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15/04/2025 | FRANCE | N°23TL01873

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 avril 2025, 23TL01873


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société en nom collectif Ayats et Segundo a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 27 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a autorisé M. B... A..., gérant de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Pharmacie A..., à transférer l'officine de pharmacie qu'il exploite sous la dénomination Pharmacie du Wahoo.



Par un jugement n° 2106019 du 30 mai 202

3, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif Ayats et Segundo a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 27 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a autorisé M. B... A..., gérant de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Pharmacie A..., à transférer l'officine de pharmacie qu'il exploite sous la dénomination Pharmacie du Wahoo.

Par un jugement n° 2106019 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2023 et le 17 juillet 2024, la société Ayats et Segundo, représentée par Me Daver et Me Fontaine, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 mai 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 27 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie a autorisé M. B... A..., gérant de la société Pharmacie A... à transférer l'officine de pharmacie qu'il exploite sous la dénomination Pharmacie du Wahoo, située immeuble Le Wahoo au n° 119 avenue Guynemer à Perpignan, dans un nouveau local situé au n° 40 avenue Jean Giraudoux dans la même commune ;

3°) de rejeter les conclusions de l'agence régionale de santé Occitanie tendant à la modulation dans le temps des effets de l'annulation contentieuse susceptible d'être prononcée par la cour ;

4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la décision en litige méconnaît l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique dès lors, d'une part, qu'elle ne comporte pas de définition du quartier de desserte concerné par le transfert, d'autre part, que le transfert en litige ne peut être regardé comme un transfert d'officine de pharmacie au sein d'un même quartier ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle quant à la délimitation du quartier d'accueil concerné en l'absence d'unité géographique et de population résidente ;

- le transfert en litige compromet l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente et du lieu d'implantation choisi, en méconnaissance de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ;

- à titre subsidiaire, à supposer que le transfert soit considéré comme un transfert d'officine de pharmacie au sein d'un même quartier, la décision en litige méconnaît les dispositions du 1°, du 2° et du 3° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique ;

- il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de modulation dans le temps de l'annulation contentieuse à intervenir présentée par l'agence régionale de santé Occitanie.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 janvier 2024 et le 13 mars 2025, la société Pharmacie A..., représentée par Me Raymond et Me Prévôt, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Ayats et Segundo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a regardé le transfert en litige comme s'opérant au sein d'un même quartier ;

- le lieu d'origine de la pharmacie du Wahoo et le lieu d'accueil se situent tous deux dans le quartier Saint-Gaudérique, lequel correspond à même unité géographique déterminée par des limites naturelles, et s'inscrit dans la division communale des quartiers retenue par la commune de Perpignan ;

- le nouveau lieu d'implantation assure une desserte en médicaments optimale et ne compromet pas la desserte en médicaments des habitants du quartier :

* l'accès à la nouvelle pharmacie sera aisé et facilité avec un nombre accru de places de stationnement, un meilleur accès pour les véhicules motorisés, une meilleure accessibilité pour les piétons ;

* les nouveaux locaux offrent une meilleure visibilité de l'officine pour la population tandis que l'accès au moyen des transports en communs existants demeurera aisé avec la présence de deux arrêts de bus situés face au nouvel emplacement, lui-même desservi par les lignes de bus n° 2 et 7 qui desservaient déjà l'ancien emplacement ;

* les nouveaux locaux, plus spacieux avec une superficie de 769 m2, dont 540 m2 de superficie commerciale, contre 50 m2 de superficie commerciale auparavant, et une seule pièce " tous usages ", bénéficieront d'un meilleur aménagement avec plusieurs espaces confidentiels de nature à améliorer le confort du personnel et des clients et à assurer le nouveau rôle de coordination, de prescription et de dispensation dévolu aux pharmaciens dans le cadre de la nouvelle stratégie gouvernementale " Ma santé 2022 " ; ces nouveaux locaux sont composés de plusieurs salles confidentielles permettant de réaliser, notamment, les dépistages, les vaccinations, les entretiens pharmaceutiques dans de meilleures conditions, l'accompagnement oncologique des patients avec une salle dédiée, tout en offrant un accueil sécurisé à tous les patients ;

* le transfert en litige s'opérant au sein d'un même quartier, il n'est pas de nature à compromettre l'approvisionnement en médicaments de la population du quartier, bien que l'officine ait été transférée plus au sud de ce quartier ; la population située au nord, à environ un kilomètre, continue de venir s'approvisionner dans le nouveau lieu d'implantation ;

