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08/04/2025 | FRANCE | N°24TL02993

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 08 avril 2025, 24TL02993


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, d'annuler la décision du 4 juillet 2022 par laquelle le président de l'université d'Avignon a mis un terme et décidé de ne pas renouveler son engagement contractuel à son échéance le 31 août 2022, d'enjoindre au président de l'université d'Avignon de la réintégrer dans ses fonctions d'adjoint technique, à titre subsidaire, de condamner l'université d'Avignon à lui verser les sommes de 16 5

32 euros au titre du refus de renouvellement de son contrat, de 1 377 euros au titre de l'ind...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, d'annuler la décision du 4 juillet 2022 par laquelle le président de l'université d'Avignon a mis un terme et décidé de ne pas renouveler son engagement contractuel à son échéance le 31 août 2022, d'enjoindre au président de l'université d'Avignon de la réintégrer dans ses fonctions d'adjoint technique, à titre subsidaire, de condamner l'université d'Avignon à lui verser les sommes de 16 532 euros au titre du refus de renouvellement de son contrat, de 1 377 euros au titre de l'indemnité de licenciement et de 4 000 euros au titre du préjudice moral, enfin, de mettre à la charge de l'université d'Avignon la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2302941 du 4 octobre 2024, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes comme irrecevables.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2024, Mme B..., représentée par Me Juan de la société d'avocat Lex Mea, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance du 4 octobre 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2022 par laquelle le président de l'université d'Avignon a mis un terme à son engagement contractuel en qualité d'adjoint technique et a décidé de ne pas renouveler son engagement à son échéance le 31 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au président de l'université d'Avignon de procéder à sa réintégration dans ses fonctions d'adjoint technique ;

4°) à titre subsidiaire, à défaut de procéder à sa réintégration, de condamner l'université d'Avignon au versement de la somme de 16 532 euros au titre du non renouvellement de son contrat à durée indéterminée, la somme de 1 377 euros à titre d'indemnité de licenciement et de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de l'université d'Avignon les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de ne pas renouveler son contrat de travail à durée déterminée à temps partiel procède d'une discrimination en raison de son état de santé, alors qu'elle bénéficie d'une reconnaissance de travailleur handicapé et qu'elle a procédé à un signalement sur le registre santé sécurité au travail de l'université le 11 janvier 2022 ;

- le délai de prévenance de 3 mois avant la tenue de l'entretien préalable lui signifiant le non-renouvellement de son contrat de travail à son échéance n'a pas été respecté par l'université d'Avignon, puisqu'elle a été convoquée le 24 juin 2022 à un entretien le 1er juillet suivant ;

- la décision de l'université en date du 4 juillet 2022 lui signifiant le terme de son contrat lui a été notifiée à une adresse qui n'existe pas à Avignon, alors même qu'un précédent courrier du 24 juin 2022 lui avait été adressé à son adresse personnelle ;

- à raison de cette erreur d'adressage, le délai raisonnable d'un an pour introduire un recours contentieux n'a pu commencer à courir, de sorte que son action est parfaitement recevable ;

- de manière subsidiaire, elle s'en rapporte à la décision de la cour s'agissant de la recevabilité de ses demandes indemnitaires, en l'absence de recours préalable de nature à lier le contentieux au sens des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2025, l'université d'Avignon, représentée par son président, ayant pour avocat Me Vendé de la Selarl d'avocats B R G, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'annulation était irrecevable par application de la jurisprudence dite " Czabaj " du Conseil d'Etat ;

- la demande indemnitaire est tout aussi irrecevable à défaut d'avoir été précédée d'une demande préalable permettant de lier le contentieux ;

- les autres moyens de la requête de Mme B... ne sont pas fondés.

Par un avis du 4 mars 2025, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée à cette date.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente rapporteure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Reilles, substituant Me Vendé, représentant l'université d'Avignon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par l'université d'Avignon (Vaucluse) en qualité d'adjoint technique contractuel à temps partiel du 1er septembre 2018 au 31 août 2019, contrat renouvelé par deux avenants jusqu'au 31 août 2022, pour exercer les fonctions de préparateur des travaux pratiques de biologie à l'unité de formation et de recherche-Sciences, Technologies, Santé. Par décision en date du 4 juillet 2022, le directeur des ressources humaines de l'université d'Avignon a notifié à Mme B... que son contrat d'engagement ne serait pas renouvelé à son échéance du 31 août 2022. L'intéressée relève appel de l'ordonnance en date du 4 octobre 2024 par laquelle la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que ses conclusions indemnitaires comme irrecevables.

