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15/04/2025 | FRANCE | N°23TL01468

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 avril 2025, 23TL01468


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle la commission pluridisciplinaire unique du centre pénitentiaire de Muret a prononcé son déclassement " scolaire " et d'annuler la décision du 13 février 2020 par laquelle le directeur du centre lui a infligé un avertissement.



Par un jugement n° 2004726, 2004727 du 25 janvier 2023, le tribunal a rejeté ses demandes.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 21 juin 2023, M. B..., représenté par Me Dav...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle la commission pluridisciplinaire unique du centre pénitentiaire de Muret a prononcé son déclassement " scolaire " et d'annuler la décision du 13 février 2020 par laquelle le directeur du centre lui a infligé un avertissement.

Par un jugement n° 2004726, 2004727 du 25 janvier 2023, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2023, M. B..., représenté par Me David, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler les décisions en litige des 9 décembre 2019 et 13 février 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n'est pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la décision attaquée du 13 février 2020 constitue une sanction et pas une mesure d'ordre intérieur insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

Il soutient, en ce qui concerne la décision du 9 décembre 2019, que :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en droit et en fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation dès lors qu'elle reproduit des formules générales et stéréotypées ;

- elle est dépourvue de base légale, aucun texte ne prévoyant la possibilité pour l'administration pénitentiaire de prononcer le déclassement d'un détenu pour le suivi d'un enseignement et l'accès au centre de documentation et d'information ;

- elle méconnaît son droit à l'instruction garanti par l'article 2 du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il soutient, en ce qui concerne la décision du 13 février 2020, que :

- la procédure contradictoire n'a pas été mise en œuvre dès lors qu'il n'a pu présenter des observations écrites ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle ne comporte aucune indication relative au contexte des faits qui lui sont reprochés, et qu'il n'est donc pas en mesure de les identifier ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'appréciation ;

- elle revêt un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2025, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la décision du 13 février 2020 n'est pas une sanction disciplinaire mais une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours contentieux ; au fond, il soutient que les moyens de la requête soulevés à l'encontre des décisions attaquées ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 février 2025 à 12 h 00.

Le 5 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les décisions attaquées des 9 décembre 2019 et 13 février 2020 constituant des sanctions disciplinaires, elles ne pouvait être contestées directement devant le juge administratif en l'absence d'exercice du recours préalable obligatoire prévu à l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale.

M. B... a présenté des observations le 30 mars 2025.

Par une décision du 19 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénitentiaire ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Faïck, président-rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 23 avril 1977, et écroué depuis le 3 avril 2004, a été incarcéré au centre pénitentiaire de Muret (Haute-Garonne) entre le 3 juillet 2019 et le 20 avril 2021. Au cours de cette détention, il a suivi une formation pour obtenir un brevet de technicien supérieur dans le domaine de l'électrotechnique. Par une décision du 9 décembre 2019, la commission pluridisciplinaire unique de l'établissement a prononcé son " déclassement scolaire " avec interdiction de se rendre " aux scolaires " ainsi qu'au centre de documentation et d'information jusqu'au mois de juin 2020. Par une lettre du 13 février 2020, le directeur de l'établissement lui a adressé un avertissement au motif qu'il ne respectait pas les consignes et instructions de son responsable de travail. M. B... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'annulation des décisions des 9 décembre 2019 et 13 février 2020. Il relève appel du jugement rendu le 25 janvier 2023 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience conformément aux dispositions de l'article R. 741- 7 du code de justice administrative. La circonstance que l'expédition du jugement, notifiée à M. B..., ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision du 9 décembre 2019 :

3. D'une part, aux termes de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale dans sa version applicable à l'espèce : " Lorsque la personne détenue s'avère incompétente pour l'exécution d'une tâche, cette défaillance peut entraîner le déclassement de cet emploi. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 57-7-34 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : / (...) 2° Le déclassement d'un emploi ou d'une formation lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l'occasion de l'activité considérée ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-26 du même code : " La décision sur la sanction disciplinaire est prononcée en présence de la personne détenue. Elle lui est notifiée par écrit sans délai et doit comporter, outre l'indication de ses motifs, le rappel des dispositions de l'article R. 57-7-32 ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

5. Sur le fondement de l'article D. 432-4 précité du code de procédure pénale, l'administration a la possibilité de prendre une décision déclassant un détenu de son emploi à raison de son incompétence à exécuter les tâches qui lui sont confiées, auquel cas le déclassement prononcé ne revêt pas un caractère disciplinaire. Sur le fondement distinct de l'article R. 57-7-34 du même code, également précité, l'administration a la possibilité d'infliger à un détenu la sanction disciplinaire de déclassement d'un emploi ou d'une formation. Dans l'un et l'autre cas, la décision de déclassement doit être motivée en application des dispositions de l'article R. 57-7-26 du code de procédure pénale, si elle est prononcée pour un motif disciplinaire, ou de celles de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, si elle a pour effet de restreindre les droits des détenus, au nombre desquels figure le droit à l'instruction garanti, notamment, par les dispositions de l'article D. 435 du code de procédure pénale en vigueur à la date de la décision attaquée.

6. Au cas d'espèce, la décision du 9 décembre 2019 en litige ne vise aucune disposition législative ou règlementaire et ne permet donc pas à M. B... de connaître le fondement juridique sur lequel elle a été prise. En l'absence de toute motivation en droit, M. B... n'a pas été mis à même de contester utilement les motifs de cette décision. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 décembre 2019.

En ce qui concerne la décision du 13 février 2020 :

7. Aux termes de l'article R. 57-7-7 du code de procédure pénale en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative. ". Aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes :1° L'avertissement (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-32 du même code, alors en vigueur : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été reçu le 10 février 2020 par l'administration pénitentiaire pour s'expliquer oralement sur les faits qui lui étaient reprochés. Il ressort des termes mêmes de la décision du 13 février 2020 que le directeur du centre pénitentiaire de Muret a indiqué à M. B... qu'il faisait l'objet d'un avertissement au motif qu'il ne respectait pas les instructions de son responsable d'atelier. Eu égard à son objet et aux motifs qui la fondent, la décision du 13 février 2020 ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours contentieux, comme l'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, mais une sanction disciplinaire prise en application de l'article R. 57-7-34 précité du code de procédure pénale. Une telle décision fait dès lors grief à M. B....

9. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale que le détenu qui entend contester la sanction prononcée à son encontre doit, préalablement à tout recours contentieux, former un recours préalable devant le directeur interrégional des services pénitentiaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait saisi le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse préalablement à son recours contentieux devant le tribunal administratif de Toulouse. La circonstance que l'existence de ce recours, ainsi que son caractère obligatoire, n'ont pas été indiqués dans la notification de la décision du 13 février 2020 en litige, si elle empêchait que cette notification fasse courir le délai du recours auprès du directeur interrégional à l'égard de M. B..., est néanmoins sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande de ce dernier directement présentée devant le tribunal.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 13 février 2020.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 9 décembre 2019 en litige et que le surplus de ses demandes doit être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 janvier 2023 en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du 9 décembre 2019, et la décision du 9 décembre 2019, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions présenté par M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me David et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

Le président-assesseur,

P. BentolilaLe président-rapporteur,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°23TL01468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01468
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Frédéric Faïck
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23tl01468 ?
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