* depuis l'ouverture au public de la nouvelle officine, de très nombreux patients habitués des anciens locaux viennent s'approvisionner en médicaments au sein des nouveaux locaux ;

* le nord du quartier Saint-Gaudérique est également desservi par les pharmacies " Saint-Gaudérique " et " Moulin à vent " situées respectivement à 500 mètres et 600 mètres de l'ancien emplacement, soit respectivement 5 et 7 minutes à pied.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024, l'agence régionale de santé Occitanie, représentée par son directeur général, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Ayats et Segundo ;

2°) à titre subsidiaire, de moduler dans le temps l'effet rétroactif s'attachant au prononcé d'une éventuelle annulation contentieuse de la décision en litige compte tenu des conséquences manifestement excessives qu'une telle annulation emporterait sur les intérêts publics et privés en présence.

Elle soutient que :

- le transfert en litige s'opère au sein du même quartier, le quartier Saint-Gaudérique, lequel se définit, en application de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique, au regard de la présence d'une population résidente et de son unité géographique, elle-même déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport ;

- elle était seulement tenue de définir le quartier du nouvel emplacement de l'officine en le situant ou le nommant mais n'était pas tenue, même si elle y a procédé, de délimiter ce quartier de façon précise en indiquant le nom des rues ;

- aucune disposition du code de la santé publique ne restreint l'existence d'un quartier à une certaine superficie ou à une certaine densité de population ; en tout état de cause, il existe bien une population résidente à proximité du lieu de transfert ;

- la société appelante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance selon laquelle la population desservie serait insuffisante s'agissant d'un transfert d'officine au sein d'une même commune ne nécessitant pas l'octroi d'une licence, compte tenu des dispositions de l'article L. 5125-3 du même code ;

- bien qu'elle ne soit pas liée par le découpage des quartiers réalisé par l'INSEE dans le cadre des îlots regroupés pour l'information statistique (IRIS), ou par le découpage des quartiers retenu par la commune de Perpignan, aucune disposition ne lui interdisait de retenir un découpage de quartiers se rapprochant de celui appliqué par cette commune ;

- le transfert en litige, opéré au sein d'un même quartier, permettra de continuer à assurer une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation au sens des dispositions du 1° et du 2° de l'article L. 5125-3-2 du code la santé publique, seules conditions applicables lorsqu'est en cause, comme en l'espèce, le transfert d'une officine au sein d'un même quartier ; ce transfert ne compromet pas non plus l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, laquelle peut également s'approvisionner auprès de la pharmacie Saint-Gaudérique, de la pharmacie de l'Europe et de la pharmacie de la Sardane ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 5125-3-2 du code la santé publique est inopérant ;

- l'ancienne et la nouvelle officine bénéficient de la même desserte par voie de bus, le nouveau lieu d'implantation présente une meilleure accessibilité extérieure avec : un accès facilité pour les véhicules motorisés par l'avenue d'Argelès-sur-Mer et l'avenue Jean Giraudoux, de nombreuses places de parking, ainsi que l'aménagement de cheminements piétons autour du local d'accueil ; en outre, le nouveau local sera parfaitement visible pour la population ;

- s'agissant de l'installation officinale, les nouveaux locaux respectent les conditions d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et les conditions minimales d'installation ; en outre, les nouveaux locaux offrent de meilleures conditions pour exercer les missions des pharmaciens en garantissant un accès permanent au public pour assurer le service de garde et d'urgence ;

- la distance entre la pharmacie de l'Europe et la pharmacie du Wahoo, situées en milieu urbain et séparées par l'avenue d'Argelès-sur-Mer, est plus que raisonnable dès lors qu'elle varie de 550 à 700 mètres d'après les deux trajets piétons proposés sur le site " Google Maps " ;

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour venait à annuler le jugement attaqué et la décision de transfert en litige, il y aurait lieu de moduler dans le temps les effets de cette éventuelle annulation contentieuse au regard des conséquences manifestement excessives s'attachant à l'effet rétroactif d'une telle annulation au regard des différents intérêts publics et privés en présence.

