard. Elle a enfin demandé au tribunal administratif de condamner le département de la Haute-Garonne à lui verser une indemnité de 4 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 2002073 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, et un mémoire, enregistré le 20 juin 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Montazeau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mai 2023 ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse ;

3°) d'annuler la décision par laquelle le département de la Haute-Garonne a refusé de faire démolir la route départementale empiétant sur sa propriété ;

4°) d'enjoindre au département de la Haute-Garonne de faire démolir la route départementale traversant sa propriété, et de fermer cet espace à la circulation des véhicules, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de condamner ce département à lui verser une indemnité de 4 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi ;

6°) de mettre à la charge de ce département la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, le tribunal a dénaturé les faits en considérant qu'elle avait acquis un ensemble immobilier sur la commune de Lanta alors qu'elle en a hérité ;

- le tribunal a dénaturé ses conclusions en considérant qu'elle demandait, à titre principal, la réparation pécuniaire des conséquences de l'atteinte portée à sa propriété privée alors qu'elle demandait avant tout la désaffectation de la route départementale qui empiète sur sa propriété privée ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le rejet de sa demande de sursis à statuer dès lors qu'il n'expose pas les raisons pour lesquelles il a estimé qu'il n'y avait pas d'extinction de son droit de propriété en dépit de la présence, sur son terrain, de la route départementale qui constitue un ouvrage public ;

- le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse s'imposait dès lors que l'identification du propriétaire de la portion de la route départementale en cause est centrale pour la résolution du litige ;

- elle est propriétaire du " chemin du Taillassou " qu'elle a acquis par héritage ; l'implantation de la portion de la route départementale sur sa propriété constitue une emprise irrégulière ;

- la suppression de cette emprise n'entraînerait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ; le " chemin C... " ne concourt pas à la desserte de la commune ; des voies de circulation alternatives existent ; cette voie présente des risques pour la sécurité ; l'emprise irrégulière lui occasionne nombreuses nuisances ;

- elle a subi un préjudice de jouissance du fait de l'implantation irrégulière de cet ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2024, le département de la Haute-Garonne, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué est régulier ; le moyen tiré de la dénaturation des faits commise par les premiers juges est inopérant ; la prétendue erreur commise par le tribunal quant au mode d'acquisition de la propriété de Mme A..., est sans incidence sur l'appréciation du caractère irrégulier de l'emprise ;

- la prétendue contradiction de motifs interne au jugement affecterait son bien-fondé et non sa régularité ; les points 2 et 3 du jugement attaqué ne sont pas contradictoires ; le tribunal n'a pas requalifié de manière erronée ses demandes en examinant en premier lieu la demande de sursis à statuer ;

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- les premiers juges n'étaient pas tenus de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse tranchant la question de la propriété alors qu'ils étaient compétents pour se prononcer sur l'emprise irrégulière et disposaient de l'ensemble des éléments utiles à la résolution du litige ;

- l'irrégularité de l'implantation de la voie publique sur la propriété de Mme A... n'est pas démontrée ; en l'absence d'emprise irrégulière, le moyen tiré de ce que la démolition de l'ouvrage public n'entraînerait pas une atteinte excessive à l'intérêt général est, dès lors, inopérant ;

- en tout état de cause, cette voie qui est empruntée par des usagers et permet le désengorgement des routes principales desservant le village, présente une utilité publique pour la circulation des véhicules ; Mme A... n'établit pas la réalité des nuisances qu'elle prétend supporter ;

- la demande de démolition de la portion de la route aurait pour effet d'empêcher également Mme A... d'accéder à sa propriété.

Par une ordonnance du 23 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 février 2025 à 12 heures.