Sur les conclusions principales à fin d'annulation et d'injonction :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Si un requérant conteste qu'une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a adressé par voie postale à Mme B..., à la dernière adresse connue de ses services, au ... à Avignon (84000), en recommandé avec accusé de réception, un pli contenant la décision du 4 juillet 2022 sur laquelle figurait une adresse erronée, l'informant que son contrat d'engagement ne serait pas renouvelé à son échéance, le 31 août 2022. Le président de l'université d'Avignon produit la copie de l'enveloppe qui lui a été retournée et qui est parvenue à ses services le 22 août 2022, avec la mention "Pli avisé et non réclamé" sur laquelle est apposée une étiquette rouge portant la mention "avisé le" suivie de la date manuscrite et lisible du 7 juillet 2022. Dès lors que la case mentionnant "Pli avisé non réclamé" a été cochée par le préposé en charge de sa distribution, cette mention établit qu'à la date de sa présentation, le destinataire du pli a bien été avisé de sa mise en instance au bureau de poste, et que son adresse de distribution correspondait bien à l'adresse connue des services de la poste. En se bornant à soutenir que le pli a été présenté à une mauvaise adresse, sans apporter aucun élément de nature à justifier son adresse effective à cette date, la requérante ne remet pas en cause les éléments précis et concordants produits par l'université qui fournit la copie recto verso de l'enveloppe de nature établir que la décision du 4 juillet 2022 lui a été régulièrement notifiée à la date de première présentation, le 7 juillet 2022. Dans ces conditions, le pli doit être regardé comme ayant été notifié à Mme B... au plus tard le 7 juillet 2022, date à laquelle la lettre recommandée lui a été présentée.

5. Par ailleurs, et en tout état de cause, à supposer que cette notification ne puisse être regardée comme ayant été régulière, la requérante admet dans sa requête d'appel, qu'elle a été rendue destinataire de la décision litigieuse par un courriel adressé le 4 juillet 2022 par le service des ressources humaines de l'université, auquel elle était annexée. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas eu connaissance de la décision litigieuse à raison de son envoi à une adresse erronée, dans la mesure où elle est réputée en avoir eu connaissance dès le 4 juillet 2022.

6. D'autre part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

7. Il est constant que la décision du 4 juillet 2022 avisant Mme B... de l'absence de renouvellement de son contrat à durée déterminée à son échéance, objet du litige, ne mentionnait pas les voies et délais de recours. Il résulte de l'instruction que la requête de l'intéressée, à laquelle était jointe la décision du 4 juillet 2022 litigieuse, a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 3 août 2023, soit un délai d'un an et un mois, au-delà du délai raisonnable d'un an mentionné au point précédent en l'absence de circonstances particulières, et était de ce fait irrecevable. L'ordonnance n'est dès lors entachée d'aucune irrégularité à cet égard. Par suite, les conclusions à fin d'annulation, doivent être rejetées comme irrecevables, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions accessoires à fin d'injonction.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : "La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.

9. Si Mme B... présente de nouveau en appel des conclusions tendant à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'absence de renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée, elle ne conteste pas le motif de l'ordonnance qui, pour rejeter de telles prétentions, a retenu en son point 7 l'absence de demande préalable d'indemnisation présentée à l'administration, en méconnaissance des dispositions précitées. Par suite, ainsi que le soutient le président de l'université d'Avignon en défense, les conclusions indemnitaires de l'intéressée doivent être rejetées comme irrecevables.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes comme irrecevables.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme sollicitée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'université d'Avignon, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante. En l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du même code, ses conclusions tendant à l'attribution de leur charge ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par l'université d'Avignon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université d'Avignon présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'université d'Avignon.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

La présidente rapporteure,

A. Geslan-DemaretLa première conseillère la plus ancienne,

V. Dumez-Fauchille

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24TL02993 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL02993
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Armelle Geslan-Demaret
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : JUAN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;24tl02993 ?
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