La requête a été communiquée au ministre des solidarités et de la santé qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 24 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mars 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2018-671 du 30 juillet 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Rossignol, représentant la société Ayats et Segundo, et celles de Me Prévôt, représentant la société Pharmacie A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 juin 2021, la société Pharmacie A..., qui exploite la pharmacie du Wahoo, située 119 avenue Guynemer à Perpignan (Pyrénées-Orientales), a sollicité l'autorisation de transférer son officine dans un local situé 40 avenue Giraudoux, sur le territoire de la même commune. Par une décision du 27 septembre 2021, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a autorisé ce transfert. La société Ayats et Segundo, qui exploite la pharmacie de l'Europe, située 3 rue de Cosprons à Perpignan, relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le cadre applicable au litige :

2. Aux termes de l'article L. 5125-18 du code de la santé publique : " (...) tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre [est subordonné] à l'octroi d'une licence délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé selon les conditions prévues aux articles L. 5125-3, L. 5125-3-1, L. 5125-3-2, L. 5125-3-3, L. 5125-4 et L. 5125-5. (...) / La licence fixe l'emplacement où l'officine sera exploitée (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. / L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement (...) ".

4. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination de l'officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable. L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.

Sur la légalité de l'autorisation de transfert d'officine en litige :

En ce qui concerne la nature juridique du transfert d'officine en litige et la délimitation des quartiers d'origine et d'accueil :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. / Le directeur général de l'agence régionale de santé mentionne dans l'arrêté prévu au cinquième alinéa de l'article L. 5125-18 le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier ".

6. Par la décision en litige, l'agence régionale de santé Occitanie a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie du Wahoo, exploitée par la société Pharmacie A..., du local situé Immeuble Le Wahoo, 119 avenue Guynemer à Perpignan, dans un local situé 40 avenue Jean Giraudoux sur le territoire de la même commune. La société Ayats et Segundo soutient que l'agence régionale de santé Occitanie n'a pas désigné le quartier d'accueil de la nouvelle officine et n'en a pas davantage défini les limites territoriales. Il ressort toutefois des motifs de la décision en litige, qu'après avoir rappelé que les anciens locaux se situaient au Sud du quartier Saint-Gaudérique, quartier d'habitations situé à l'Est de la commune de Perpignan dont la limite par rapport au quartier du Moulin à Vent se situe au niveau de l'avenue d'Argelès-sur-Mer, l'autorité administrative a pris soin de préciser que le transfert s'opérait dans le même quartier dont elle a, en outre, circonscrit les limites territoriales au regard des quatre points cardinaux. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique, le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie a ainsi délimité le quartier d'origine, le quartier Saint-Gaudérique, lequel constitue, ainsi qu'il vient d'être dit, également le quartier d'accueil de l'officine, soit au Nord par l'avenue Albert Camus, à l'Est par la route départementale D 22 C, à l'Ouest par le boulevard John Fitzgerald Kennedy et l'avenue d'Argelès-sur Mer et au Sud par la route départementale D 22. Il est certes constant que la délimitation ainsi présentée comporte une inversion dans le positionnement des voies départementales D22C et D22, formant les limites occidentale et orientale du quartier d'accueil, et ne nomme pas la voie participant à la délimitation septentrionale de ce quartier, située entre le boulevard Kennedy et l'avenue Albert Camus. Toutefois, ces erreurs, purement matérielles, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige qui désigne bien le nom du quartier d'accueil et d'origine, le quartier Saint-Gaudérique, en précisant qu'il s'agit d'un quartier d'habitations situé dans la partie Est de la commune de Perpignan, séparé du quartier du Moulin à Vent par l'avenue d'Argelès-sur-Mer, seule limite territoriale pertinente pour déterminer le positionnement géographique de la pharmacie de l'Europe, exploitée par la société appelante, au regard de l'ancien et du nouvel emplacement de la pharmacie du Wahoo (A...). Par suite, les moyens tirés de l'absence de délimitation des quartiers d'origine et d'accueil au regard de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique, et de l'inexactitude matérielle des faits entachant la délimitation de ces quartiers, doivent être écartés.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des différents plans produits par les parties, qu'au rang des principales voies de circulation qui délimitent le quartier Saint-Gaudérique figure l'avenue d'Argelès-sur-Mer. Cette voie de circulation, composée d'une route à quatre voies très fréquentée, séparée par un terre-plein central, est une infrastructure de transport constitutive d'une frontière urbaine, au sens des dispositions précitées de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique, instituant une délimitation claire entre le quartier du Moulin à Vent et le quartier Saint-Gaudérique, qui confère une unité géographique au quartier d'accueil qu'elle délimite. De plus, il ressort des pièces du dossier que le périmètre qu'occupe le quartier Saint-Gaudérique est, indépendamment de sa superficie et de sa densité de population, identifié par la commune de Perpignan comme l'un des quartiers de la commune, doté même d'une mairie de quartier, formant une unité géographique et humaine homogène au même titre que le quartier limitrophe du Moulin à Vent dans lequel se situe l'officine de pharmacie exploitée par la société appelante.

8. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, il ressort des pièces du dossier que le quartier d'accueil de l'officine de la pharmacie du Wahoo (A...), tel que délimité par l'autorité administrative, indépendamment de sa densité et de sa superficie, forme, avec la population qui y réside, un ensemble urbain homogène délimité par des infrastructures de transport formant une unité géographique et humaine au sens des dispositions précitées l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique. Par suite, le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions en estimant que la demande de transfert en litige s'opérait au sein d'un même quartier, le quartier Saint-Gaudérique, et en examinant cette demande d'autorisation au regard des seuls critères régissant les transferts intracommunaux d'officines au sein d'un même quartier.

En ce qui concerne le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur :

9. Aux termes de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : / 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; / 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées aux articles L. 164-1 à L. 164-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; / 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs ". L'article L. 5125-3-3 du même code dispose que : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 5125-3-2, le caractère optimal de la réponse aux besoins de la population résidente est apprécié au regard des seules conditions prévues aux 1° et 2° du même article dans les cas suivants : / 1° Le transfert d'une officine au sein d'un même quartier, ou au sein d'une même commune lorsqu'elle est la seule officine présente au sein de cette commune (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 juillet 2018 pris en application de l'article L. 5125-3, 1° du code de la santé publique définissant les conditions de transport pour l'accès à une officine en vue de caractériser un approvisionnement en médicament compromis pour la population : " Le " mode de transport motorisé ", mentionné à l'article L. 5125-3,1° du code de la santé publique s'entend comme toute offre de transport collectif qui répond aux conditions du second alinéa. L'offre de transport disponible permet d'assurer au moins un trajet aller-retour par jour ouvrable entre le quartier ou la commune d'origine et le lieu d'implantation envisagé par l'officine dont le transfert ou le regroupement est demandé, ou celui d'une officine existante située au maximum dans les limites des communes limitrophes. Elle assure un arrêt à proximité de l'une ou l'autre de ces officines ".

10. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, le transfert d'officine en litige s'opère au sein du même quartier d'une commune. Par suite, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 5125-3-3 du code de la santé publique, le critère démographique quantitatif prévu par les dispositions du 3° de l'article L. 5125-3-2 du même code ne s'applique pas à la demande de la pharmacie du Wahoo (A...). Dès lors, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le transfert sollicité s'opère au sein du même quartier, comportant plusieurs pharmacies situées dans un environnement fortement dense et urbanisé, d'autre part, qu'une distance d'environ 850 mètres seulement sépare l'ancien emplacement de la pharmacie du Wahoo de son nouveau local d'implantation et, enfin, que la clientèle pourra continuer à s'approvisionner en médicaments soit auprès de l'officine installée dans les nouveaux locaux, soit auprès des autres officines situées dans le même secteur, notamment les pharmacies " Saint-Gaudérique ", " Moulin à Vent " et " la Sardane " situées entre 500 mètres et 600 mètres de l'ancien emplacement. Eu égard à la présence d'autres pharmacies dans le secteur environnant, à la faible distance qui sépare le lieu d'accueil du lieu d'origine, et à la circonstance qu'il s'opère en milieu urbain au sein d'une commune qui comporte 52 officines pour 119 000 habitants, le transfert en litige ne peut être regardé comme de nature à compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par la société Pharmacie A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique doit, par suite, être écarté.

13. En troisième lieu, s'agissant de l'accessibilité extérieure du local d'accueil, il ressort des pièces du dossier que les locaux devant accueillir la pharmacie exploitée par la société Pharmacie du Wahoo (A...), après son transfert, disposent d'une très bonne visibilité tandis que l'accès aux véhicules motorisés sera facilité par un double accès, depuis l'avenue d'Argelès-sur-Mer et l'avenue Jean-Giraudoux, ainsi que par la présence de 42 places de stationnement réservées à la clientèle, contre trois auparavant. L'accès des piétons sera également facilité par l'aménagement de cheminements réservés autour du nouvel emplacement, tandis que les nouveaux locaux disposent d'une desserte par les transports en communs avec la même fréquence de passage. Si la société appelante soutient que le nouvel emplacement est plus éloigné de l'arrêt de bus et n'est pas desservi par la ligne de bus n° 2, il ressort toutefois du plan de ligne de bus versé au dossier que le nouveau local se trouve à deux arrêts de bus de l'ancien local et que l'arrêt " Port Vendres " qui dessert le nouvel emplacement est situé encore plus près de l'officine que l'ancien arrêt " Broadway ", ce qui en facilite l'accès. En outre, le critère tenant à l'existence de dessertes par les transports en commun revêt un caractère subsidiaire, ainsi que cela ressort des termes du 1° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique cité au point 9. Par suite, le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant que les locaux d'accueil remplissaient les conditions d'accessibilité prévues par les dispositions du 1° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique.