Un mémoire, enregistré le 31 mars 2025, a été présenté pour Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Montazeau, représentant l'appelante et de Me Baud représentant le département de la Haute-Garonne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a acquis, en 2008, un ensemble bâti et non bâti dit " D... " situé en bordure de la route départementale n° 54A sur le territoire de la commune de Lanta (Haute-Garonne). Estimant être propriétaire d'une partie de cette voie départementale, dit " chemin du Taillassou ", traversant sa propriété, elle a demandé, le 10 mars 2020, au président du conseil départemental de la Haute-Garonne de désaffecter à la circulation publique, pour défaut d'utilité publique et emprise irrégulière, cette portion de la voie, de démolir cet ouvrage et de lui verser la somme de 4 000 euros en réparation de ses préjudices. Par courrier du 18 mai 2020, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mai 2020, à ce qu'il soit enjoint au département de la Haute-Garonne de faire démolir la portion de la route traversant sa propriété et à la condamnation de ce dernier à lui verser une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts. Mme A... relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'appelante soutient que le tribunal aurait dénaturé les faits de l'espèce en considérant qu'elle avait acquis un ensemble immobilier sur la commune de Lanta alors qu'elle en a hérité. Le moyen invoqué se rattache toutefois au bien-fondé du jugement attaqué et est, dès lors, sans incidence sur sa régularité. Il relèverait, au demeurant, de l'office du juge de cassation et non du juge d'appel.

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché son jugement d'une contradiction de motifs ne se rapporte pas à la régularité de ce jugement mais à son bien-fondé et est, dès lors, inopérant. Par ailleurs, si l'appelante soutient que le tribunal aurait, à tort, requalifié sa demande comme tendant, à titre principal, à la réparation des conséquences de l'atteinte portée à sa propriété privée, le tribunal a toutefois examiné, tout d'abord, les conclusions à fin de sursis à statuer de la demande, compte tenu d'une procédure judiciaire en cours, puis l'existence d'une emprise irrégulière invoquée devant lui. Après avoir rejeté ces conclusions et moyens, il a rejeté, par voie de conséquence, la demande indemnitaire de Mme A.... Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient mépris sur les conclusions de la demande ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Aux points 2 et 3 de son jugement, le tribunal, pour considérer que la juridiction administrative était compétente pour connaître des conclusions présentées par Mme A..., sans avoir à surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse se prononçant sur l'action en revendication de propriété, a indiqué que " si la décision d'édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n'a, toutefois, pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette parcelle ". Ce faisant, les premiers juges, qui ont en outre décrit aux points 1 et 5 de leur décision la situation de fait résultant de la présence d'une voie sur la propriété de Mme A..., ont suffisamment exposé les raisons pour lesquelles il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel judiciaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé en ce qui concerne le rejet de la demande de sursis à statuer, ne peut qu'être écarté.

6. A supposer que Mme A... ait entendu soulever le moyen d'irrégularité du jugement tiré de ce que le tribunal administratif aurait, à tort, refusé de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la propriété du " chemin C... ", un tel moyen n'affecte cependant pas la régularité du jugement mais le bien-fondé de celui-ci. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :

7. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêt du 18 décembre 2024, la cour d'appel de Toulouse s'est prononcée sur l'appel formé par Mme A... contre le jugement du 11 août 2022 du tribunal judiciaire de Toulouse ayant rejeté son action en revendication de la propriété du chemin dit C... ". Par suite, les conclusions de l'appelante tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa demande, dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse sur cette action, sont désormais sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la démolition de la voie de circulation :

8. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

9. Par son arrêt du 18 décembre 2024, la cour d'appel de Toulouse a confirmé la décision du tribunal judiciaire ayant rejeté l'action en revendication de la propriété du " chemin C... " engagée par Mme A.... Il résulte de ces décisions judiciaires que Mme A... ne justifie pas d'un titre de propriété sur le chemin en cause et que celui-ci appartient au domaine public départemental. Compte tenu de cet arrêt, qui présente un caractère définitif, Mme A... ne peut être regardée comme étant la propriétaire de ce chemin, et n'est pas fondée à soutenir que cette voie constitue une emprise irrégulière sur sa propriété. Dans ces conditions, les conclusions tendant à la démolition de cette voie publique empiétant sur la propriété de Mme A..., ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il en résulte que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de démolition de la portion de la route départementale A54 implantée sur sa propriété.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Pour les motifs qui viennent d'être exposés, Mme A..., qui n'est pas propriétaire du " chemin C... ", ne peut prétendre à être indemnisée au titre des nuisances qu'elle dit subir du fait de cette prétendue emprise irrégulière. Il en résulte que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Haute-Garonne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A..., le versement au département de la Haute-Garonne de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera au département de la Haute-Garonne la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02039
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07-01-03 Procédure. - Pouvoirs et devoirs du juge. - Questions générales. - Conclusions.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : MONTAZEAU & CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23tl02039 ?
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