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10/04/2025 | FRANCE | N°23TL00758

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 10 avril 2025, 23TL00758


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Théus Industries a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre de ces années.



Par un jugement n° 2002453 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa

demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Théus Industries a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre de ces années.

Par un jugement n° 2002453 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2023 et le 12 février 2024, la société Théus Industries, représentée par Me Faure, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un suivi rigoureux des heures consacrées aux projets de recherche et d'innovation, que les éléments qu'elle produit pour l'établir, constitués sur la base de données présentées ou évoquées avec l'administration en cours de contrôle, sont suffisamment probants pour être pris en compte ;

- le service ne pouvait exiger qu'elle soit en mesure de distinguer les heures correspondant aux projets éligibles de celles correspondant aux projets non-éligibles, alors qu'en tout état de cause l'intégralité des projets sont éligibles.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 août 2023 et le 4 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 13 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fougères,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Théus Industries, qui exerce une activité de fabrication, d'étude et de développement de cheminées métalliques à Cavaillon (Vaucluse), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a remis partiellement en cause les crédits d'impôt recherche et innovation dont elle avait bénéficié au cours des années 2014 à 2017. La société Théus Industries relève appel du jugement du 3 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie pour ce motif au titre de ces années.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) k) Les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) et définies comme suit : 1° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits autres que les prototypes et installations pilotes mentionnés au a ; 2° Les dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations mentionnées au 1° (...) ". Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III à ce code : " (...) Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 17 octobre 2018 au 10 avril 2019, le vérificateur a sollicité auprès de la société Théus Industries la production de l'ensemble des justificatifs dont elle disposait afin de justifier de son activité de recherche et de développement. La société ayant produit au vérificateur l'ensemble des relevés de l'application de suivi horaire SAGE qu'elle utilisait, lesquels ont révélé des écarts importants entre les données qu'ils comprenaient et les heures de recherche déclarées par la contribuable, le vérificateur a sollicité la production de tout document complémentaire permettant d'affiner le détail des heures. Un compte-rendu d'investigation, signé par les deux parties le 28 novembre 2018, a constaté qu'en raison du départ, en 2014, d'une des salariées de la société chargée du suivi horaire des dépenses de recherche, ce " suivi horaire n'a pu être régulièrement effectué, faute de disponibilité en temps pour ce faire et d'un relevé rigoureux de la part du personnel concerné ", la mise en place d'une nouvelle application à la fin de l'année 2017 permettant ensuite d'améliorer la situation.

5. À supposer même que la société ait exprimé au cours du contrôle, ainsi qu'elle l'a fait dans ses observations en réponse aux propositions de rectification adressées par le vérificateur puis lors de ses recours hiérarchiques, que les heures pointées par l'application SAGE ne constituaient qu'une partie des heures de recherche à prendre en compte, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de production de tout élément en ce sens et compte tenu des réponses successives qui lui ont été adressées par l'administration, que l'intéressée ait produit, au cours de la procédure d'imposition, d'autres justificatifs de nature à établir de manière probante ce nombre d'heures, en particulier les agendas et les relevés horaires individuels sur papier dont elle prétendait disposer. Il n'est pas davantage justifié que la société aurait transmis au vérificateur des tableaux Excel complétés et validés par le responsable recherche et développement au fur et à mesure des travaux de recherche accomplis. Dans ces conditions, les tableaux horaires de 2014 versés au dossier concernant M. F... C..., M. E... B... et M. D... A..., qui n'ont pas date certaine et ont subi des retraitements non explicités par la société, sont insuffisamment probants pour justifier du nombre d'heures réalisées par eux et affectées à des opérations de recherche ou d'innovation au cours des années en litige.

6. Par ailleurs, si la société appelante verse au dossier une double page d'un perpétuel de caisse, censée porter sur les 20 et 21 novembre 2017 et comportant un décompte de certaines dépenses, celle-ci est toutefois insuffisante, en l'absence de production du perpétuel dans son entier et compte tenu de l'imprécision des mentions qui y sont portées, pour être prise en compte. Il en va de même s'agissant des deux matrices d'heures produites, lesquelles portent seulement sur certaines heures de l'année 2017 dont il n'est pas établi, au demeurant, qu'elles n'auraient pas déjà été acceptées par l'administration. Enfin, les attestations de certains salariés établies en cours d'instance, entre sept et dix ans après les faits, et ne précisant pas le détail de leurs missions et de leurs dates et horaires d'intervention, sont insuffisamment probantes, en l'absence de production d'éléments contemporains des faits et complets tels que l'intégralité des agendas, comptes-rendus de réunions ou autres, pour justifier du nombre d'heures que la société a affectées à ses opérations de recherche et d'innovation au cours des années 2014 à 2017.

7. D'autre part, au titre des années 2015 à 2017, l'administration fiscale a écarté les heures rattachées à certains codes-projets génériques, correspondant notamment à des réunions ou divers travaux communs à plusieurs projets, au motif que la société Théus Industries n'a pas été en mesure d'identifier les heures consacrées à des projets éligibles de celles consacrées à des projets non éligibles. S'il est vrai qu'une opération de recherche et développement peut concerner plusieurs projets différents et qu'un projet donné peut nécessiter plusieurs opérations dont seulement certaines relèvent de la recherche et développement, l'octroi du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt innovation suppose nécessairement, contrairement à ce que soutient l'appelante, que les heures exclusivement consacrées à la recherche et à l'innovation puissent être précisément identifiées. Dès lors, l'administration pouvait valablement écarter des heures relevant de projets génériques ayant donné lieu à la fois à des opérations éligibles et des opérations non éligibles. En se bornant à affirmer, alors qu'elle avait reconnu lors du contrôle que l'application SAGE ne permettait pas d'obtenir ce niveau de détails, que " les heures éligibles ont été réaffectées aux codes-projets correspondants " et que " les codes-génériques auxquels le service se réfère et qui ont permis à la société de comptabiliser les dépenses de salaires correspondent uniquement à des projets éligibles " sans apporter davantage de précisions, la société appelante ne contredit pas sérieusement les affirmations du service selon lesquelles les heures correspondant à ces codes-projets ont été seulement pour partie consacrées à des projets éligibles.

8. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que d'autres heures de recherche et d'innovation que celles que l'administration a admises devraient être prises en compte au titre du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt innovation dont la société Théus Industries a pu bénéficier au titre des années 2014 à 2017.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Théus Industries n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions s'opposent à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Théus Industries une somme au titre des frais qu'elle a exposés en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens. Ces conclusions doivent, dès lors, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Théus Industries est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Théus Industries et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.

La rapporteure,

A. Fougères

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00758
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Aurore Fougères
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : FAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;23tl00758 ?
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