14. En quatrième et dernier lieu, s'agissant de la condition tenant à la qualité de l'installation officinale, il ressort des pièces du dossier que les locaux d'accueil de la nouvelle officine de la pharmacie du Wahoo (A...) comportent une superficie de 769 m2 dont 540 m2 de superficie commerciale, contre 50 m2 de superficie commerciale pour le local d'origine. Il ressort également des pièces du dossier que les nouveaux locaux respectent les conditions d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite instituées aux articles L. 164-1 à L. 164-3 du code de la construction et de l'habitation ainsi que les conditions d'installation prévues aux articles R. 5125-8 et R. 5125-9 du code de la santé publique. Sur ce point, il ressort du rapport d'enquête établi par l'agence régionale de santé Occitanie, le 26 juillet 2021, que les nouveaux locaux disposent de portes d'entrée et de sortie automatiques praticables par tous et que leur emplacement permet de garantir un accès permanent au public. Selon ce même rapport, le plan d'aménagement prévu comporte un espace de vente de 346 m2, une zone de dispensation de 31 m2 dotée de postes de dispensation espacés et d'un marquage au sol pour permettre la confidentialité des échanges dont plusieurs sont adaptés aux personnes à mobilité réduite, tandis que le mobilier pharmaceutique est disposé de telle sorte que le public n'ait pas directement accès aux médicaments et aux produits dont la vente est réservée aux officines. Il ressort également des pièces du dossier que les locaux d'accueil comportent des espaces de stockage, de bureau et de préparation ainsi que plusieurs espaces dédiés accessibles depuis l'espace de vente de nature à assurer un meilleur accueil de la clientèle, à mieux répondre à ses besoins spécifiques et à permettre au bénéficiaire de l'autorisation d'assurer, dans de meilleures conditions, les missions dévolues aux pharmaciens d'officine par les dispositions de l'article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique, au rang desquelles figurent, notamment, la participation à l'éducation thérapeutique et aux actions d'accompagnement de patients, les conseils et prestations destinés à favoriser l'amélioration ou le maintien de l'état de santé des personnes ainsi que la prescription et la réalisation de certains vaccins. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier que le lieu d'accueil comporte un local dédié à l'orthopédie de 15m2 doté d'un point d'eau permettant de réaliser les essayages dans de bonnes conditions d'isolation phonique et visuelle, un local " confidentialité " de 10m2 ainsi que deux locaux, également de 10m2 chacun, dédiés à la vaccination équipés d'un point d'eau. Il ressort de ces mêmes pièces que les nouveaux locaux disposent d'un sas de livraison de 8m2 aménagé permettant les livraisons de médicaments en dehors des heures d'ouverture de la pharmacie, ce qui est de nature à rendre optimale la satisfaction des besoins en médicaments de la population. Par suite, le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant que les locaux d'accueil remplissaient les conditions d'installation officinale prévues par les dispositions du 2° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique citées au point 9.

15. Dans ces conditions, en considérant que le transfert sollicité par la pharmacie du Wahoo exploitée par la société Pharmacie A... devait être regardé comme répondant de manière optimale aux besoins en médicaments de la population d'origine et d'accueil résidant dans le quartier Saint-Gaudérique, lieu d'implantation situé dans le même quartier que le local d'origine, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ni fait une inexacte application des dispositions du 1° et du 2° de l'article L. 5125-3-2 du même code.

16. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les conclusions de l'agence régionale de santé Occitanie tendant à moduler dans le temps les effets d'une éventuelle annulation contentieuse de la décision attaquée, la société Ayats et Segundo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Ayats et Segundo demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

18. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Ayats et Segundo une somme de 1 500 euros à verser à la société Pharmacie A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de la société Ayats et Segundo est rejetée.

Article 2 : La société Ayats et Segundo versera à la société Pharmacie A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Ayats et Segundo, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à l'agence régionale de santé Occitanie et à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Pharmacie A....

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01873
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-04-01 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions. - Pharmaciens. - Autorisation d'ouverture ou de transfert d'officine.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23tl01873 ?
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